Chapitre 66

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ASHER

Quand je cesse de faire tourner le moteur de ma Firebird, je descends et constate que toutes les lumières de la maison sont éteintes. Comme d'habitude. Mon père doit être au pieu.

Silencieusement, je déverrouille la vielle porte d'entrée et me déchausse. Je me dirige sous les jets du pommeau de douche sans plus tarder. De longues brûlures irradie mon dos. En un coup d'œil dans le miroir, je remarque que ce sont les ongles d'Hailey qui se sont enfoncé dans ma chair qui ont laissé leur trace.

On a fait une sacrée connerie. J'ai merdé.

Je ne vais pas mentir, j'ai carrément aimé ce qu'il s'est passé, mais je sais incontestablement que j'ai déconné.

Je flippe, putain, ça me retourne le bide. On ne peut franchement pas continuer sur cette lancée. Je flippe de ce qu'Hailey pourrait être capable de m'apporter. Un peu d'euphorie, quelques sourires, des yeux doux... Cela fait un moment que j'ai accepté de m'en passer.

Les éclats de rire, la bonne humeur, tout ça s'est évaporé le jour où Lizzy est partie. Le bonheur d'autrefois, je n'ai pas réussi à la retrouver. Je n'ai pas réussi, depuis ce que Ley me fait ressentir. Et bordel, il est hors de question que je sois heureux sans ma petite sœur. Je n'en ai pas le droit.

La femme la plus importante à mes yeux a quitté ce monde en emportant avec elle, celle que je devais protéger pour le restant de mes jours.

Qu'est-ce que j'ai foutu, merde...

Je suis obligé de mettre fin à ce que nous avons entamé Hailey et moi. Il m'est impossible de songer à l'entraîner dans ma chute, mon quotidien dangereux, illégal et violent.

Ley n'a vu qu'une partie de ce que je vis au quotidien. Les courses, les combats, ce ne sont qu'une ébauche de ma routine. À ça se rajoute par moments certains trafics de drogue que j'ai débuté avec Camden.

Lui-même je l'ai entraîné avec moi. Déjà que ça n'était pas un saint, il a pris la décision de me suivre quand il en avait, lui aussi, besoin.

C'est un type juste au fond. Au quotidien, il ne montre que le Camden que les personnes autour de nous voudraient qu'il soit. Cependant, c'est un type qui en bave chaque jour. Je peux rarement le raisonner et lui faire comprendre qu'il n'est pas seul face au combat qu'il mène, mais il revient rapidement à la case départ.

De toute manière, qui suis-je pour donner des putains de conseils que je n'applique pas moi-même ? Qui suis-je pour venter de belles paroles auxquelles je ne crois même pas ?

À nous deux, nous nous sommes entrainés vers le fond mutuellement, sans même le faire exprès. Une chose et certaine, c'est que je n'ai aucune envie d'engager Hailey dans cette chaine infernale.

Je coupe l'eau et enfile un short.

C'est nécessaire, je dois creuser cet espace entre nous, afin de ne pas risquer qu'elle franchisse un peu plus ma zone d'insécurité.

Il n'y a pas uniquement cette anticipation de la protéger, je devance également ma propre défense. Les personnes qui m'entourent finissent toutes par disparaître. Je n'ai pas besoin d'une personne de plus au compteur.

Camden finira par s'en aller à son tour. Je m'y suis préparé, je finirai seul un jour ou l'autre. Je ressemblerais trait pour trait à mon père, livide, sans une once de quiétude, les yeux ternes par les malheurs accumulés. J'aurais appris à vivre en solitaire, à être aimé que par des personnes qui se seront enfuies ou que j'aurais moi-même rejetées. Que je chasse Hailey maintenant ou dans quelques années, ce ne serait que repoussé l'évidence.

Je ne m'apitoie pas sur mon sort, je ne fais qu'énoncé le rationnel, ce que je sais d'ores et déjà.

Pourquoi souhaiter mieux alors que nous sommes sûrs de notre fatalité ? C'est stupide.

Seuls les comptes du soir permettent un destin sans failles, contrairement à la réalité où c'est foutrement le contraire.

J'ai conscience que je vais la blesser. J'ai conscience que je vais merder un peu plus encore. Si elle savait que c'est pour la préserver de ce qui m'entoure. Si elle savait que c'est parce que je tiens bien plus à elle que je ne me le suis jamais autorisé pour quelqu'un d'autre

Dans l'histoire, je ne suis ni le méchant, ni le gentil. Je suis simplement la bête noire qui ne cherchait qu'à trouver une personne aussi détruite que lui.

Parvenu à son but, parvenu à trouver cette personne affligée, il s'aperçoit qu'il s'est bien plus attaché à elle qu'il se l'était pourtant décrété, dès l'instant où il a établi le règlement de son propre jeu.

Ce n'est pas de l'amour, ce n'est pas de l'attirance non plus, ce sont juste mes recherches qui ont abouti. Toutefois, il faut que je la protège pour ne pas que je me nourrisse d'elle davantage, afin de ne former plus qu'une âme funeste.

Ce que j'ai réussi à faire, c'est la persuader que là, quelque part en moi, il est possible que je puisse vouloir être avec elle. Le fait est que je suis cruellement ligoté à elle. Tout ce que je parviendrais à faire, si je continue avec elle, c'est l'amocher bien plus qu'elle ne l'est déjà.

J'ai fait une connerie, il faut que je l'assume.

Alors, ouais j'abandonne ce jeu.

J'abandonne tout.

J'abandonne ce pourquoi elle s'est fixé l'objectif de me vaincre.

J'abandonne cette ardeur que j'ai avec elle.

J'abandonne ce qui me tirait un peu plus de ma transe.

J'abandonne le semblant de bonheur qu'elle m'apportait.

J'abandonne en campant sur ma décision.

Elle doit disparaître de mon quotidien.

Attire-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant