Asher se tient devant moi, sa carrure imposante me stoppe dans ma course.
Mes larmes pourtant sèches depuis quelques minutes, menacent de nouveau de tracer leur chemin.
- Je ne suis plus d'humeur Asher.
Son regard m'évalue comme pour analyser ce que je ressens sur l'instant.
- J'ai dit quelque chose ?
Je secoue négativement la tête et tente de le dépasser, mais il me rattrape. Voyant que je ne dirais rien de plus, il commence à s'impatienter.
- Alors quoi ? Pourquoi t'es dans cet état ?
J'évite son regard et reste ferme.
Je relève mon attention sur lui, sa mâchoire se contracte, et dans un ton cynique, il conclut :
- J'ai plus envie de savoir.
Il plante cette fois ses iris bleus dans les miens.
- J'ai oublié pendant un instant que tu n'es qu'un jeu, une distraction pour moi.
Prise d'une soudaine amertume, je serre mes poings. Mes yeux semblent refléter ce que j'aimerais dire. Il le remarque, mais je ne préfère pas m'attarder et le bouscule d'une épaule pour le distancer.
Tu n'es qu'un jeu, une distraction pour moi...
Je ne cesse de m'infliger ces mots acerbes en boucle. Sa voix reste inscrite dans mon esprit. Pourquoi je ressens cette sensation assimilable à une douleur dans la poitrine, alors que je sais pertinemment que nos échanges ne se font qu'en considération de notre jeu ?
Ce n'est rien d'autre qu'un jeu, un objectif à atteindre, une partie à remporter.
Après la douleur, c'est la colère qui s'irradie en moi. J'ai cette envie irrépressible d'expulser ce que je ressens. Je suis obligée de me contenir comme j'ai appris à le faire avec le temps. Je me force à reprendre une respiration calme.
Mes sourcils se froncent quand je repense à ses expressions successives. Ses yeux pourtant rieurs l'instant d'avant s'étaient voilés, comme pour ne laisser nul individu, voir ce qu'ils seraient susceptibles de renvoyer. Ses lèvres qui souriaient de son rictus habituel ont repris leur forme de routine. Les traits de son visage sont passés d'espiègles à agacés, voire amers.
Je ne suis pas experte, et ne veux pas réellement chercher à comprendre après ce qu'il vient de me dire, mais une chose est sur, c'est qu'il dissimule quelque chose. Quelque chose qui lui est propre. Une chose qu'il ne veut révéler à personne.
* * *
Les images d'une ancienne série défilent sur mon écran d'ordinateur. Bien que la série m'est occupée après ma journée de cours, mon regard est perdu sur les personnages principaux, mon esprit complètement ailleurs.
Je manque de sursauter quand des coups résonne à la porte d'entrée. Je me précipite dans les escaliers et déverrouille la porte. Quand ma conscience fait le lien avec la personne qui se tient en face de moi, mon cœur manque un battement, automatiquement je marque un recul. Mes yeux me piquent, la culpabilité et l'affliction me serre la poitrine. Je place lentement ma main devant mes lèvres pour étouffer un sanglot non contrôlé.
Bryan...
Il tente de s'avancer dans ma direction, j'ai de nouveau un mouvement de retrait. Pour autant je suis incapable de le repousser lorsqu'il me serre contre lui, dans une étreinte réconfortante. Elle se vaut presque apaisante.
- Hailey...
Je ne réponds rien et le repousse en douceur, les larmes dévalant mes joues.
- Ce n'est pas ta faute...
Je hoche la tête pour le contredire.
- Si.
Il s'apprête à contester, mais je le devance.
- Je t'ai laissé seul lorsque tu en avais le plus besoin.
Il soupire, triste.
- J'ai eu le réconfort nécessaire, viens là.
Je ne lutte pas davantage et le laisse une nouvelle fois me prendre entre ses bras, bien plus puissants qu'il y a quelques mois.
- Excuse-moi, Bryan. J'aurais dû...
Il m'interrompt :
- Non, Hailey.
Sa voix est ferme et claire, il continue plus tendrement :
- Tu étais tout aussi bouleversé que nous, peut-être même bien plus. Ne t'excuse pas.
Coupé par mes sanglots, je parviens quand même à affirmer :
- Elle était importante pour toi.
Il pose son menton sur le sommet de mon crâne.
- Elle l'était, oui.
Je ravale mon chagrin, une rancœur envers moi prenant le monopole.
- Alors, tu devrais m'en vouloir.
Je le repousse de ma faible force étant donné la situation, toutefois, il m'étreint plus fort. Son ton s'affermit de nouveau.
- Je ne t'en veux pas. Ces sentiments que tu éprouves chaque jour Hailey, je les ai ressentis et les ressens encore. Je sais que tu persistes à tout masquer, mais on n'est pas dupes. Tes amis ne sont pas dupes...
Avant qu'il ne poursuive, je répète inconsciemment dans un murmure :
- Mes amis ?
Cette fois, il s'énerve presque tout en m'ayant contre lui. Ses biceps se contractent modérément.
- Oui tes amis. Tu n'es pas seule, bien que tu nous aies repoussé un nombre incalculable de fois, on est toujours là.
J'affronte désormais son regard noisette et y constate toute sa sincérité. Je remarque que ses traits ont très peu changé depuis la dernière fois. Ses yeux bruns s'accordent toujours autant à ses cheveux de la même couleur.
Je comprends ma meilleure amie, non seulement il est charmant, mais en plus, il est doté d'une incroyable délicatesse.
Bryan a les yeux brillants maintenant que je prends le temps de le détailler. Il souffre affreusement depuis le décès de Mya.
- Hailey, je ne t'en ai jamais voulu. J'aurais aimé par moments que l'on pleure, mais que l'on s'amuse tout autant en se remémorant Mya. Ça je l'ai fait tout seul.
Il marque une pause puis continue :
- Mais pour autant, tu restes toi. La meilleure amie de celle que j'aimais, et je respecterais toujours ça.
Il tente un petit sourire.
- Toutes tes craintes, toutes tes peurs, je peux les entendre, tout comme Lou, ou Léo. Ils souffrent eux aussi. Pas seulement de sa perte, mais aussi de la tienne. Tu as disparu en même temps qu'elle.
Calmement, je me confie à lui.
- Je ne peux pas Bryan. Depuis son décès, je ne fais qu'esquisser des semblants de sourire, et quand je m'autorise à sourire sincèrement, je culpabilise de me sentir bien. Je ne pourrais pas vous apporter la petite touche de bonheur dont vous avez tous besoin.
Il secoue lentement la tête.
- Et on ne te le demande pas. On aimerait juste que tu reviennes avec nous.
Finalement, j'esquisse un léger hochement de tête avant qu'il ne me reprenne entre ses bras.
VOUS LISEZ
Attire-moi
RomanceTOME 1 Et si le désir n'était en fait rythmé que par de simples règles d'un jeu dangereux... Il n'y a qu'une seule règle essentielle. Le premier attiré vers l'autre a perdu. Mais qu'en est-il lorsque deux individus pourvus d'un fort caractère sont...