Attire-moi

Chapitre 10

Désormais, je crois comprendre parfaitement la réticence qu'avaient Asher et le blond concernant cette dénommée, madame Lorms. Je conçois, car cela fait maintenant un peu plus d'un quart d'heure que nous sommes dans une salle aussi petite que celle d'un lycée. Contrairement à la surface que nous fréquentons habituellement, cette salle est totalement différente d'un amphi.

En revanche, ce n'est pas l'endroit dans lequel je me trouve qui me gêne, mais plutôt cette paire d'yeux derrière d'imposantes lunettes ronde. Madame Lorms nous fixe tour à tour. Nous sommes un peu éparpillés dans la salle, parmi d'autres étudiants que je ne connais pas. Pourtant, son regard ne va-et-vient qu'entre nous trois. Je dois admettre qu'elle est plutôt intimidante.

Ses cheveux grisonnants sont tirés en arrière en un chignon serré et laqué, où aucune mèche ne pourrait s'échapper. Ses mains jointes sur un petit tas de feuilles, devant elle, indique son état d'esprit actuel, austère. Tandis que ses lèvres soulignées d'un rouge criard n'esquissent pas le moindre mouvement, on pourrait presque penser qu'une statue nous fait office de présence. Une statue redoutable, par ailleurs.

Le professeur Smith a pris soins de nous fournir un devoir que nous ne pouvons assurément pas terminer aujourd'hui. Plus je jette un coup d'œil sur les énoncés sur mon ordi, plus je commence à faire défaillir le peu de concentration qu'il me restait. La plupart des étudiants autour de moi, s'amuse à jouer avec le pavé tactile comme je suis en train de le faire, simplement pour pouvoir observer la souris faire un énième cercle. Contrairement à ce que l'on peut imaginer, c'est distrayant.

Je souffle de frustration après de longues minutes à essayer de comprendre tous ces chiffres et lettres mélangés. Madame Lorms ne manque pas de me faire regretter mon action, quand son regard se pose impétueusement sur moi. C'est dingue ce silence qui règne, c'est pesant puis ça devient de plus en plus irrespirable.

Apparemment, je ne suis pas la seule à ne rien y comprendre. Alors que j'essaie de déchiffrer, le premier exercice, le blond, lui, fais passer un stylo entre ses doigts à l'opposé d'Asher qui semble pianoter sur son clavier d'une évidente facilité. Il a dû ressentir mon regard qui s'est un peu trop attardé sur lui, puisque ses sourcil se froncent légèrement. Son attention dévie sur moi. Son rictus habituel reprend place aux coins de ses lèvres. Blasé, je détourne le regard, ne tenant pas à entamer un stupide duel.

Après de longues minutes encore, vient un son mélodieux qui d'habitude m'horripile. Quand la sonnerie s'interrompt, mes affaires sont aussitôt remballées. Je m'apprête à sortir quand la voix ascétique de Madame Lors me devance :

- Que faites-vous donc ?

Mon air doit traduire ma crédulité, pourtant je précise tout de même :

- Je m'apprête à sortir.

Je désigne la porte et regarde Asher et Camden qui s'échangent un sourire en coin, presque discret.

La professeure effectue quelques clics et m'informe d'une voix parfaitement calme, satisfaite :

- Il me semble que Monsieur Smith vous a inscrit ici pour deux heures. Je vous prierai ainsi de vous rasseoir.

Pardon ?

Je me rassois sur ma chaise, excédée, en ravalant mon réjouissement.

Trente-quatre minutes plus tard, précisément, je porte un soudain intérêt aux touches de mon clavier, même si à mes côtés, je ne peux pas ignorer les regards complices qu'Asher échange avec son ami depuis une dizaine de minutes. Ce qui traduit clairement une de leur énièmes intentions de faire quelque chose de stupide.

Madame Lorms quant à elle, s'est penchée sur son ordinateur, nous abandonnant du regard pour la première fois depuis une heure et demie. Ce qui est une bonne chose, je ne pouvais plus supporter son expression faciale infaillible.

Les cliquetis de l'horloge et le lent tapotement des doigts de la professeure sur son clavier, me berce progressivement vers un repos léger, sans que je puisse luter davantage contre l'ennui.