Chapitre 23

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Une, ou peut-être deux heures se sont écoulées, je ne les compte plus. J'en ai ras le bol d'être allongée sur ce lit sans rien faire et attendre que Morphée veuille bien de moi. Cette nuit a une durée éternelle ?

Cette représentation d'Asher et moi dans le couloir ne cesse de hanter mes pensées. À chaque fois que je daigne penser à autre chose, mes pensées ressurgissent automatiquement à cet instant enfiévré passé avec lui.

J'ai besoin de prendre l'air, immédiatement, autrement je vais exploser.

J'enfile un gilet par-dessus mon léger pyjama en bretelle et descend les escaliers en silence. Asher et les autres sont logiquement en train de dormir.

Lorsque j'atteins le salon sans avoir réveillé personne, je les examine de loin au fur et à mesure que j'avance sur la pointe des pieds. Bryan et Léo sont affalés sur le sofa, je ne sais même pas comment ils parviennent à roupiller dans cette position.

Asher, est installé nonchalamment sur le fauteuil que je lui ai désigné tout à l'heure, ça ne doit pas être super confortable. Une chose me trouble pourtant. Ses sourcils sont froncés, comme s'il faisait un rêve qui le perturbe. Je circule, sans me poser davantage de questions.

Je déverrouille la porte en discrétion et sort sous l'avant-toit. Le froid nocturne s'engouffre entre mes mèches châtains, me faisant frissonner. La pluie a cessé, néanmoins le temps reste humide.

J'entreprends de fermer la porte derrière moi, mais les courants d'air qui s'engouffrent à l'intérieur ne me facilite pas la tâche. Je parviens quand même à la clore avec un peu plus de force, elle se referme dans un petit fracas. Je reste sur le pas de la porte sans esquisser le moindre mouvement, comme si la provenance du bruit pouvait s'évaporer. Ça n'a pas eu l'air de quiconque. Je laisse échapper un soupir.

Avant que je ne puisse savourer cet instant de solitude, la porte se rouvre. Frustrée, je tente de la refermer en pensant qu'elle s'est mal verrouillée et que le vent me joue de nouveau un tour. Cependant, quand j'essaie de la barricader pour de bon, ça me semble beaucoup trop ardu pour une simple porte d'entrée. Je la laisse alors s'ouvrir, intriguée. En effet, ce n'est pas la porte qui ne veut pas se fermer, mais Asher qui semble vouloir sortir.

Manifestement, il ne veut pas me laisser en paix ce soir.

- Qu'est-ce que tu fous dehors ?

Ses yeux fraichement ouverts, indiquent qu'il vient tout juste de se réveiller.

- Retourne te coucher Asher.

Il reste flegmatique en refermant la porte.

- Sympas l'hospitalité.

Je lui jette un regard de travers.

- Je t'héberge pour la nuit. Je fais déjà preuve d'hospitalité.

Il se renferme sur-le-champ.

- Je ne t'ai pas forcée.

Non, mais tu serais trempé jusqu'aux os si je ne l'avais pas fait.

- Je n'ai pas dit ça.

Il croise les bras sur son torse, lui donnant un air presque ferme.

- Ça le sous-entendait.

Je me résous à ne rien rétorquer et le laisse planté sous le porche pour braver le vent et marcher un peu.

- Où tu vas ?

Je regarde par-dessus mon épaule.

- Ça te regarde ?

Il hausse les épaules et me désigne ma tenue du menton sans rien dire. Je riposte vivement :

- J'ai une veste. Personne ne traine dans la rue à cette heure-ci.

Il marmonne dans son coin, j'arrive à entendre de là où je suis :

- Non, uniquement les cinglés.

Je grommelle :

- Emmerdeur.

Il me suit de loin.

- S'il se met à pleuvoir ?

Je continue mon chemin.

- Je serais mouillée.

Je l'observe en discrétion. Les mains enfoncées dans les poches, il se permet de me faire remarquer ma tenue, mais la sienne se résume à un jean et sa chemise ouverte sur son torse nu.

Puisqu'il continue sur ma trajectoire, je lance suffisamment fort pour qu'il m'entende

- Tu ne peux déjà plus te passer de moi...

Il trottine jusqu'à mes côtés. Sa taille m'impressionnera toujours en comparaison à la mienne.

- J'ai simplement pas envie d'avoir ton agression sur la conscience.

Je tressaille en imaginant le pire. Finalement, je rétorque :

- Qu'est-ce que ça pourrait te faire ?

Il fronce les sourcils en reprenant un air suffisamment sérieux.

- Arrête. Ça a beau n'être qu'un jeu entre nous, je ne te le souhaite pas.

Je reste silencieuse un moment avant qu'il ne m'interroge.

- Il y a un problème ? Tu ne dis plus rien.

Je fronce les sourcils.

- Je n'ai rien besoin de dire.

- C'est flippant.

Je le questionne d'un simple regard.

- Tu contre-attaques toujours normalement. Rester silencieuse n'est naturellement pas dans tes cordes.

Je conteste :

- Mais quand ça arrive, j'aime être seule sans qu'un emmerdeur vienne perturber mon silence.

Il remarque.

- Tu vois, tu ripostes encore.

Je soupire hargneusement, avant de sentir une goutte froide s'échouer sur ma joue, suivie de plusieurs autres.

J'annonce :

- Il pleut.

Immédiatement, il trouve l'occasion d'user de son sarcasme.

- Tu crois ?

La pluie ne tarde pas à devenir bien plus dense. Nous sommes bientôt trempés.

Nous sommes tous les deux, obligés de faire demi-tour.

- T'aurais dû m'écouter.

Je place ma capuche sur mes cheveux déjà ruisselants.

- Tu m'as porté la poisse, nuance.

Il grommelle dans son coin, tandis que je lutte contre le vent qui me fait face. Asher avance à une allure étonnante, contrairement à moi.

Lorsqu'il remarque que je m'attarde derrière, il me rejoint prudemment sans dire un mot, puis place sa main dans mon dos pour m'aider à avancer avec lui, face aux rafales qui me repoussent sans peine.

J'aperçois de nouveau la devanture de la maison. Mais au moment où je pense pouvoir rentrer, Asher s'immobilise en m'entrainant avec lui. Mon regard l'interroge, perplexe.

Il me fait face, en posant ses mains sur chacune de mes joues. Ses yeux sont sombres à la lumière des lampadaires semblent exprimer cette lueur qu'ils retranscrivaient tout à l'heure.

Il le sait. Il sait sans l'ombre d'un doute que s'il entame quelque chose maintenant, nous serions peut-être incapables d'y mettre fin cette fois.

Attire-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant