Attire-moi

Chapitre 70

ASHER

C'était compliqué de garder une assurance infaillible face à son expression complètement anéantie. Bordel, ça me retourne les tripes.

Cam me sonde, furieux. Il m'en veut. Non seulement pour ce que je viens de faire, mais suite à notre dernière altercation également.

D'une voix d'un calme déconcertant, j'admets :

- J'ai été obligé de le faire, Camden.

Il secoue la tête :

- Tu n'es contraint de rien la concernant. Tu es simplement trop con pour admettre que tu kiffes cette nana.

Non. Je m'en suis rendu compte. Je sais que je kiffe Ley, mais c'est de moi que je dois l'éloigner. C'est si compliqué à piger ?

Il y a quelque chose en Hailey que je ne retrouve pas chez les autres nanas.

Seulement, je le comprends que bien trop tard. C'est lorsqu'elle me tourne le dos que je prends conscience que je la perds réellement.

J'ai fait une connerie, mais une connerie qui j'espère parviendra à la protéger.

- Il faut que tu te ressaisisses, Asher.

Il m'évalue avant de poursuivre :

- Je sais que la perte de Lizzy t'affecte encore, que tu éloignes les personnes en fonction de qui tu es. Mais bordel, Ash, tu l'as brisée...

Comme s'il voulait me faire reprendre mes esprits, il avoue :

- Elle tremblait. Son corps tremblait dans mes bras, Ash.

Pour la première fois depuis un moment, ma vue se brouille. Et, bordel, j'ai l'impression d'être un enfoiré de faible.

Je prends la porte de sortie, espérant pouvoir m'apaiser à l'air frai et remettre mes idées en ordre. Camden me suit.

Il s'inquiète.

- Eh, bro'...

J'attrape mon briquet dans l'une de mes poches, en allumant la flamme, et l'éteignant.

- Tu n'as pas entendu tout ce que je lui ai dit...

Camden m'observe.

- Non, et heureusement. Je sais en revanche que tu as brisé une chouette fille.

Je ne réponds rien, il poursuit :

- Ce n'est pas une nana quelconque Ash, elle te plait, et tu le sais.

Je regarde la flamme de mon briquet valser, en buvant ses paroles.

- Même si tu comptes ne plus rien avoir affaire avec elle, présente-lui tes excuses. Elle ne mérite pas d'avoir entendu toutes ces choses.

Je pèse le pour et le contre.

- Je ne peux pas m'excuser et risqué de l'entraîner de nouveau dans ce que je vis.

Camden prétexte :

- Qu'est-ce que je devrais dire ?

Je réponds du tac au tac :

- Tu n'as pas de nana.

Il pouffe.

- Et à voir l'état dans lequel tu es, je n'en veux pas.

Je reprends mon sérieux, avant de m'expliquer :

- Je ne veux plus qu'elle ait affaire à notre univers Cam. C'est le nôtre et il faut que ça le reste. C'est dangereux pour elle, comme pour moi.

Camden acquiesce d'un signe de tête.

- C'est mon seul gain de fric, mon toit sur la tête, ma bouffe. Je ne peux pas me permettre d'être déconcentré de mes objectifs pour la simple et bonne raison de veiller sur elle.

Mon meilleur ami n'a plus d'arguments, il sait que je n'ai pas tort. Finalement, je fume une clope, avant de rentrer de nouveau à l'intérieur, lorsque je l'ai terminée. Je scrute la salle dans son entièreté, sans l'apercevoir. Cam m'observe d'un œil.

- Elle est partie.

Je le sais.

Ouais, je sais qu'elle est partie.

Dorénavant je vais devoir la croiser sur le campus, sans rien pouvoir lui dire. Je vais devoir supporter le supplice de l'avoir dans mon champ de vision sans pouvoir la toucher ni même l'aborder.

Seulement, même si je regrette d'un point de vue égoïste, je sais que l'écarter le plus possible n'est que favorable pour elle. Même Cam le comprend, il sait que l'immergé dans notre quotidien, ça craint.

Si depuis le début nous étions restés de simples amis, si je n'avais instauré aucune règle de ce foutu jeu, alors elle n'aurait pas eu à entendre tout ça ce soir.

Tout ce que je lui ai déclaré ce soir, rien de tout cela n'était vrai. Nan putain, je n'en pensais pas un foutu mot.

Son cœur, elle me l'a confié inconsciemment, et tout ce que j'ai réussi à en faire, c'est le broyer lorsque je l'avais entre les mains.

C'était un peu le jeu "attrape-moi si tu peux".

J'ai réussi.

Je l'ai attrapée.

Seulement, elle m'a échappée.