Chapitre 68

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ASHER

Au volant de ma bagnole, le silence devient pesant dans l'habitacle. Camden est muet comme une tombe.

- Tu vas finir par me dire ce que t'as foutu Cam ?

Il soupire :

- C'est rien, juste une prise de tête avec un toxico.

Ma mâchoire se contracte.

Il daigne m'adresser un regard en coin, en précisant :

- Arrête, je te dis que c'est bon.

Ne pas savoir le fin mot de l'histoire me fait chier, surtout lorsqu'il s'agit de Cam.

- Ils étaient plusieurs ?

Agacé, il énonce :

- C'était deux types en manque de came. Ils doivent savoir que je deale.

Sur les nerfs, je reste muet un instant, avant de m'assurer :

- Tu n'y touches pas, hein ?

Nerveux de se faire questionner, il lance :

- Bien sûr que non.

Je le sonde. La dernière fois qu'il a touché à une drogue quelconque, remonte à quelques mois.

Encore une fois, le silence se réinstalle. Je déclare :

- Je m'inquiète, c'est tout.

Il secoue la tête, contrarié :

- Ce n'est pas ta faute si je suis dans ce merdier, Ash.

Je pouffe amèrement :

- Je t'ai entraîné avec moi dans cette putain d'organisation, Cam.

Cette fois, Camden s'énerve franchement :

- Bordel, arrête de tout ramener à toi. C'était mon choix, ma décision, bien avant que tu te lances là-dedans toi aussi.

Je réponds sur le même ton :

- Tu veux que je te dise quoi ? Que tu fais le con, que putain, te voir avec ces coups sur la gueule, ça me fout en rogne ?

Ses poings se referment sur eux-mêmes. Il m'ordonne d'une voix terne :

- Arrête la caisse.

Je refuse, il poursuit :

- Asher, arrête la bagnole.

En réalisant que ma conduite pourrait devenir dangereuse, je stoppe brusquement la voiture sur le bord d'un trottoir. Il se précipite pour sortir en claquant la portière.

J'assène un coup de poing sur le volant, comme pour expulser la tension accumulée.

Je sors de la voiture pour le rejoindre dehors, la nuit tombe. L'extrémité de sa clope embrassée m'indique qu'il tente de faire passer son animosité à travers la nicotine.

- C'est quoi ton problème Cam ?

Encore furieux, il m'apprend :

- Mon problème, c'est que tu te mêles de ce qui me concerne, putain.

Je m'offusque :

- Je t'ai simplement demandé d'où venaient ces hématomes.

Il rétorque :

- On repart sur la même conversation ? Tu vas me dire que je ne suis pas destiné à devenir comme mon vieux, alors que tu sais parfaitement, que toi et moi on finira comme eux.

Je m'apprête à contester quand il me devance :

- Merde Asher, tu n'es même pas en mesure de me faire la morale.

Il ne me laisse pas le temps d'en placer une.

- On n'a qu'à prendre l'exemple de ce que tu t'apprêtes à faire à Hailey.

Il sait que c'est le point qu'il ne faut pas toucher ces temps-ci.

Je réplique sèchement :

- On ne parle pas d'Hailey.

Il appuie :

- Si justement. Tu prétends que l'on ne finira pas comme nos vieux, mais tu la repousses alors qu'elle accepte ce que tu es jusqu'à maintenant.

Mes poings se contractent.

- Comment crois-tu qu'elle va réagir, hein ?

Je ne trouve rien à répondre, il enchaîne :

- Tu ne penses qu'à ta gueule Asher.

Je le fusille du regard :

- C'est un coup bas.

Il pouffe :

- Ah ouais ?

Je prétexte :

- Ouais, parce que je me casse le cul à me préoccuper de comment tu vas bordel.

Il pète un plomb :

- Et moi, je ne t'ai rien demandé, fous-moi la paix.

Je sais que depuis petit, Camden a longtemps été habitué à être solitaire, il se débrouille de lui-même, depuis toujours.

- C'est ce que tu veux ?

Les yeux plantés furieusement dans les miens, il admet :

- Je n'ai besoin de personne.

Je m'avoue vaincu en concluant :

- Tu pars en vrille Cam.

Je remonte dans ma caisse sans lui accorder un regard, puis redémarre. J'ai beau tenter de continuellement lui assurer qu'il ne deviendra pas comme son père, il ne veut rien entendre, il s'en est convaincu avant même que je n'entre dans sa vie.

Son passé a un sacré impact sur ce qu'il est aujourd'hui. J'en suis venu à me demander comme l'aider, en vain. Ça faisait un moment qu'il n'avait pas réagit de cette manière. Il remet sans arrêt sa vie en question, certain qu'il finira comme ses parents : une mère qui a foutu le camp et un père toxico.

Il a vécu son enfance dans de putain de circonstances et il en a encore des séquelles importantes.

Camden est une personne bien plus détruite que moi. Il a trouvé en moi, une occasion de puiser le bon, tout comme j'essaie de faire avec Ley. Seulement, nous sommes déjà deux dans ce merdier, inutile de l'engrener elle aussi.

Aux premiers abords, Camden est un type bien. Ça l'est incontestablement, je suis le premier à l'affirmer. C'est ce qui le suit qui fait de lui la personne qu'il est lorsque nous le connaissons véritablement.

Finalement, lui comme moi, avons besoin l'un de l'autre. Il sait me remettre dans le droit chemin quand je dérape totalement et à l'inverse quand c'est lui qui dévie sur la mauvaise trajectoire. Mais, il y a des moments, comme celui-là, où nous n'arrivons pas à mettre de côté le passé, où nous ressassons la douleur, en se foutant sur la gueule tout ce que nous pouvons.

Je suis le seul à pouvoir le cerner réellement. Personne n'a encore démasqué le véritable Camden.

Tout le monde se donne une image à un moment donné.

Pour dissimuler son merdier, Camden s'impose une image au quotidien. Il utilise le masque du pitre. Parfois, c'est naturel, d'autres fois, ça ne l'est pas. De cette façon, personne ne le soupçonne d'être détruit, derrière son impénétrable camouflage.

Attire-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant