Attire-moi

Prologue

Comment définiriez-vous votre vie en un mot ? Certains répondront insignifiante, d'autres la qualifieront de tolérable ou franchement fabuleuse pour les plus chanceux. Puis, nous retrouvons aussi ces personnes qui ne savent plus vraiment où elles se situent. Voilà exactement où je me trouve.

Décembre.

Cinq mois, se sont fanés depuis le décès de Mya. Celle qui gardait mes plus précieux secrets, ma confidente, celle qui devait m'accompagner encore un bon moment.

Le vingt-six juillet est devenu une date qui m'a terriblement marquée, un jour que je n'aurais jamais voulu vivre. Pourtant, la mort est une chose de systématique chez l'être humain : on naît, on vieillit, puis on s'éteint...

C'est comme un rituel.

Seulement, la chute ne prévient pas.

Certains de ses proches affirment qu'elle s'est envolée pour un monde meilleur, qu'elle a rejoint le ciel pour une raison bien particulière.

Ce que moi, j'ai compris, c'est qu'on me l'a brutalement enlevée.

Brusquement, j'ai pris conscience que le cours d'une vie pouvait être injustement affecté.

Noël est une fête que j'attendais impatiemment chaque année. Mya avait pour habitude de m'offrir ses cadeaux le lendemain. C'est très vite devenu une tradition qui n'appartenait qu'à nous. Cette fois, j'ai l'impression que l'événement se rapproche à grands pas, sans que j'aie cet engouement particulier.

Parce que cette année, elle n'est plus là. Je passerais cette fête de fin d'année en compagnie de ma mère. Elle ne rivalise pas avec les grandes festivités, un simple sapin illuminé suffit et un bon dîner concocté par ses soins nous rassasie. C'est un moment que je chéris tout particulièrement et que je partageais gaiement avec Mya, parce que se régaler autour d'un repas avec maman est devenu rare.

Ma vie n'est pas insignifiante, elle n'est pas fabuleuse non plus. C'est simplement plusieurs jours qui m'appartiennent encore, qui influencent mon destin à chaque instant. C'est ainsi que je l'ai définie. Aucun mot ne la caractérise justement.

Depuis que Mya ne fait plus partie de mon quotidien, le campus est devenu un endroit que je fréquente pour tenter de m'évader. Seule.

Seule parce que j'ai interrompu tout lien me rattachant à elle. Seule parce que j'ai renié notre groupe d'amis, les souvenirs incessants, assombrissants un jour de plus.

Malgré mes rejets et mes éternelles fuites pour m'efforcer de les éviter, ils leur arrivent encore de m'adresser quelques sourires et prendre de rapides nouvelles. Et, parce que je n'ai aucune raison de toujours les renier, je les laisse faire en espérant simplement que le temps s'accélère un peu.

Depuis, la solitude ne m'effraie plus.

Toutefois, la réalité me rattrape rapidement lorsque je prends conscience qu'elle n'est plus là, que son sourire rayonnant ne pourra pas éveiller le mien. Alors, je laisse les papillons noirs virevolter autour de moi, en comprenant que me souvenir, ne la fera pas revenir.

Maintenant, si nous supposions que tout ce que je viens d'ébruiter, tout ce que je viens de retracer, pouvait totalement changer ?

Je suis pourtant loin de croire au changement, écarté de toute lueur d'espoir en ce qui concerne le bonheur d'une vie. Mais, c'est ce qu'il va m'apprendre.

Lui, cynique et méprisant, va s'acharner à me faire comprendre qu'être en vie, même seule, est une chose que je n'aurais qu'une fois. Une seule et unique fois.

C'est en acceptant de commencer un stupide jeu que je vais finir par le comprendre.

C'est grâce à une stupide partie que je vais réapprendre à exploiter chaque petit instant de prospérité, de bien-être et d'enthousiasme. Il va s'user à me faire entendre que l'optimisme existe encore, qu'il est uniquement dissimulé par ce que je me force à penser.

Ce dont je suis convaincue, c'est qu'à chaque instant, tout peut prendre fin.

Après avoir joué avec Asher Downs, j'ai réalisé que peu importe ce à quoi nous faisons face, chaque jour devient un peu plus décisif pour le prochain. Influençant nos émotions, nos sentiments et notre bonheur.

Ce dont je n'étais pas encore préparée en revanche, c'est cet acharnement à en vouloir davantage. Il va m'en apprendre bien plus en une partie, que je ne m'attendais.