Attire-moi

Chapitre 45

Je sors précipitamment de la voiture, suivie de Lou, toute aussi surprise que moi, de la spontanéité de Bryan.

Asher ne réplique pas, il ne bouge même pas. Pour autant, Bryan ne semble pas en avoir fini, son poing se lève de nouveau.

J'interviens en tirant sur la manche de son t-shirt ample.

- Bryan, on peut rentrer, s'il te plaît.

Son regard se pose promptement sur moi, un air désolé s'emparant de ses traits. Mes iris dévient vers Asher contre mon gré. Ses yeux sont ancrés à moi. Bryan abandonne en prenant place derrière le volant, Lou hésite un instant avant de me laisser seule devant lui, puis elle finit à son tour par regagner la voiture.

Ses yeux azur qui auparavant retranscrivaient ce que je semblais discerner, ce qu'il refoulait, ne semble plus rien me manifester. Probablement parce que je ne tente même pas de deviner ou envisager ce qu'il aimerait ou devrait me dire. C'est comme si ses billes bleues n'étaient plus qu'un défaillant souvenir.

Avant que je ne lui montre de nouveau ma faiblesse, je me précipite à l'intérieur de l'habitacle, le laissant planté seul, Camden étant un peu plus loin.

Lou informe à Bryan :

- Dépose-la chez moi.

Je lui adresse un regard, elle comprend que je la remercie silencieusement. J'imagine qu'elle a bien fait, je ne me vois pas rester seule chez moi ce soir.

Bryan démarre au quart de tour pour filer en direction de chez Lou. Mon regard vagabonde par la vitre, mes pensées par la même occasion. Je m'interroge, je me questionne. Comment ce jeu a-t-il bien pu dévier à ce point ?

Bryan se stationne rapidement devant la demeure familiale de Lou.

Je me détache et descends quand Lou salue les garçons. Ils nous sourient, pour repartir quelques secondes ensuite.

Lou me devance pour ouvrir la porte d'entrée. Lorsque je franchis le seuil, je suis immédiatement replongé quelques mois en arrière, durant nos soirées pyjama. Lou, Mya et moi adorions passer des week-ends devant des films romantiques à nous en ramollir nos petits cœurs.

Lou me guide jusqu'à sa chambre, même si je n'ai pas oublié le chemin. Elle me prête un pyjama, avant de m'indiquer :

- Tu peux aller prendre une douche, si tu veux.

J'acquiesce, avant de m'enfermer à double tour dans la salle de bain. J'observe mon reflet dans le petit miroir au-dessus du lavabo. À quoi bon se faire jolie pour se retrouver dans cet état à la fin de la soirée ? Mon mascara à coulé, mes yeux sont rouges.

En constatant que je suis misérable, je me remets à pleurer. Je n'ai pas le droit de pleurer pour si peu. Mya m'aurait affirmé la même chose. Notre devise : ne jamais pleurer pour le sexe masculin.

Je pleure en silence pour ne pas alerter Lou, j'essuie mes larmes au fur et à mesure qu'elles tracent leurs sillons sur mes joues.

Je laisse couler l'eau pour lui laisser le temps de se chauffer. Quand je daigne mettre un pied sous la douche, mes perles salées se confondent avec l'eau du pommeau.

Le jeu n'est en vérité qu'une partie de notre histoire. C'est ce que nous nous sommes imposé dès le début. Quand nous outrepassons ce fait, ce sont nos sentiments personnels qui empiète sur notre rivalité.

Ce qu'il a fait ce soir, n'est nullement défendue par l'une de nos règles établies. Mais, je n'ai pas respecté en revanche, l'une de mes règles personnelles : se rappeler que ce n'est qu'un jeu.

Je n'ai jamais négligé le fait que ce qui nous rattache n'est que la compétition. Toutefois, je n'ai pas respecté l'interdit de m'attacher. C'est pénible de le reconnaître. Est-ce que je me suis véritablement attaché, ou est-ce que je donne une concrète importance à cet objectif que je me suis lancé dès le début ?

Je sors de la douche sans avoir de réponse à ma question. Je me sèche et enfile le pyjama que Lou m'a prêté pour cette nuit.

Quand je rejoins de nouveau la chambre, elle me questionne :

- Je peux y aller ?

J'affirme d'un signe de la tête. Elle me sonde, avant que je détourne le regard pour qu'elle ne remarque pas mes yeux brillants. Elle n'est pas idiote, elle s'en rend compte aussitôt, avant de me prendre entre ses bras frêles. Pourquoi ces foutues larmes ne se contiennent pas ce soir ? J'ai appris à le faire maintes fois pourtant.

- Tu veux en parler ?

Je secoue la tête, elle s'écarte lentement en m'offrant un sourire réconfortant :

- Plus tard alors.

Elle me laisse seule un moment pour aller prendre une douche à son tour.

C'est calme ici. Je m'assois sur le bord du lit quand Lou revient un bon quart d'heure plus tard.

Nous nous couchons en silence, elle allume la télé, en mettant un programme au hasard. Je n'écoute aucun dialogue entre les personnages, bien trop occupé a ressassé stupidement la soirée.

Lou s'endort en peu de temps, j'éteins alors la télévision. Incapable de trouver le sommeil.

* * *

Après de longues heure éveillée, j'ai fini par trouver le sommeil pour un court moment. Le réveil de Lou a sonné il y a environ une demi-heure. J'essaie d'arranger mon reflet devant ce miroir, depuis au moins cinq minutes, en vain. Mes yeux se révèlent toujours aussi fatigués.

Je n'ai qu'une hâte que cette journée s'achève, alors que je viens seulement de l'entamer.

- Bryan s'est proposé pour nous conduire. Il est là dans quelques minutes.

J'opine :

- D'accord.

Elle me demande une deuxième fois depuis ce matin :

- Tu es sûr de ne pas vouloir dormir ici cette nuit ?

Je refuse gentiment :

- Non, je dois passer par la salle de sport après les cours, je rentrerais directement après.

Elle approuve d'un signe de tête. Son téléphone vibre, elle le consulte :

- Il est en bas, il nous attend.

Effectivement, on entend le klaxon. On se presse de nous chausser. J'enroule mon cou dans une épaisse écharpe, en réfugiant mon nez à l'intérieur.

Nous montons à l'arrière lorsque Léo nous salue :

- Bonjour vous deux !

Je tente un sourire, tandis que Lou entame une conversation avec eux, Bryan nous conduisant en direction de l'université.