Chapitre 67

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Mes fidèles écouteurs enfoncés dans les oreilles, je marche vers le campus, une confusion déconcertante depuis que je suis levé, brouille mes pensées. Plus précisément au sujet d'Asher. Quelque chose me dit que suite à la nuit que nous avons passée tous les deux, sa façon de voir les choses a radicalement changée. Il doit se poser une multitude de questions, tout comme moi, sans forcément avoir de réponse. Et, dieu sait qu'Asher ne sait pas gérer un surplus d'informations.

Notre jeu est-il toujours en cours ?

Je rejoins mes amis comme chaque matin, juste le temps de les saluer, prétextant un papier à consulter avec le secrétariat de l'université. Ils ne relèvent pas, de même pour Lou qui est pourtant soupçonneuse habituellement.

J'erre seule sur l'allée du campus, trop occupée à remettre chacune de mes pensées dans l'ordre, en faisant le tri entre ce qui est rationnel et ce qui ne l'est pas. Ce qu'Asher pourrait penser ou non. Sur son fonctionnement, ses réflexions...Tout. Seulement, là maintenant tout ce que j'arrive à faire, c'est m'égarer entre ce que je sais et ne sais plus.

Plus loin, j'aperçois Camden et Asher marcher côte à côte. Il est vêtu de sa fidèle veste en cuir sur les épaules, son bandana noir dompte ses cheveux foncés contrairement à hier lorsque mes doigts parcouraient un chemin entre ses mèches.

Je sors de mes pensées, en voyant qu'il ne m'accorde pas un regard. Pas même en coin.

Lorsqu'il arrive à mes côtés, je tente de capter son attention :

- Ash, je...

Il trace sa route, sans me prêter attention. Camden s'arrête à ma hauteur.

- Merde, Cam...

J'évalue son visage tuméfier.

- Qu'est-ce qu'il t'est arrivé.

Il me fait un clin d'œil comme pour m'assurer qu'il va bien.

- Ce n'est rien.

Lou, Bryan et Léo nous rejoignent. Du coin de l'œil, je constate que Cam perd rapidement son sourire en coin. Lou l'observe, sceptique.

Ce matin, nous semblons tous vouloir garder les choses pour nous. Seulement, j'ai la sensation que si je parle de cette nuit en compagnie d'Asher, on me voit comme une fille facile. Je suis sûre que je ne me ferais pas juger, ce sont mes amis, mais le regard des autres est parfois bien trop cruel pour que l'on puisse s'y fier.

Nous nous séparons tous pour entrer dans nos cours respectifs, sauf Camden et moi, qui avons cours dans la même section.

Il rejoint Asher sans plus un mot. Pour ma part, je retrouve ma place habituelle, près de la fenêtre. Pourtant cette fois, Asher ne m'y attend pas avec son sourire mesquin en coin. Cette fois, je n'aurais aucune remarque désagréable auxquelles je m'étais pourtant habitué.

Le cours commence, mon attention navigue entre ce qu'il se passe à travers la vitre, puis Asher et Camden qui échangent quelques mots, un peu plus bas. Certaines fois, le regard de Cam se pose furtivement sur moi.

Deux heures totalisées se déroulent dans le silence, seule la voix du professeur en guise de fond. Je sors après avoir pris quelques notes, bousculée par Asher lorsqu'il passe encore à proximité, sans s'arrêter, contrairement à Camden.

- Excuse-le, Hailey.

J'avale difficilement ma salive, et ne fait qu'acquiescer, ne sachant rien faire ni déclarer quoi que ce soit d'autre.

"Faites l'amour pas la guerre." Ce dicton n'est vrai qu'à moitié.

Il m'observe tardivement ce qui me permet de prêter davantage attention à ses hématomes importants. Il revient à la réalité :

- À plus.

Je lui souris légèrement, tandis qu'il part regagner Asher un peu plus loin.

Lou s'avance à son tour vers moi, pourtant, son regard n'est centré que sur Camden, elle a vraiment l'air soucieuse.

Nous avons cours toutes les deux. J'ai véritablement besoin de parler. J'ai la sensation que si je garde en moi ce que je renferme depuis hier soir, je vais imploser.

- Lou, on peut parler ?

Elle hausse un sourcil en avouant :

- J'attendais que tu le demandes. Depuis ce matin j'ai remarqué que quelque chose cloche...

Prise sur le fait, je précise :

- On devrait en discuter autre part.

Elle affiche un grand sourire.

- Je ne refuse jamais une proposition de sécher un cours !

Nous partons toutes les deux à l'écart des étudiants, sur un étroit sentier rocailleux. Le regard concentré droit devant moi, je me confie en omettant certains détails de la soirée d'hier.

Lou me sonde calmement avant de souffler :

- Alors lui et toi...

J'affirme d'un signe de tête avant de poursuivre :

- Après ça, il m'a raccompagné chez moi.

Attentive, elle ne perd pas un mot de ce que je lui confesse :

- Il avait l'air en harmonie avec lui-même et ce qui venait de se passer entre nous.

Elle m'invite à continuer de son regard brun.

- C'est seulement quand je me suis retrouvée seule que je me suis demandé si ce que l'on avait fait n'était pas une erreur.

Lou remet une de ses mèches rousse derrière son oreille

- C'est l'après coup, c'est normal.

Je hausse les épaules.

Elle m'interroge :

- C'est ce qui te tracasse ?

Le regard rivé sur le sol je conteste :

- Pas seulement.

Je fais une pause avant de relancer :

- Aujourd'hui, aucun regard, ni de sourire. Rien. Comme s'il était devenu un inconnu.

Lou fronce les sourcils, elle semble étonnée, elle aussi.

- Tu sais, cette fois, ça vous concerne intimement tous les deux.

J'approuve d'un hochement de tête, elle continue :

- Ce dont je suis certaine, c'est qu'il a dû en parler à Camden.

Instantanément, son prénom m'évoque les plaies que ce dernier a sur le visage. Je décide de changer de sujet :

- Entre toi et Camden, il se passe quelque chose ?

Un petit pli se forme entre ses sourcils, elle parait perplexe.

- C'est un ami.

Je sais qu'elle dit vrai. Elle marque un arrêt avant de reprendre :

- Seulement, quelque chose ne va pas chez lui, en ce moment.

Je l'ai remarqué aussi, mais Lou à l'air sûre d'elle.

- Je sais qu'il participe aux courses organisées, comme tu me l'as dit. Mais, il y a autre chose.

Lou n'est pas au courant pour les combats à mains nues instaurées par la même organisation. Toutefois, je suis certaine que Camden n'y participe pas. Quoique qu'il en soit, je préfère ne pas l'inquiéter avec ça.

Je conclus avec une question qui me pique le bout de la langue :

- Il te plait ?

Elle ancre ses iris noisette aux miens :

- Il m'intrigue.

J'acquiesce d'un signe de tête. Nous repartons toutes les deux en cours pour les deux heures de la matinée restante, même s'il est évident que ma concentration n'est pas à l'ordre du jour.

Attire-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant