𝐑𝐞𝐧𝐞𝐠𝐚𝐝𝐞 - 𝐉𝐄𝐎𝐍 𝐉𝐔𝐍𝐆𝐊𝐎𝐎𝐊 [𝐭𝐞𝐫𝐦𝐢𝐧𝐞́]

Chapitre 40

Si vous aviez demandé aux employés de 'Prime Corporation' de décrire les deux co-directrices de la compagnie, ils vous auraient sans doute donné la réponse suivante ou du moins quelque chose du même genre : "Aimée est un rayon de soleil, elle rend tout plus simple pour tout le monde. Elle est celle qui fait de 'Prime' l'empire économique qu'il est aujourd'hui. Camilla, elle, est comme une vague, elle se renouvelle constamment avec des idées fantastiques. Elle est l'âme de cette société."

Les deux jeunes femmes formaient un duo si complémentaire que 'Prime' avait eu un franc succès dès sa création, permettant en très peu de temps d'étendre la maison de haute-couture à la création de cosmétiques de luxe et prenant alors le nom de 'Prime Scents & Couture'.

D'ailleurs, sur le marché, cette jeune entreprise battait tous les records détenus par l'entreprise d'Hilda Pierce, l'ancienne mentor de la jeune Kline, et pour cause, la femme avait fini par passer les rênes de 'Pierce Couture' à sa fille unique.

- C'est toi qui a foutu le bordel ici ? demanda la jeune Williams en enjambant habilement l'un des énormes rouleaux de tissu qui se trouvait au sol.

- C'est mon atelier, fit remarquer Camilla en se retournant vers son amie avant de s'appuyer contre la grande table sur laquelle elle avait l'habitude de dessiner. Il me ressemble, tu ne trouvais pas ?

- C'est le cas de le dire... souffla Aimée en arrivant près de la noiraude après le parcours d'obstacles qu'elle avait réussi à traverser. Tu as un instant ? Il y a un possible actionnaire qui attend dans ton bureau. Il souhaite entendre les projets que tu as pour l'entreprise, alors qui mieux que toi pour en parler ?

- J'aurais sûrement un instant... Demain, lâcha la jeune Kline en se tournant à nouveau dans le but de poursuivre son esquisse. Dis à cette personne de prendre rendez-vous comme tout le monde.

- Ça ne m'étonne même pas, dit la belle blonde, amusée. Je le dirai à Sua pour qu'elle puisse bien agencer ton emploi du temps.

- Merci mon cœur, murmura la plus jeune des deux femmes avant de prendre son aînée dans ses bras, reposant son menton sur l'épaule de cette dernière. Je t'aime tellement... Qu'est-ce que je ferais sans toi ?

Aimée sourit immédiatement en refermant ses bras sur celle qu'elle considérait comme sa petite sœur, reconnaissante d'être l'une des seules personnes avec qui celle-ci était capable d'ouvrir entièrement son cœur. La jeune Kline se sentait en sécurité auprès de son amie car malgré le fait qu'elle semblait être aussi solide que le diamant, elle était en réalité aussi fragile que l'adolescente qu'elle était, celle-là même qui avait été abandonnée par sa mère dix ans plus tôt.

- Maeryl a essayé de te joindre sur ton portable mais tu l'as laissé dans mon bureau ce matin, alors j'ai répondu, expliqua la jeune Williams en décollant tout doucement son amie d'elle pour lui remettre le cellulaire dont il était question. Elle voulait savoir si tu comptais passer la voir tout à l'heure.

- Pas ce soir, mais si elle appelle au bureau dans la journée ou même demain, dis lui que je suis trop occupée, OK ? Je vais lui faire une surprise demain après-midi, confia Cami tout sourire. Je vais la chercher au collège et puis je vais l'emmener faire du shopping.

- Elle sera folle de joie, assura Aimée avec un sourire bienveillant. Dis... Hier, quand on a parlé de Joshua... Tu le pensais vraiment ?

- Écoute, dit Camilla avant de pousser un soupir, souhaitant que sa meilleure la comprenne une fois pour toute. Je ne suis pas amoureuse de Joshua et je pense que lui aussi n'a plus de sentiments amoureux pour moi. Ça fait trois ans qu'il m'a déclaré ses sentiments et j'ai été claire avec lui dès le départ ! Je lui ai dit qu'entre lui et moi rien d'autre que notre magnifique amitié n'était possible et il l'a directement compris. Il n'est pas bête ! Il est passé à autre chose, alors tu devrais foncer et arrêter de te poser des centaines de questions parce que si tu attends trop, tu finiras par le voir tomber dans les bras d'une autre !

- Tu viens de me gueuler dessus ? interrogea l'aînée avant que l'autre ne hoche fièrement la tête. Merci !

- Il n'y pas de quoi, lança Camilla, souriante. Maintenant bouge d'ici et va l'inviter à dîner ! Tu connais son amour pour la nourriture... Avec un peu de chance et du poulet, il te demandera sûrement en mariage.

- Rentre pas trop tard chez toi et sois prudente sur la route.

La jeune Williams se mit instantanément à sourire et puis, elle laissa un baiser sur la joue de sa meilleure avant de quitter l'atelier de cette dernière. Camilla se retrouva alors à nouveau seule dans son petit univers à elle, entourée de nombreux rouleaux de tissu et de plusieurs mannequins de couture, alors que l'un des quatre murs était recouvert de nombreux dessins de mode réalisés par ses soins.

Cela faisait plusieurs jours que Camilla était surproductive, les idées affluant dans sa tête comme elle en avait l'habitude en cette période de l'année qui lui rappelait les mauvais moments qu'elle avait dû subir à cause des agissements de sa génitrice. Les vieilles cicatrices de la jeune Kline se rouvraient toujours lors du mois de février pour la plonger dans une forte tristesse tandis qu'un sentiment étrange de mal-être se faisait sentir dans son estomac, pour elle ce mois était maudit.

La jeune femme aurait pu donner tout ce qu'elle avait pour ne pas vivre ce mois-là, ce mois où sa souffrance était même en suspens dans l'air, cependant, elle ne pouvait que le subir, alors comme toujours elle trouvait refuge dans le travail. Camilla cachait si bien son malheur que personne ne se doutait qu'elle vivait un enfer rien qu'en se remémorant l'état dans lequel elle se trouvait lorsque sa tante l'avait accueilli chez elle.

'Je ne t'ai jamais souhaité et lorsque tu étais dans mon ventre, il ne s'est pas écoulé un jour sans que je n'espère que tu crèves.' se remémora la noiraude, pouvant parfaitement revoir les yeux dénués de sentiments avec lesquelles sa mère l'avait autrefois regardé en prononçant ces mots qui l'avaient dévasté. Bien sûr que la jeune femme avait l'habitude que Laeta Kline la batte rien que pour éponger sa frustration, cependant, les coups ne lui avait jamais autant fait mal que les mots.

Camilla pensait constamment à sa mère en ce mois atroce au cours duquel elle avait vécu les pires jours de son existence, des jours qui semblaient être des éternités pour l'adolescente de quatorze ans qu'elle était. Elle y pensait tellement qu'elle n'avait eu aucun contrôle sur les larmes qui s'étaient mises à embrumer sa vision, avant de venir s'écraser contre le papier sur lequel elle avait laissé plusieurs coups de crayon.

Jamais personne n'aurait pu penser que la belle et célèbre créatrice de mode qu'était Camilla Kline avait eu un passé aussi houleux et déchirant. Après tout, elle avait toujours eu la capacité de cacher ses sentiments à la perfection, une capacité qui la rendait certes plus forte aux yeux de tous mais qui ne manquait pas de la détruire de l'intérieur.