Chapitre 48. La femme masquée

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Chapitre 48.  

La femme masquée

La femme marchait vers lui d'un pas déterminé, les bras derrière le dos.

Le Maître, qui d'habitude ne quittait jamais la protection de ses appartements apparaissait pourtant là où personne ne se serait attendu à le voir.

Dès qu'il avait su l'objet de sa visite, il avait repoussé à plus tard l'ensemble de ses projets et lui avait donné rendez-vous dans une vieille grange faite de planches usées.

Le vent s'engouffrait par la porte percée, si bien que des courants d'air glacés balayaient leurs vêtements. L'hiver approchait...les Querlocks adoraient cette saison, ils sortiraient, cela ne saurait tarder songea le Maître en caressant pensivement son menton.

Il avait tellement été occupé ses derniers temps qu'il n'avait pas pris le temps de se raser, si bien qu'une naissance de barbe avait poussé, gâchant la perfection à laquelle il était habitué.

L'homme reporta son regard sur la femme qui avançait avec une lenteur calculée dans sa direction.

Elle les avait tous dupés, elle avait trahis ceux qui ne se méfiaient pas d'elle et tout cela pour quoi ? Pour se jeter dans la gueule du loup par la suite !

Il se réjouissait de la facilité avec laquelle il l'avait charmé puis réduit à sa cause. Comment il avait ensuite exploité sa colère pour la retourner contre ses propres alliés et...contre Darkshadow qui l'avait commandité...

Le Maître se fendit d'un sourire, la femme l'interpréta comme la satisfaction d'une mission accomplie. Comme pour le confirmer il tapa dans les mains, sans toutefois se départir de son rictus.

- Alors ma chère je vois que tu as fait ce que je t'ai demandé ! l'accueillit-il.

La femme acquiesça rapidement.

- Alors pourquoi te cacher ? Aurais-tu peur ? De l'amusement perçait dans la voix de l'homme.

La femme, qui portait un épais voile noir noué autour de la tête qui la faisait ressembler à un ninja répliqua d'une voix hachée : je...je ne suis plus très...sûre que c'était une bonne...idée en fin...de compte !

Le Maître changea discrètement de position, il avait beau avoir la broche de puissance, le froid engourdissait ses membres et mordait sa chair comme s'il eut été un simple humain dépourvu de dons.

En réalité, c'était à peu près ce qu'il était avant d'acquérir la broche, il se cachait derrière les Querlocks et chargeait Darkshadow des missions les plus périlleuses pendant qu'il se prélassait tranquillement dans son bain. Il faut dire qu'il avait été un piètre étudiant.

Il n'avait jamais supporté l'admiration que vouait son père à Darkshadow...subir chaque jour sa désapprobation et sa fureur alors qu'il ratait exercice sur exercice...

C'était trop ! Une fois, il était allé le trouver, ils en étaient venus aux mains.

Aujourd'hui encore, il tentait de se convaincre que c'était un accident, qu'il n'avait pas poussé son père du haut d'une des tourelles du château, que le vieux tyran avait glissé malencontreusement.

Bien sûr, il avait inventé une histoire plausible que les habitants, à l'époque, avaient gobé très facilement. Néanmoins, il avait toujours soupçonné Darkshadow de vouloir se venger de ce qu'il avait fait, elle semblait beaucoup apprécier son père qui voulait déjà la voir sur le trône. Elle avait au moins eu le bon sens de garder le silence sur ce meurtre.

Le Maître chassa ses souvenirs douloureux de son esprit. Ils lui revenaient certainement à cause du froid qui le paralysait se convainquit-il en reportant son attention sur la femme masquée.

- Tu as fait le bon choix un point c'est tout, que crains tu ? Qu'ils découvrent ta traîtrise ? s'agaça t-il en passant une main nerveuse dans ses cheveux rendus blancs par le givre.

- Je ne sais pas...répondit la femme, indécise.

- Quoi qu'il en soit, j'ai de nombreuses préoccupations en ce moment, pourquoi as tu crû bon de me déranger ? Viens en aux faits tu veux ! s'énerva t-il.

C'est d'une voix tout à fait claire que la femme déclara : votre promesse...

- Et bien quoi ! s'écria le Maître.

- Je veux l'annuler, je ne peux plus continuer...une femme que j'aimais s'est sacrifiée pour moi et avant qu'elle ne disparaisse je lui ai fais le serment que je veillerai toujours sur mon...

- Il t'a trompé et a fait assassiner ta mère! la coupa t-il sèchement, il a payé certains de mes gardes pour accomplir cet horrible travail. Jamais tu m'entends ! Jamais je n'aurai donné l'ordre de tuer une femme innocente, j'ai banni les gardes en question dès que j'ai eu vent de cette affaire !

Il y avait tant d'emportement dans sa voix et il prononçait ces mots d'un ton si dépourvu de compassion que la femme masquée recula, effrayée.

- Tu auras ta récompense ! promit le Maître en se calmant.

- Mais il n'aurait pas pu faire une telle chose...protesta vainement son interlocutrice.

- Je refuse toute objection de ta part ! Veux-tu que je te montre ce que sont devenus les personnes qui m'ont désobéi ou ont refusé d'exécuter mes ordres à la lettre ? menaça t-il.

La femme secoua la tête en tremblant, terrifiée par cette soudaine cruauté.

- Je te laisse partir avec de quoi t'installer dans un coin tranquille estimes toi chanceuse mais surtout, que je ne te revois pas par ici ! Si tu te mets en travers de ma route, je n'hésiterai pas à te traquer et je te retrouverai ! Reste en dehors de tout ça et vas t-en loin d'ici ! conseilla t-il en lui lançant une bourse qui cliqueta dès qu'elle la réceptionna.

- Vous n'êtes pas celui que je pensais...regretta la femme, avalant péniblement sa salive, vous êtes...un démon ! murmura t-elle tristement.

En un clin d'œil, le Maître fut auprès d'elle, la femme sursauta lorsqu'il posa une main froide sur son épaule dénudée.

Comme il levait une main vers son visage pâle, elle ne put se retenir de frissonner, il ne l'avait même pas touchée...Et il n'en fit rien, se contentant de soulever délicatement le voile noir qui dissimulait une partie de ses traits.

Il l'observa un moment, un fin sourire aux lèvres.

- Au revoir...Jenny ! chuchota alors le Maître d'une voix dure.

- Au...revoir reprit la femme en se détournant de ces yeux clairs qui semblaient sur le point de l'hypnotiser.

Elle sortit de la grange presque en courant tant elle était affolée.

- Qu'est-ce que j'ai fais ? se lamenta t-elle.

C'est alors qu'un tourbillon de neige s'abattit sur elle, comme pour la punir encore plus de sa trahison.

Elle avait tué un homme, même si elle ne l'avait pas fait elle-même et que c'étaient les espions de Darkshadow qui s'en étaient chargés, le sang du magicien vivant dans les marais, celui qui l'avait sauvé, resterait sur ses mains, pour toujours...

Le pire dans tout cela, c'est qu'elle était revenue après l'explosion de la maisonnette ! Elle avait retrouvé le corps à moitié calciné du vieil homme, miraculeusement, il respirait encore.

Il l'avait regardé comme s'il savait tout depuis le début, comme s'il l'avait percé à jour depuis l'instant où elle avait mit les pieds dans sa demeure.

Le mage avait ensuite tendu les mains vers elle, cherchant de l'aide peut être...mais elle l'avait abandonné sur place sans un regard en arrière ! Elle ne pensait alors qu'à sa vengeance !

Comment avait-elle pu croire que son frère Laurental était un assassin ? Qu'il avait fait tuer leur propre mère !

- Je crois qu'il me fallait un coupable, un coupable que je pouvais atteindre sans mal...avoua-elle tout haut en s'effondrant dans la neige, épuisée et transie de froid.

Son frère ne la pardonnerait pas car elle même ne se pardonnerait jamais !

C'est ainsi qu'elle resta là, le corps glacé par la neige qui la recouvrait.

La Princesse des Monts VertigineuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant