Chapitre 55. Querlock

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Chapitre 55.  

Querlock

Darkshadow pensa au départ que le Maître l'emmenait dans sa salle du trône mais, au lieu de s'arrêter devant les portes dorées, il continua tout droit.

Elle avait tout essayé pour retourner les domestiques contre lui mais au contraire, elle avait essuyé leur colère.

Plusieurs d'entre eux s'étaient jetés sur elle avant que le Maître ne les repousse violemment avec la magie. La cuisinière avait même sortit un couteau de sa jupe qu'elle lui avait lancé en pleine tête.

La Reine avait crû sa dernière heure arrivée avant de s'apercevoir que les pouvoirs du Maître avaient dévié sa trajectoire.

Les efforts qu'il faisait pour préserver sa vie n'en étaient que plus terrifiants, en plus de cela, elle ne lui connaissait pas ce pouvoir.

Quel sort lui réservait-il donc ? se questionna t-elle pendant toute la durée du trajet.

Ils parcoururent tellement de chemin, montèrent tant d'escaliers tortueux qu'à la fin, Darkshadow peinait à rester debout.

Le Maître avait entreprit de la pousser, lui donna de grandes tapes dans le dos quand elle allait trop lentement à son goût.

Elle se rendit bientôt compte que les domestiques qui les avaient suivis un moment et apparaissaient quelquefois à sa hauteur pour l'insulter, les avaient quitté.

A présent, ils étaient seuls et cette fois, rien n'y personne ne pourrait la délivrer du sort qui l'attendait !

Ce ne fut qu'au dernier moment, alors qu'ils s'engouffraient par une porte de fer, que Darkshadow réalisa qu'ils débouchaient à l'air libre.

Les plaines de Calangandi, obscures même en plein jour, s'étendaient à perte de vue. La neige recouvrait les créneaux et chaque parcelle de terrain.

Ce spectacle aurait pu être beau si des dragons n'avaient pas survolés à cet instant même le Royaume, déversant au hasard des torrents de flammes qui brûlaient le paysage et laissaient des trous fumants à la place de la neige.

Tandis que le Maître l'obligeait à se pencher vers le vide, des formes qui se massaient près du pont levis attirèrent son regard.

C'était des chiens réalisa-t-elle, des chiens enragés qui grattaient le bois de leurs griffes acérées, s'efforçant de rentrer dans la Cour du château.

La Reine remarqua avec horreur que le pont levis était sur le point de céder sous leurs coups.

Comment des animaux pouvaient-ils avoir une telle puissance ? Elle était sûre qu'ils ne faisaient pas partie de la Horde alors comment... ?

- Le spectacle te plaît ? susurra le Maître en plaquant le visage de Darkshadow contre les créneaux.

- Revenez à la raison ! Regardez ce que vous faites ! Les plaines de Calangandi sont en train de souffrir, ces monstres répugnants détruiront tout sur leur passage ! Ils vous tueront aussi, ils ne feront pas de différence ! insista t-elle.

- Non...ça ne marchera pas, tu ne peux pas me manipuler si facilement sale garce ! cracha t-il en accentuant la pression.

Ces paroles vulgaires lui ressemblaient si peu que la Reine balbutia : qui...qui êtes...vous ?

- Tu sais qui je suis, je suis le Maître ! siffla l'homme, et tu vas mourir !

- Vous mentez ! hurla t-elle en puisant dans ses dernières forces pour se retourner.

L'homme la relâcha enfin, souriant de toutes ses dents.

- J'aurai du me douter que tu me percerais à jour ! soupira t-il, qu'est ce qui m'a trahi ?

Le visage du Maître laissa soudain la place à des traits durs. Ses yeux verts furent remplacés par des pupilles translucides, des yeux aveugles, qui pourtant, la regardaient.

- Le Maître ne s'exprimerait pas de la sorte, même s'il était dans une colère noire, et il n'aurait pas toléré que des créatures viennent détruire son précieux château ainsi que le trône qu'il considère comme le sien.

L'homme acquiesça lentement.

- Pourtant il faudra qu'il s'y fasse, je n'ai pas l'intention de rappeler mes « bêtes » !

Il prononça ce dernier mot avec une telle affection que la Reine ne put s'empêcher de sourire.

- C'est si touchant ! Que diriez-vous si j'exterminais tous vos animaux de compagnie ?

- Tu crois pouvoir te mesurer à eux ? Tu as déjà eu à faire à ma fille, cela ne t'as pas suffit ? N'as tu pas retenu la leçon ? demanda t-il en pointant d'un doigt les blessures qui couvraient le front de la Reine.

Cette dernière s'empressa d'y plaquer sa frange pour les soustraire à sa vue, le vent, têtu, la replaça aussitôt en arrière.

L'homme pouvait-il seulement voir avec ces yeux si blancs, si opaques ? Se servait-il d'une magie quelconque ? s'interrogea-t-elle.

- Vous êtes un Querlock ! constata  alors Darkshadow.

- Je suis leur chef ! corrigea l'homme, je voulais voir jusqu'où tu pouvais aller sans ressentir la peur et l'effroi. C'est plutôt décevant, toutefois, je te l'accorde, tu es plutôt maligne, c'est ce qui t'as permis de me reconnaître.  Je te laisserai la vie sauve aujourd'hui, parce que tu n'es pas un adversaire digne de moi, pas encore...mais souviens toi bien de mon visage, il hantera tes cauchemars jusqu'à ce qu'on se retrouve !

Il s'apprêtait à partir quand la Reine lui rappela : vous savez que je vais trouver le Maître puis le tuer et que tous vos projets seront anéantis ?

- Je me fiche bien du « Maître », il ne mérite même pas ce titre, je pourrais l'écraser d'un simple geste néanmoins, j'ai comme qui dirai passé un marché avec lui. Si tu t'en débarrasses, j'y gagne, c'est en partie pourquoi je te laisse la vie sauve. Considère que nous sommes quittes !

Il ravala un rire.

Comme si tout cela était amusant ! s'énerva la Reine.

Alors qu'elle allait poursuivre ses questions, il se jeta dans le vide.

Darkshadow se précipita pour le retenir mais il était déjà en bas, debout, sans une égratignure. Elle vit son visage se lever vers elle, ses yeux blancs la défiaient de le suivre

Darkshadow se redressa, rivant son regard sur le ciel gris traversé ça et là de flammes. Il lui semblait qu'il déversait ses flocons seulement sur les plaines, et en particulier sur le château de Calangandi.

- Il y a tant de secrets en ce monde soupira t-elle, j'aimerais tant que les choses soient plus faciles...

Le bruit des monstres qui s'acharnaient sur le pont levis la sortit de sa rêverie.

- Il n'y aura plus de trêve avec le Maître, plus de concessions, il ne restera plus que...la vengeance ! s'entendit-elle prononcer.

Ses paroles s'enfuirent dans le vent tandis que la Reine regagnait la chaleur du château.

La Princesse des Monts VertigineuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant