Confrontation

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Malgré mes protestations, Nokomis décida que notre petit footing allait devenir un exercice quotidien - et acheta mon acceptation en me laissant décider des menus qu'elle cuisinerait tant que je m'appliquerai à faire cet exercice tous les jours. Bien évidemment, cela n'avait rien de quelque chose de plaisant, et je n'étais probablement pas assez à cheval sur mon alimentation pour que cette tentative de pot de vin fonctionne sur moi. Cependant, cela levait une question importante: Nokomis était en effet celle qui me nourrissait, et rien ne l'empêchait de décider de me faire des pates à l'eau jusqu'à ce que je vienne courir avec elle - ce qui serait absolument terrible autant pour mes papilles que pour ma condition physique. J'avais donc cédé, non sans râler le plus possible, décidée à ne pas lui laisser penser un seul instant que cela me plaisait.

Pourtant, je dois l'avouer maintenant, je partis les jours suivant le sourire au lèvre et le baume au cœur à l'idée de passer un moment très privilégié avec mon amie, chaque soir. L'appréhension de l'effort disparu dès le deuxième jour, où Nokomis eut la bonté de choisir un itinéraire bien moins long, et qui ne m'amena pas à la limite de l'évanouissement ou de la liquéfaction de mes poumons. La partie ennuyeuse devint moins le jogging du soir que la marche solitaire du matin, dans l'obscurité grise des matinées parisiennes - sans compter qu'en à peine deux jours, les paparazzis avaient repérés mon parcours et m'attendaient à chaque coin de rue afin de pouvoir capturer de passionnants instantanés de "Ester Rosonn se rendant au travail" dont les rédactions des magazines people raffolaient très probablement, ainsi que leurs lecteurs. Mais ce petit exercice, en plus de me permettre de sortir un peu de ma bulle de travail, me permettait de passer du temps avec Nokomis à faire ce qu'elle aimait, et c'était étrangement extrêmement plaisant. De plus, en sa compagnie, je ne croisais pas le moindre objectif, ce qui me laissait croire qu'elle devait faire la chasse aux voleurs de photos durant son temps libre.

Plus étrange cependant fut son changement d'attitude vis à vis de Thomas. Alors qu'elle le croisait à la sortie des studios, tout en m'attendant, elle commença à lui dire bonjour, ce qui était tout de même une variation radicale par rapport aux simples regards assassins qu'elle se contentait de lui adresser auparavant. Thomas lui même en semblait ravi.

-Tu crois que j'ai peut être une chance? Me dit-il le jeudi suivant, après deux jours consécutifs à avoir reçu les salutation de mon amie.

Étrangement, l'entendre dire cela me mit de très mauvaise humeur.

-Toujours à penser avec ta bite, Thomas. Grandis, un peu.

-Eh Ester, ça va... je suis un adulte, j'ai le droit de me poser la question. Après tout, son attitude à changé d'un seul coup, et... eh bien... elle est plutôt... attirante.

-Ton type de femme a décidément bien évolué. Grognai-je. 

-J'aime toutes les belles femmes. Déclara-t-il avec une verve parodique. 

Cette imitation aurait dû m'amuser, mais elle ne m'extirpa qu'une grimace de dégoût.

-Les niños aussi, apparemment.

-Arrête, Nokomis n'est pas une enfant. Elle ne doit avoir que quelques années de moins que nous.

-C'est à peu près comme si c'était une enfant.

Le regard qu'il me lança laissait croire qu'il imaginait que j'étais en train de plaisanter, alors que j'étais absolument sérieuse dans mon raisonnement fallacieux. C'était comme si mon esprit cherchait une raison, un argument, quel qu'il soit, pour le décourager, quand bien même cet argument ne faisait aucun sens. 

Lorsque Thomas sortit à mes côtés avec un immense sourire aux lèvres pour saluer Nokomis le soir même, je ne pus m'empêcher de rouler les yeux et de désirer qu'il disparaisse au plus rapidement de ma vue. 

SauvagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant