-AY! Ralentis, joder! Criais-je en me tenant la poitrine, la douleur de ma blessure me faisant chèrement payer mon choix de fuir l'hôpital.
-Je vais déjà au minimum! Rétorqua Santoni, dans un grincement qui laissait bien entendre que les longues heures de conduite depuis Paris l'avaient autant mis sur les nerfs que moi. Si ces sauvages mettaient du bitume sur leurs routes, on aurait pas ces problèmes!
-Quel intérêt de mettre du bitume? Ils n'utilisent quasiment aucun de véhicule.
-Alors arrête de te plaindre, je n'y peux rien s'il y a des cahots. Ce n'est pas une route, c'est un champs. Dire que je pensais qu'il n'y avait pas pire que les routes Corses...
Je ne répondis pas, mais une nouvelle ornière dans le chemin forestier sur lequel nous roulions vint me tirer un nouveau cri de douleur. Mon regard se dirigea, au travers de la fenêtre, sur le ciel sanglant de cette fin d'après midi de décembre. Le soleil avait déjà disparu depuis longtemps derrière les hautes cimes alpines, mais son coucher les éclairait d'une palette de couleurs qui m'emplissaient d'une étrange forme de nostalgie. Les pins silencieux et immobiles semblaient être mille sentinelles muettes gardant l'entrée des terres ancestrales suomen, tandis que, sous le couvert de leur branche, bruissait l'activité frénétique des créatures du crépuscule. La neige recouvrait le paysage, n'épargnant que de rare zones sombres, taches d'huiles sur cette mer de farine. Evidemment, la neige signifiait que Santoni devait sortir à peu près chaque kilomètre pour déblayer devant une roue à l'aide de la pelle que nous avaient gentiment prêté les habitants du village précédent, on ne peut plus curieux de voir deux kowos s'enfoncer aussi profondément dans leurs terres à cette période de l'année, avec rien d'autre que des chaînes pour les roues de leur voiture et l'espoir d'arriver avant la tombée totale de la nuit ou, à défaut de cela, les prochaines chutes de neige. For heureusement, il semblait que la piste était au moins un peu utilisée, ce qui signifiait que la neige qui la recouvrait était déjà quelque peu tassée, à la différence de l'épaisse poudreuse qui recouvrait le reste des vallées silencieuses.
Je me surpris à admirer la beauté de ces paysages. J'avais rarement vu la neige de ma vie, mais ce n'était pas non plus un phénomène qui m'était totalement nouveau. Je devais cependant avouer que, jamais, je ne m'étais ainsi retrouvée perdue au milieu d'un univers où elle seule faisait la loi. Bien au chaud derrière la vitre, enroulée dans une couverture, je ne pouvais qu'imaginer sa texture, sa fraicheur, le retour après une longue marche, transie de froid, pour s'asseoir au coin du feu et savourer une délicieuse tasse de café brûlant... Santoni ne semblait pas apprécier la même contemplation que moi, puisqu'il pesta une énième fois en ouvrant sa portière et en saisissant sa fidèle pelle pour aller dégager notre roue avant gauche. Mais nous touchions au but: je reconnaissais le profil des pics gardant sereinement les portes de la vallée d'Ar'henno, et j'avais comme le sentiment de revenir en un lieu bien connu, quand bien même je n'y avais passé pas plus de quelques semaines.
Partir de l'hôpital n'avait pas été une mince affaire. Le médecin s'y était formellement opposé, et Santoni avait menacé de partir seul. J'avais dut user de tout mon pouvoir de persuasion pour motiver le docteur à réaliser que tout ce dont j'avais besoin, c'était d'un temps de repos à l'écart du monde. Il avait cependant exigé que je soi régulièrement auscultée par un infirmier, ce que j'avais bien évidemment passé sous silence à mon partenaire de voyage, parfaitement consciente que les hauts diplomés ne couraient pas les rues au fin fond des Alpes suomen - d'autant qu'il n'y avait pas de rue, et que courir sur l'épaisse couverture de neige était le meilleur moyen de s'y enfoncer jusqu'au genou, en étant optimiste. Pour mon grand bonheur, j'étais parvenue à éviter de croiser la route des émissaires envoyés par ma mère pour me ramener au domicile familial - probablement l'un de mes frères, elle n'aurait jamais fait le trajet elle même. Je n'avais cependant pas pu échapper aux policiers, qui cherchaient à recueillir ma déposition concernant ma propre tentative de meurtre, ce à quoi j'avais réussi à échapper en leur disant de contacter mon avocat - lequel m'avait passé un appel courroucé durant le trajet, se plaignant de ma non coopération malgré le nombre d'affaire m'impliquant qui venaient de lui tomber dessus. Je lui avais donné le numéro de Da-jee-ha en gage de bonne volonté, sachant que l'idée de savoir qu'il pouvait me contacter calmerait les nerfs souvent à vif du vieil homme .
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Sauvages
RomanceIls étaient là avant, alors ils ont été conquis. Ils refusaient de se soumettre, alors ils ont été chassés. Ils étaient différents, alors ils se sont battus pour le rester. Pour nous, ils semblent être des barbares surgis d'un autre âge, refusant la...