Colocation sous haute tension

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Quand je rentrai à l'appartement, Nokomis était affalée sur le canapé, à regarder la télé d'un regard vide. Si je ne l'avais pas vue courir à travers la montagne tel un chamois, j'aurai pu dire qu'elle ressemblait à n'importe laquelle de ces jeunes larves passant leurs journées à regarder des programmes abrutissants - bien que ce genre de réflexion soit probablement hautement hypocrite venant de quelqu'un travaillant à la télé. Son regard vitreux se tourna dans ma direction, et, d'une voix rauque, elle me lança:

-Vu ta tête, j'imagine que ça s'est passé comme t'avais prévu.

-Pas exactement comme prévu, mais ça suffira. Répondis-je en ôtant mes talons, et en soufflant de bonheur en étirant mes pieds nus, assise sur le carrelage de l'entrée. Depuis quand l'avancement du projet t'intéresse?

-Depuis jamais. J'attends juste de voir le moment où tu réaliserai à quel point tout ça est inutile.

Je rentrai dans notre appartement, occupé depuis maintenant trois jours, et dans lequel Nokomis avait déjà pris ses aises. Elle semait ses sous vêtements au gré de ses envies, se promenait le plus souvent dévêtue, où avec un simple peignoir jeté sur les épaules, et avait passé bien trop d'heures affalée devant la télé, à grommeler des injures envers le "monde imbécile et autodestructeur des kowos". La femme de ménage devait ramasser chacun de ces bouts de tissus semés aux quatre vents, mais ils semblaient retrouver leur place d'origine, presque par magie.

J'avais choisi la grande chambre de l'étage, laquelle était agrémentée d'une salle de bain avec une baignoire de taille conséquente, ainsi qu'une deuxième chambre qui me servait de bureau. Nokomis, elle, dormait sur le canapé, bien qu'une chambre du rez-de-chaussée lui ait été attribuée. A vrai dire, elle ne sortait de la salle de vie que pour se rendre dans sa salle de bain.

-Tu as une chambre, tu sais. Lui-fis je remarquer.

Elle se contenta de grogner.

-Je suis sûre que le lit est plus confortable que le canapé.

-Quand tu peux dormir par terre tu peux dormir sur un canapé.

-Pero, tu pourrai aussi dormir dans ton lit.

-J'en ai pas envie, ok? Éructa-t-elle en relevant son visage du coussin qui la soutenait jusque là. Qui a besoin d'autant d'espace pour si peu de personnes, de toute manière?

Je ne répondis pas, consciente que lui répondre « moi » aurait probablement démarré un énième débat stérile. Je pénétrai donc dans le salon, et aperçut une énième brassière trainant sur le sol. Je me baissai pour la saisir.

-Tu ne perds pas une seule seconde, hein. À peine la femme de ménage passée...

-Je l'ai renvoyée.

-Pardon? Dis-je, inrerloquée.

-Je l'ai renvoyée. Répéta Nokomis, sans détacher ses yeux de la télévision.

Je pris une grande inspiration. J'avais l'impression de faire face à une adolescente au beau milieu de sa crise. À grands pas, je traversai la pièce et vins me saisir de la télécommande, avant de presser le bouton rouge qui fit disparaître le reportage animalier de l'écran. Je m'attendais à un signe de mécontentement, une insulte, même un soupire exaspéré, mais, à ma grande surprise, je n'obtins aucune réaction de la part de Nokomis, qui continua à fixer l'écran comme si la faune de l'île d'Huwa Huwa y était encore affichée.

-Quiero que je vais avoir besoin d'un peu plus d'explication que "je l'ai renvoyée", mi querida. Fis-je en lui jetant mon regard le plus perçant.

-Et je crois que de recevoir la visite d'une femme de ménage tous les jours est une perte de temps et d'argent.

-Vale, je pourrai être d'accord avec cette affirmation pompeuse si tu ne semais pas tes vêtements à travers l'appartement comme des graines dans un champs. Appuyai-je, en lui fourrant sous le nez la brassière récoltée plus tôt.

SauvagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant