Ce ne fut pas un voyage bien plus agréable que l'allez. En venant, chaque cahot de la route réveillait la douleur de ma blessure. En repartant, chaque mouvement du véhicule faisait basculer la réalité et tourbillonner ma vision, me laissant dans un état de nausée constante. Je n'ai que peu de souvenirs de ce trajet, mais si je pus en retenir une seule chose, ce fut que nous ne fûmes pas rattrapés. J'ignorai même, à vrai dire, si Da-jee-ha et les autres habitants d'Ar'henno s'étaient lancés à notre poursuite. Je me doutais bien que la cheffe serait profondément blessée de mon comportement, après m'avoir montré tant de bonté, après m'avoir recueillie, nourrie, logée, élevée au rang de membre de sa famille. Mais tous ces signes d'attachement ne pouvaient devenir autant de chaîne me retenant immobile à Ar'henno. Il nous fallait agir.
Santoni n'était, en réalité, pas réellement motivé à l'idée de remonter à Paris. Après tout, c'est lui qui avait eu pour projet de s'en éloigner, inquiet pour sa propre sécurité dans une pègre qui n'appréciait plus trop qu'il vienne fourrer son nez dans leur affaires - ainsi que, tout comme moi, le danger omniprésent de l'Epaggelia. Difficile pour lui de dire lesquels des membres de son propre réseau y étaient affiliés, après tout. Si toutes nos supposition étaient correctes, alors l'organisation devait être encore plus tentaculaire qu'elle ne l'avait été lors de notre premier combat contre elle, pour être ainsi passée sous le radar. Il avait, au premier abord, accepté de me déposer à Lyon, où nous nous serions séparés, lui descendant vers le sud, le temps que les choses se tassent dans la capitale, tandis que j'y serai remontée en train. Mais il décida finalement que m'accompagner lui allait.
-Pour une raison que j'ignore, le syndicat semble bien trop s'impliquer dans l'affaire suomen. S'était-il justifié. En t'accompagnant et en farfouillant discrètement, je vais peut être réussir à dégotter quelques secrets mal camouflés.
-Ou alors tu t'inquiètes plus que tu ne l'admets à mon sujet. Croassai-je en guise de réponse, la tête posée contre la vitre.
-Je pense que c'est stupide de ta part de croire que parce que tu as passé un mois et demi hors de leur vue, ils vont te laisser en paix. Répondit-il simplement. Ils doivent faire un exemple.
-Mais si ils sont en contact avec les traditionalistes, ils préféreront que ce soit eux qui m'exécutent. Répondis-je simplement. Je n'ai été visée directement que parce que cela avait échoué. Et je doute que Moh'lag abandonne après si peu.
Il ne répondit pas, et notre monotone voyage vers le nord reprit.
Je ne savais pas vraiment où aller en arrivant. Mon appartement était toujours loué, certes. Mais je ne m'y sentais plus en sécurité depuis que Moh'lag et ses sbires m'y avait trouvée et enlevée, sans compter que l'Epaggelia devait également connaître cette adresse. Je demandai à Santoni si je pouvais rester chez lui, ce à quoi il me répondit par un non catégorique, et c'était en effet une idée assez stupide, son lieu de résidence devant être connu par bon nombre des personnes voulant à la fois sa peau et la mienne. Une idée me traversa alors l'esprit.
-Prends la prochaine sortie. Dis-je à mon chauffeur attitré.
-Ça ne nous amènera que dans la périphérie. Fit remarquer Santoni avec une moue.
-Précisément. Assénai-je. J'y ai non seulement quelques connaissances, mais même... des alliés.
Le regard que me jeta en coin le corse était éloquent.
-C'est que maintenant que tu y penses? Après nous avoir trimballés à l'autre bout de la France?
-Ce sont des alliés, pas des guerriers, estupido. Répondis-je. Pour nous cacher et nous organiser, cela sera utile. Maintenant, arrête de discuter et vas où je te dis.

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Sauvages
RomansaIls étaient là avant, alors ils ont été conquis. Ils refusaient de se soumettre, alors ils ont été chassés. Ils étaient différents, alors ils se sont battus pour le rester. Pour nous, ils semblent être des barbares surgis d'un autre âge, refusant la...