Valses sentimentales

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-Madame Rosonn, Monsieur Asseni. Commença le notaire. Prenez place, nous allons pouvoir commencer.

Trois jours après les funérailles. Bien loin des hautes cimes des Alpes et des chants funèbres des suomen, dans un cabinet notarial de Paris. Je tirai ma chaise et m'asseyais, les jambes croisées, sur la chaise attenante à celle de mon avocat. Le Señor Valerio était impeccablement vêtu de son costume des plus grands jours, et son expression sévère typiquement ibérique était tout aussi indéchiffrable que la mienne. Face à nous, de l'autre côté de la table du notaire, Julian était également droit sur son siège malgré son visage qui semblait avoir pris dix ans depuis notre séparation, accompagné de sa fidèle avocate, Séverine Ducrène, connue pour être particulièrement tenace. 

-Nous sommes ici présents pour discuter des conditions de mise en place du divorce demandé par Madame Rosonn, ici présente. Annonça Maître Sellam, le notaire à l'allure jeune et avenante d'un jeune entrepreneur. L'absence de deux époux avait poussé les avocats à s'arranger entre eux jusqu'à présent, mais je suis heureux que vous ayez tous les deux choisis de mettre vos griefs de côtés pour venir en personne aujourd'hui.

-Je ne suis là que pour que cette procédure s'accélère. Déclarai-je froidement. Peu m'importe les compensations financières ou le partage, je n'en ai pas besoin. Julian peut bien garder toutes mes robes, il pourra les offrir à ses filles ou a ses futures conquêtes.

-Ester, je t'en prie... m'interpella Julian. Je me propose de t'accorder une pension, j'essaie de recoller les morceaux, mais pas une seule fois tu n'essaie de-

-Je n'ai aucun désir de recoller les morceaux, Julian. L'interrompis-je sèchement. Il ne t'a pas suffi de tenter de me faire tomber enceinte à mon insu, il a fallu également que tu t'immisces dans mon travail et mes affaires. Tu crois que j'ai oublié tes hallucinations à propos des suomen me forçant à travailler à leur solde, desquels tu allais me sauver?

-Madame Rosonn. Me coupa Séverine Ducrène. Nous avons déjà évoqués ces mésententes par le passé, et mon client a déjà évoqué l'état de détresse émotionnelle intense dans laquelle il se trouvait. 

-Et ma propre détresse, on n'en parle pas? M'exclamai-je. Joder, avez vous la moindre idée de l'enfer que j'ai vécu depuis que j'ai quitté notre maison en catastrophe? Je me suis retrouvée exilée de ma propre demeure, persuadée que l'homme que j'aimais m'avait trompée, j'ai perdu la seule femme qui m'avait permis de garder les pieds sur terre, et, quand enfin j'avais réussi à retrouver une stabilité dans le travail, il est venu tout foutre en l'air! Et je devrais me laisser faire à cause de sa détresse émotionnelle?

-Ester, por favor. Me calma Señor Valerio en posant une main apaisante sur mon épaule. 

-S'il vous plait, Madame Rosonn. Renchérit Maître Sellam. Restons constructifs dans nos échanges afin de parvenir à un accord. Maître Ducrène?

-Mon client, et ce malgré mes nombreuses protestations, insiste sur le versement d'une pension alimentaire, ainsi que sur le don de leur maison à proximité de Nice à Madame Rosonn. Il argue notamment qu'il a pris conscience du mal qu'il a causé, qu'il souhaite le réparer, et qu'il n'est pas sans savoir les menaces encourues par Madame Rosonn à la suite des évènements récents ayant secoué sa vie. 

-Eh bien, Madame Rosonn, cela me semble être une offre plutôt alléchante. Fit remarquer Maître Sellam. 

-Je n'ai aucune envie de dépendre financièrement de Monsieur Asseni. Grinçai-je. A vrai dire, je vois plutôt toutes ces propositions comme un moyen pour lui de pouvoir continuer à être en contact régulier, direct ou indirect, avec moi. J'ai accepté de ne pas amener ses actions en cour de justice, car j'admets qu'il puisse avoir des remords et ne souhaite en aucun cas le clouer au pilori de l'opinion publique - plus maintenant, en tout cas. Néanmoins, je ne souffre d'aucune difficulté financière particulière, n'ai aucun désir de retourner vivre dans le sud, encore moins dans la maison dans laquelle nous avons vécu, et surtout, je n'ai pas à me soucier de ma sécurité outre mesure. 

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