Descente à la cave

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-Duquesa Rosonn! Cela fait pas moins de quatre jours que je tente de vous contacter! S'insurgea immédiatement mon avocat, Luis Valerio, quand je Da-jee-ha me passa le combiné issu d'un autre temps, dès le lendemain. Vous m'aviez juré que vous seriez disponible.

-Oui, mon amie m'a prévenue. J'étais... quelque peu occupée, je m'en excuse.

Je n'avais aucune envie d'expliquer les circonstances qui avaient poussé la cheffe de tribu à ignorer les appels et ne pas m'en prévenir. Malgré la nuit mouvementée, le village s'était réveillé le matin même avec le même entrain qu'à l'accoutumée, bien que la perspective de faire face au envoyés du syndicat lors de la fonte des neiges était dans tout les esprits. De mon point de vue, une aide humanitaire était toujours bien mieux venue que le soutiens de la pègre, mais la méfiance naturelle des suomen envers les institutions étatisées était compréhensible. J'espérai que les nouvelles étaient bonnes, mais j'en doutai fortement.

-La date de l'audition a été fixée. Me prévint-il. Les responsables de votre enlèvement verront leur procès s'ouvrir en mars, ce qui nous laisse du temps pour préparer le dossier, cela, évidemment seulement si vous daignez quitter votre retraite pour venir en discuter en présentiel.

-C'est une proposition alléchante, et je m'y plierai volontiers si ma vie n'était pas en danger, mon cher. Vous semblez oublier que celui qui m'a tiré dessus n'était pas un simple criminel de droit commun, mais un agent des forces de l'ordre reconnu et sans le moindre antécédent. Dans ces conditions, à qui suis-je censée faire confiance pour assurer ma sécurité?

-Certes, c'est un argument de poids. Mais de mon côté, comprenez que j'ai besoin de votre témoignage personnel et précis pour construire un dossier qui enverra ces criminels en prison, et que je ne peux me suffire des quelques détails que vous avez laissé échapper durant votre intervention télévisée!

-Nous en reparlerons, Señor Valerio. Répondis-je. Je ne resterai pas cachée indéfiniment, j'ai simplement besoin de temps pour m'assurer que les choses se tassent et réfléchir à tout ce qui m'est arrivé. 

-Je comprends. Ne restez cependant pas à l'écart du monde trop longtemps. Les choses commencent à... bouger, par ici. 

-Que voulez vous dire? Les journaux ne parviennent pas jusqu'ici et je n'ai pas internet, vous êtes ma seule source d'information sur ces sept derniers jours. 

-Les débats sont montés en intensité à l'assemblée nationale, il y a trois jours. Les associations qui étaient auparavant grandement ignorées du grand public sont maintenant invitées sur les plateaux presque quotidiennement, et la question suomen est au centre des questions, sans compter que l'enquête menée sur votre agresseur et ceux qui l'ont payé pourrait révéler des liens... troublants avec des membres du gouvernement. Rien n'a encore été publié, mais mes sources sont formelles.

-J'imagine que cela valait la peine de me faire tirer dessus. Raillai-je. C'est tout?

-No. J'ai été contacté par plusieurs personnalités médiatiques et politiques qui souhaitent entrer en contact avec vous, et ont échoué par tous les autres moyens. 

-Eh bien dites leur que vous n'en savez pas plus que les autres. 

-C'est à dire que... il y a des parlementaires parmi les demandes. 

J'ouvris la bouche un instant, prête à rétorquer, avant de réaliser les implications de ce que venait de dire Valerio. Des parlementaires? Des politiques se décidaient-ils enfin à prendre les choses sérieusement en main? C'était l'objectif que je m'étais fixé, après tout, mais j'avais toujours supposé que, mon travail terminé, ils s'occuperaient de débattre sans moi. Je n'avais pour rôle que d'enflammer l'étincelle du débat national, pas d'en faire moi même partie. Après tout, ce devait être la première fois que l'un de mes travaux avait une connotation politique aussi forte, quand bien même j'étais sidérée de voir que les simples droits d'une minorité pouvaient être source de débats aussi enflammés. 

SauvagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant