Nokomis

609 85 2
                                    

À la reflexion, connaissant ce que je savais de la relation entre Hen'Ruay et sa petite fille, cette phrase d'accroche n'était sans doute pas la meilleure. C'était probablement même la pire. Nokomis me jeta un regard glacial.

-Tant mieux pour toi. Me lança-t-elle, avant de se laisser aller à nouveau à sa contemplation du ciel bleu.

Je pris un peu de temps pour détailler la jeune femme. Bien qu'il semblait difficile de déterminer son âge, elle était probablement plus jeune que moi de quelques années, un dizaine, probablement. Elle avait une expression farouche, un nez pointu, de grands yeux gris si propres aux Suomen, mais également une épaisse chevelure couleur feu qui détonnait par rapport à la norme de ses pairs. Un tatouage au motif étrange ornait sa joue gauche, et le nombre de boucles qu'elle avait à l'oreille m'indiquait clairement que, selon les critères Suomen, elle était probablement quelqu'un de dangereux. Elle était légèrement plus petite que moi, mais son débardeur gris et son large pantalon militaire lui donnaient une carrure impressionnante. Face à elle, ma tenue pourtant très similaire, empruntée à Da-jee-ha, semblait quelque peu ridicule. Je n'avais pas la moitié des muscles qui saillaient sur ses bras dénudés, ni de l'assurance qu'elle dégageait. Mais j'avais une rage insatiable à assouvir, une vengeance froide à executer, et Nokomis allait en faire partie. Les traditionalistes voulaient la rallier aux leur? J'allais en faire leur pire ennemie. Comment? Je n'en avais pas la moindre idée.

Mais j'avais le sentiment que la haine qui me rongeait était contagieuse.

-Vale. Dis-je alors. Suis moi.

-Je crois qu'on ne s'est pas bien compris. Rétorqua Nokomis. Je n'ai aucune intention de retourner voir cette vieille folle, ni de te suivre. Tu peux donc tracer ton chemin.

-Je crains que ce ne soit pas comme cela que nous allons procéder. Lui répondis-je, en la fixant de haut, avec toute la condescendance dont j'étais capable.

Ce qui sembla lui déplaire fortement.

-Allons bon. Grogna-t-elle.

Elle s'approcha de moi et, d'un geste vif, souleva une mèche de mes cheveux pour révéler mon oreille gauche. J'eu un mouvement de recul et claquait sa main par réflexe.

-C'est bien ce qu'il me semblait. Une kowo... la vieille implique vraiment n'importe qui dans son délire de bisounours. Trace ta route, kowo, et vas lui répéter que je maintiens ce que je lui ai dis la dernière fois.

-Je crains qu'il ne soit difficile pour moi de faire passer le message. Rétorquai-je.

-Quoi? Tu as trop peur d'aller lui parler? Ricana-t-elle.

-Là où elle se trouve, elle ne peut plus rien entendre, ni voir, ni sentir. Puisqu'elle est morte. Murio.

C'était la façon la moins diplomatique d'annoncer la mort d'une proche, certes. Mais j'espérai que la relation entre les deux femmes n'était pas mauvaise au point que la mort de sa grand-mère ne déstabilise pas Nokomis. Et j'avais raison, car le visage fermé de la rousse tressaillit à ces mots. Elle me fixa pendant un long moment, et ses yeux semblaient m'accuser de sa mort.

-Quand?

-Durant l'émeute d'il y a quelques jours. Coup de matraque. Hémorragie.

-Hm... je vois. Morte pour ses idéaux, hein... ça colle bien à son personnage.

Elle resta immobile un long moment, à fixer un point dans le lointain. Il me semblait que ses lèvres s'étaient serrées, mais je n'aurai pu en jurer. Finalement, je brisai le silence.

-Vale, tu viens?

-Pourquoi je viendrai?

-Je viens de t'apprendre que ton abuela récemment décédée m'as ordonné de venir te chercher, il me semble que c'est bien suffisant.

SauvagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant