Footing Nocturne

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Lorsque je sorti du studio le lundi suivant, je ne fus pas surprise de trouver Nokomis m'y attendre. Elle avait en effet décidé que ma forme physique n'était pas digne d'être nommée comme telle, et qu'il était nécessaire d'y remédier en me forçant à faire un minimum de sport. J'avais évidemment promis que je m'inscrirai à la salle de sport, espérant ainsi repousser le moment où il me serait impossible d'y échapper. Ce n'était pas que je n'aimais pas le sport, au contraire, j'aimais grandement me maintenir en bonne forme physique, et je savais que cela faisait partie de l'appeal que je parvenais à inspirer chez de nombreuses personnes - et quand le charme est une de nos armes principales, il est nécessaire de la maintenir aiguisée. Simplement, je considérais qu'il y avait des moments pour, et le rush dans lequel nous étions pour le tournage de notre reportage me poussait à considérer que je n'avais pas le temps pour me consacrer à l'exercice.

Nokomis n'était pas d'accord. Et sa vision de l'exercice physique n'impliquait pas de salle de sport, pour mon grand malheur.

-Prête? Me demanda-t-elle avec le regard d'une addict s'apprêtant à convertir une innocente tierce personne à son culte.

Je poussai un long soupire. 

-Ester, c'est quoi cette ten... oh, bonsoir Nokomis. Lança Thomas, qui sortait des bâtiments de la chaîne derrière mois.

Son ton amusé et moqueur s'était instantanément tendu lorsqu'il avait remarqué ma colocataire, qui lui retourna un regard aiguisé. 

-Que se passe-t-il, Thomas? Vous bloquez la porte.

-Oh, excusez moi Pietro. S'excusa platement Thomas en s'écartant, laissant ainsi sortir le chercheur.

-Oh, Ester. S'exclama ce dernier. Vous... vous êtes changée?

Mon regard se fit encore plus noir. Je soufflais sur une mèche blonde qui, échappée de ma queue de cheval ultra serrée, était venue me titiller le nez. Je n'avais vraiment que peu de plaisir à voir mes collègues de travail, habitués à toujours me voir sur mon trente-et-un, m'apercevoir en simple jogging et veste de sport. Mais telle avait été la condition de Nokomis: nous faire rentrer à l'appartement en courant. Ce qui était évidemment une idée absurde, comme je lui avais fait remarquer: j'avais une voiture en parfait état de marche. La réponse avait été que je n'avais pas de voiture, le studio était à seulement quarante minute à pied, ce qui mit en exergue une nouvelle fois à quel point nos visions du monde différaient. J'étais donc venue le matin même, malgré moi, à pied dans le froid glacial de cette matinée de fin de novembre parisienne, tout en sachant que je ne serais pas épargnée du retour, le soir même. 

-Oui, j'ai décidé de faire un peu de sport. Dis-je en gardant une expression parfaitement calme et reine. 

-Décidé est un grand mot. Fit remarquer Nokomis, s'attirant le regard de Pietro.

Le regard du chercheur s'illumina.

-Mais c'est un Chu'ha que vous avez en tatouage sur le visage. S'extasia-t-il, à la grande surprise de Nokomis qui eut un mouvement de recul.

-C'est quoi son problème, à lui? Grogna-t-elle. 

-Ne faites pas attention à elle, Pietro. 

-Vous l'avez donc retrouvée. Ajouta-t-il, moins fort, de manière à ce que je fus la seule à l'entendre. 

Je ne sus que répondre, mais l'homme s'éloigna avec un sourire satisfait collé sur le visage.

-Bonne soirée à vous. Lança-t-il. Et il est important de faire du sport, mais ne prenez pas froid!

Nous restâmes quelques instants, immobiles dans le froid et l'obscurité percée uniquement par les lampadaires flanquant la rue à intervalle régulier. Mal à l'aise, Thomas se balança sur ses jambes, en cherchant à éviter le regard assassin de Nokomis. Mon ami avait toujours eu du mal avec les jolies femmes, après tout, mais sa timidité en faisait craquer beaucoup - mais pas ma colocataire. 

SauvagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant