A partir de ce moment, tout sembla très flou et confus. Je n'avais plus toute ma tête. Je n'étais pas totalement inconsciente mais pas parfaitement consciente non plus. Mon esprit semblait incapable de se concentrer sur une seule chose, alors que des formes géométriques se succédaient devant mes yeux, de plus en plus vite, et je plongeais au milieu d'elle à l'infini. Elles semblaient ne jamais avoir de fin, comme une fractale que l'ont zoome à l'infini, mais au sein de laquelle j'étais en train d'évoluer. Le monde semblait ne plus avoir de sens, ni le haut, ni le bas ne semblaient exister, simplement cet étrange succession de couleurs et formes qui n'en finissaient pas. J'avais peur. J'étais terrifiée. A un moment, j'eus le sentiment de me détacher de mon corps, et l'impression de disparaître, comme si le néant était en train de m'engloutir, comme si j'allais être aspirée dans l'oubli à tout jamais. Je savais que ce n'étais pas réel, je savais que c'était l'effet de la drogue, et pourtant, je ne le savais pas. C'était comme si mon esprit, tout en en étant conscient, était incapable de comprendre cette conscience, de la toucher, comme si... le réel n'était plus réel, en quelque sorte. Ce fut un long, long cauchemar, qui me marques encore à ce jour. Mais le pire, c'était la peur, cette peur viscérale que je ressentais malgré l'engourdissement de mon esprit. Où m'emmenaient-ils? Qu'allaient-ils me faire? Me tuer? Mais pourquoi ne l'avaient-ils pas déjà fait? Me torturer, peut être? Ou faire de moi la prochaine victime de leurs orgies sanglantes? La peur et la colère me firent oublier tous les doutes que j'avais eu au cours de la semaine, et qui s'étaient agglutinés petit à petit. Tout ce qu'il restait était ce sentiment d'impuissance et de haine envers mes ravisseurs, dominé, évidemment, par la peur.
Les quelques images me revenant en tête sont floues, mais je me souviens encore de la vibration caractéristique d'un véhicule roulant sur la route, de la froideur de la tole contre ma joue, et des la douleur des liens serrés autour de mes poignets et de mes jambes, sciant ma peau jusqu'à m'en faire pleurer. J'ai le souvenir flou de la vision de l'une des silhouette venant régulièrement s'asseoir à mes côtés pour me forcer à reprendre une dose de cette maudite drogue, me plongeant de nouveau dans les abysses du délire et de l'hallucination. Ce manège semblait se répéter indéfiniment, comme si l'on me conduisait au bout du monde. J'avais froid, j'étais tremblante et frigorifiée, mais rien ne pouvait me permettre d'échapper à cette sensation, pas plus qu'aux vertiges et aux formes géométriques fractales qui m'engloutissaient.
La dernière fois que je me réveillais, j'étais seule. Il n'y avait pas la moindre trace du véhicule dans lequel on m'avait amenée, ni même de mes ravisseurs. A vrai dire, il n'y avait pas la moindre trace de quoi que ce soit. J'étais plongée dans un noir complet, un noir si profond qu'il semble capable de tout engloutir, cette obscurité telle que même en écarquillant les yeux, on observe pas la moindre différence avec le moment où l'on ferme ses paupières, si bien qu'on en arrive à se demander si on a bien les yeux ouverts. J'étais toujours attachée, solidement, par des cordes nouées autour de mes poignets et de mes pieds, les deux liens étant eux aussi reliés dans mon dos. J'étais ainsi forcée de rester immobile dans une position atrocement inconfortable, les jambes à demi pliées alors que le lien était tendu, m'empêchant d'étirer mes membres dans une quelconque direction. Mon visage raclait le sol pierreux, et je sentait mon maquillage coulé sur la peau de mes joues, ainsi que la trace de mes larmes séchées. Il faisait froid et humide, une odeur de terre mouillée remplissait l'endroit où je me trouvais, qui semblait être immense, au vu de l'écho impressionnant qui se répercutait loin à chacun des mes mouvements. J'étais probablement sous terre, dans une grande galerie, une grotte, peut être, si profondément enfouie que pas un rayon de lumière ne me parvenait de la surface. Ma panique commença a grandir. Était-ce là mon destin? Condamnée à mourir de faim et de soif, seule, déjà enterrée avant l'heure, incapable de faire quoi que ce soit, sinon de ramper difficilement, telle une larve mal formée? La peur était telle que je me mis à pleurer, encore, et encore, incapable de m'arrêter même lorsque plus aucun larme ne voulait sortir de mes yeux desséchés, secouée de spasmes et de sanglots incontrôlables. La peur me tordait les boyaux, l'horreur de ma situation me frappait un peu plus fort chaque instant, et la longue solitude dans laquelle je dépérissais était ma pire ennemie. J'étais persuadée que j'allais mourir, là, attachée comme une vulgaire criminelle au fin fond d'une grotte, où des archéologues retrouveraient mon corps dans des milliers d'années - si seulement ils me retrouvaient. Je me demandais s'ils réaliseraient à quel point je m'étais pissée dessus, en le trouvant.
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Sauvages
RomanceIls étaient là avant, alors ils ont été conquis. Ils refusaient de se soumettre, alors ils ont été chassés. Ils étaient différents, alors ils se sont battus pour le rester. Pour nous, ils semblent être des barbares surgis d'un autre âge, refusant la...