La douce odeur de chocolat chaud mêlée à la chaleur du soleil levant me tira doucement des bras de Morphée alors que ma peau glissa plaisamment contre les draps fins en m'étirant. Lentement, je m'extirpai du grand lit dans lequel j'étais seule, et contemplai un instant la mer s'étalant à perte de vue sous les fenêtres de la chambre à coucher, et dont le doux ressac résonnait comme une comptine apaisante.
C'était comme si je me réveillais d'un long rêve. Un rêve terrifiant, si long, dans lequel je me serai débattue si longtemps... un cauchemar, selon certains aspects. Un paradis selon d'autres. Pourtant, je me retrouvais là où tout avait commencé, dans notre villa au bord de la Méditerranée, dans mes draps fraîchement lavés, toute ma garde robe à portée de main, et l'odeur d'un petit déjeuner venant me titiller les narines. Lentement, je m'extirpai des draps, traversai le couloir jusqu'à la balustrade de la mezzanine, et contemplait la grande table en contrebas. Je m'étais presque attendue à y trouver Julian, lisant son journal comme à son habitude. Peut être aurait-ce été plaisant, d'imaginer encore quelques instants de plus, dans le brouillard de l'esprit au réveil, que tout n'avait été qu'un long rêve... que Julian était toujours à moi, que les suomen n'avaient pas place dans ma vie, que Thomas était encore là...
Mais le rêve ne se dissipait pas. Julian n'était plus là, bien qu'il m'ait cédé notre ancienne demeure conjugale, comme il l'avait promis. Thomas était bien parti, et je n'avais que l'espoir de pouvoir un jour retrouver ses restes pour lui offrir le dernier repos qu'il méritait. Et les suomen étaient... bels et bien une partie intégrante de ma vie, désormais. Car en lieu et place du journal de Julian, et des ses cheveux toujours coiffés avec la plus grande attention, se trouvait une splendide tignasse rousse comme le feu, posant délicatement le plateau repas sur la grande table là où nos employés l'auraient fait, à l'époque. Elle releva la tête, croisant ainsi mon regard. M'avait-elle entendue? Ou bien savait-elle simplement ressentir ma présence?
-Tu viens pas manger, narena?
Je lui répondis d'un sourire que je savais éclatant.
-Cha'nah o.
-Cha'o nah. Me corrigea-t-elle. Et bouge ton beau fessier avant que ça ne refroidisse.
Je descendis à la hâte les marches de verre. La voir là où s'était tenu Julian me faisait toujours aussi... bizarre. Et je crois qu'elle s'en doutait. Pourtant, quitter Paris avait été quelque chose sur quoi nous étions très rapidement tombées d'accord. J'avais besoin de m'éloigner de cette ville où trop de choses s'étaient passées. Nokomis avait besoin de plus de verdure et de grands espaces que ne pouvaient en proposer la capitale. Notre villa - je n'arrive encore pas à l'appeler autrement, encore maintenant - s'était donc présentée comme une option de choix. Nokomis adorait la mer, l'immense jardin dont elle refusait qu'on coupe l'herbe et taille les arbres, la chaleur de l'été et la douceur des draps. Mais le malaise restait dans l'air. Dans mon esprit, c'était le lieu où Julian et moi avions batifolé pendant des années. Chaque pièce, chaque meuble était associé à des souvenirs de cette période, qui resurgissaient sans crier gare et me donnaient la terrible impression de tromper ma belle rousse, de lui mentir. Cela me pesait sur la conscience, et, à la réflexion, je pense qu'elle s'en rendait bien compte et tentait toujours de me distraire, de créer de nouveaux souvenirs, de nouvelles émotions, bref, de revendiquer sa place dans cette demeure.
Quitter Paris ne s'était pas fait sans difficultés, la première ayant été Da-jee-ha, furieuse de découvrir que nous étions allés rencontrer les Taa'kangow'a dans son dos. Elle argumenta également que les risques n'étaient pas nuls, et que je devais toujours rester sous sa garde, mais je dois avouer que je supportais de moins en moins l'idée de devoir vivre jusqu'à la fin de mes jours entourée d'une escortes de guerriers d'Ar'henno, d'autant que Da-jee-ha avait quitté les siens depuis plusieurs mois désormais, et qu'il semblait nécessaire pour elle de rentrer - non sans emmener dans ses bagages Santoni, qui pensait être parvenu à se faire oublier, mais avait sous estimé l'entêtement de la cheffe suomen. Sang, elle, était retournée à Lyon. Elle était venue avec l'espoir de trouver une piste, mais s'était retrouvée sans le moindre indice sur la localisation de son amie disparue. Quant aux Taa'kangow'a... nous n'en avions plus entendu parler, mais une vague de disparition dans la région lyonnaise nous laissa penser que les coupables du massacre de Ten mak'ol avaient bien été retrouvés.
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Sauvages
RomanceIls étaient là avant, alors ils ont été conquis. Ils refusaient de se soumettre, alors ils ont été chassés. Ils étaient différents, alors ils se sont battus pour le rester. Pour nous, ils semblent être des barbares surgis d'un autre âge, refusant la...