Sois serein, compagnon

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Sois serein, compagnon : ici tout est futile,

Tout est léger et vain, tout vaut une illusion ;

Ni les corps s'agitant aux aciers de nos villes,

Ni les esprits si fiers cachant leur confusion.


Que crains-tu, mon ami, puisqu'il n'y a personne ?

Tu trembles pour une ombre où fuit l'opacité,

Tu redoutes la voix de qui rien ne raisonne,

Tu te perds en frayeurs et en perplexité.


Ils ont peur. Ils ont fui. Ils miment et ils jouent :

C'est un jeu dangereux où se fixe un confort ;

Regarde la sueur qui perle sur leurs joues :

Ils ne réclament rien que de paraître forts.


Et tu les tiendrais, toi, pour des gens respectables ?

Et tu serais dupé par leur sérieux maintien ?

Et tu en tirerais une peur formidable ?

Pour cela ? Pour si peu ? Mais il n'y a rien ! rien !


Vois le monde avec calme : en tout mal, tu ne risques

Que la lourde torpeur de ses inimitiés,

Et cela ne vaut point la terreur des francisques

Où tu stagnes toujours, inspirant la pitié.


Et cependant, bien sûr, reste la solitude :

Il est dur pour beaucoup de vivre sans ami ;

On se croit superflu, c'est une épreuve rude

D'exister comme si l'on n'avait rien commis.


Mais comprend la valeur de tous ceux qui te jugent :

Poursuis-tu donc l'estime en de tels animaux ?

Quand ils comptent pour toi, attendri, tu te gruges :

Le mépris de ces gens est le meilleur des maux.


Qu'à ton aloi très pur toujours tu sois fidèle,

Ne te nie jamais pour de veules plaisirs,

Ne recherche l'amour ni de lui et ni d'elle

Si cet autre est moins haut ; garde-toi de gésir.


Et qu'alors tu ne sois dans cette vie drôle

Où le Vrai marche seul, où plus rien ne déçoit,

Comme tous ces acteurs prisonniers de leur rôle :

Rester droit. Ne rien craindre. Impassible. Être soi.


Écrit le 30 juillet 2020. Publié  le 06 février 2021.

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