PDV CAMDEN
Je ne sais pas depuis combien de temps je me prends la tête, mais ça me casse les couilles.
Couché sur le sofa, les bras croisés derrière la tête, je fixe le lustre du salon, éclairé par la faible lumière de la télé, restée allumée.
En gros, si j'ai bien pigé ce qu'elle a dit, mes yeux parlent pour moi ?
C'est des conneries. Jusqu'ici personne n'a réussi à me percer à jour, et elle prétend pouvoir savoir qui je suis avec un simple contact visuel ? Cette nana a un sérieux problème.
Mes pensées prennent fin quand j'entends des petits pas derrière le sofa.
C'est quoi ce bordel ?
Je me redresse rapidement, et je vois une mini-tête blonde, à moitié dans le gaz.
- Qu'est-ce que tu fous là toi ?
Le gosse me répond à peine, il me regarde en plissant les yeux.
C'est bien c'que je dis, il est encore à moitié endormi.
Sa voix ensommeillée perce le silence :
- Lou ?
Je fronce les sourcils.
J'ai une gueule à être Lou moi ?
Je réponds d'une voix monotone :
- Elle n'est pas là
Le gamin esquisse une grimace, suivie d'une moue, je comprends qu'il est prêt à se mettre à chialer.
Fait chier, j'suis censé faire quoi là ? Une chose est sûre, les gosses c'est pas mon fort.
Le môme rajoute d'une voix tremblante :
- Mais je veux voir Lou.
Je le fixe et rétorque rapidement :
- Oui, mais là, Lou est en train de pioncer.
Ses yeux se remplissent de larmes, il ne dit plus rien, seuls ses débuts de sanglots rompent le silence.
Bordel, voilà qu'il se met vraiment à chialer. Vite, trouve un moyen de lui changer les idées mec.
Mais avant que je ne puisse faire ou dire quoique ce soit, il me devance.
- J'ai... J'ai encore fait un mauvais rêve.
Euh ?
Je ne l'interromps pas et il continue, triste :
- Cette fois, j'étais tout seul dans le noir.
Je l'écoute, tout en cherchant quoi lui répondre mais rien ne vient. Il contourne le sofa pour venir s'asseoir a coté de moi.
Ce môme m'intrigue.
Il s'installe correctement. J'en profite pour l'interroger :
- C'est quoi ton blase déjà ?
Le gosse fronce ses sourcils, je rectifie ce que je viens de dire :
- Ton prénom, comment tu t'appelles ?
Il me fixe et fini par répondre d'une voix cassée :
- Moi, je m'appelle Noah.
Noah. J'ai l'impression de me voir tout gosse, ayant fait un putain de cauchemar.
Noah me questionne à son tour :
- Toi c'est Camden hein ?
Vache, il a une bonne mémoire.
Je hoche la tête pour lui répondre, et il continue de me raconter la suite de son cauchemar.
- J'appelais ma maman mais elle n'est pas venue me chercher et je suis resté tout seul dans le noir, puis même que Lou n'était pas là non plus. Et aussi, j'avais peur !
Ses phrases sont un peu dans le désordre, mais j'arrive à suivre entre les grandes lignes.
C'est déjà ça.
Sans même m'en rendre compte, je lui réponds du tac au tac.
- Ouais mais t'es un p'tit gars qu'en a dans le caleçon.
Il me fixe de nouveau, je complète :
- Bah ouais, ta même pas chialer. Enfin presque.
Il se met à sourire de toutes ses dents :
- Ouais j'ai pas chialé !
Je plisse les yeux et réalise que ma façon de parler n'est peut-être pas celle à adopter avec lui. Mais le vocabulaire de gamin c'est pas pour moi.
- Camden ?
Je reporte mon attention sur lui.
- Ouais ?
Il tripote le plaid avec ses petits doigts. Il a l'air hésitant.
- J'ai le droit de dodo ici ?
Je le regarde et pèse-le pour et le contre. Si j'ai le malheur de lui dire non, il va se remettre à chialer, et je ne vais pas pouvoir gérer une crise de môme.
Je finis par hocher la tête en précisant :
- Mais me colle pas je crève de chaud.
Il sourit de toutes ses dents, décidément il en faut peu pour rendre un gosse heureux.
Il se couche à mes côtés. On peut facilement constater que ma grande carrure rend la sienne minuscule à côté de la mienne. Je regarde le programme ennuyant à la télé, tandis que la respiration du môme se fait de plus en plus régulière.
Son cauchemar, j'ai l'impression de le piger. C'est pas des conneries ce que je me disais tout à l'heure, j'ai l'impression de me revoir tout gosse, quand, dans mes rêves, la solitude était l'une de mes pires hantises. Finalement j'ai appris à vivre avec au quotidien. Ce gamin a en revanche quelque choses de différent. J'ai l'impression qu'il peut quand même compter sur certaine personnes, dont Lou. Je ne sais pas ce qu'est sa situation familiale actuelle, ni même ce que ce gamin a vécu ou ce qu'il vit, mais une chose et sûre et certaine, c'est qu'il n'a plus sa mère. Son cauchemar le traduit parfaitement.
Je fixe son visage endormi, et ses poings serrés. Il a l'air plus calme que tout à l'heure.
Enfin j'crois.
Ces cauchemars doivent être fréquents puisque tout à l'heure, il a d'office appelé Lou. C'est qu'il doit être habitué à se lever en pleine nuit, et la rejoindre dans le salon quand elle est encore réveillée.
Mes yeux commencent à se fermer doucement, et c'est en ayant pour dernière vision, ce petit mec, que je m'endors.
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Apprends-moi
RomanceTOME 2 Et si l'amour n'était pas destiné à tous ? Camden Bewers n'en fait pas l'exception. Depuis son plus jeune âge, il ne connaît ni l'attachement, ni ce sentiment renommé que les romans classiques vantent. Ou du moins, il n'en a pas conscience. ...