Chapitre 50

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PDV CAMDEN

Dans ma voiture, j'observe l'endroit où je me pose souvent pour réfléchir. Ce n'est pas un endroit resplendissant, mais il me permet de fumer une clope tranquillement. Garé sur une colline d'herbe, j'observe simplement l'étendue de forêt à travers mon pare-brise.

D'ici on paraît plus grand.

Ça fait déjà deux petites heures que je suis parti de chez Lou. Tout ce qu'elle m'a dit m'a fait prendre conscience que bordel, je suis bien plus bousillé que ce que je voulais me faire croire.

Ouais, je suis mal barré.

Je recrache une grande bouffée de fumée nocive avant que mon téléphone ne sonne. Je décroche en sachant pertinemment que c'est le gamin.

- Ouais ?

Il reste quelques secondes, silencieux, avant que sa voix aiguë ne s'élève :

- Allô CamCam ?

Je pouffe à travers le combiné.

- Ouais, c'est moi.

Il rigole légèrement.

- T'es parti avant que je te voie ce matin ! C'est pas gentil !

Je souris.

- Tu t'en remettras, t'inquiètes mon pote.

La bouche pleine, sûrement de ses céréales habituelles, il me parle, et j'essaie de déchiffrer ce qu'il me baragouine.

- De tout fachon, on che revoit bientôt ! Hein ?

Je ne peux retenir un petit rire.

- Ouais.

Je ne suis pas très bavard au téléphone, ni même en temps normal. Lui par contre, il l'est, il entame de nouveau sur une conversation.

- Cette nuit, je n'ai pas fait de cauchemars. Je suis sûr que c'est le bracelet que tu m'as donné, il est magique !

Si seulement !

Je rentre dans son jeu :

- Ouais. Tu verras, il a même des super pouvoirs !

Il s'émerveille d'un coup :

- Ouah ! C'est vrai ? Je vais pouvoir lancer des lasers rouges par les yeux, comme Super-Man ? Ou même que j'aurais une Batmobile' comme Batman ?

Je me surprends à sourire tendrement face à la joie de ce môme.

- Ouais, c'est certain.

Il y a un petit moment de silence. Un silence drôlement apaisant. Puis doucement, il reprend en m'interrogeant :

- CamCam ?

Je fronce soudainement ses sourcils, entendant sa voix timide.

- Hum ?

Il prend une petite inspiration :

- Tu m'aimes bien ?

Aimer ? Est-ce que j'aime bien ce gamin ? Est-ce que je l'apprécie, ou je le supporte simplement ? Et Lou ? Je l'aime bien ? C'est quoi « aimer » au juste ?

Je marque une petite pause, avant de fermer les yeux et me laisser aller :

- T'es mon pote, alors, ouais, je t'aime bien.

Ces mots à peine sortit de ma bouche, je ressens une étrange sensation de sérénité.

Je le vois sourire même s'il n'est pas en face de moi.

- Moi aussi, je t'aime bien ! Mon pote !

Il insiste sur les deux derniers mots. C'est amusant cette façon qu'il a de répéter ce que je dis. Il a une façon d'interagir avec son entourage, qui diffère des autres.

- Tu sais, pour l'autre fois, je m'excuse CamCam, j'aurais dû être un grand garçon et ne pas pleurer quand j'ai écouté ma chanson.

Un coin de mes lèvres se soulève pour former un petit sourire, discret.

- Nan mon pote. T'es encore un p'tit gars, ça fait du bien de pleurer. En plus, t'es déjà fort pour un môme de cinq ans. Tu verras, plus tard tu seras plein de muscle, et tu seras encore plus fort.

Il renifle légèrement à travers le téléphone, je comprends qu'il pleure un peu.

- Oui, je serais aussi fort que toi !

Je rigole.

- N'abuse pas ! Personne peut être plus fort que moi.

Il lâche un rire à son tour puis avant qu'il ne termine l'appel, il me dit ce qu'il semble avoir sur le cœur.

- Avant, je n'avais pas de copain à qui je pouvais parler de ce qui me faisait peur et qui me rendait triste. Maintenant, et bah, je peux te le dire à toi, parce que t'es mon meilleur copain ! En plus, je suis sûr que tu es un gentil garçon. Hein CamCam ?

Je souris.

- Ouais, si tu le dis !

Il reprend une dernière fois la parole :

- Je dois aller ranger mes jouets. Merci d'être mon meilleur copain ! On sera meilleur copain longtemps, longtemps ! Pas vrai ?

Je continue de sourire :

- Ouais longtemps, longtemps.

Il lâche un petit rire.

- À plus mon pote !

Je rigole de bon cœur quand il me relance ensuite :

- On se capte bientôt ! Je t'aime bien !

On se "capte" ? Ou t'as appris ça ?

Avant qu'il ne raccroche, je lui réponds :

- Ça marche !

Il raccroche, et j'écrase mon mégot de clope dans le cendrier de ma bagnole.

Ce gosse est tout simplement comique. Nan sérieux, jamais j'aurais cru m'entendre avec un môme de cinq ans. Je ne m'entends pas avec grand monde, alors rajouté Noah dans la liste me semble complètement tordu. Pourtant, je crois que je le kiffe vraiment bien.

Finalement, son histoire n'est pas si différente de la mienne. À quelques détails près : il n'est pas battu, et a une famille sur qui il peut encore compter. Contrairement à moi, son père est en vadrouille quelque part et sa mère est une toxico. Moi, mon père est un camé, et n'est pas très juste mentalement. Pour conclure ma mère a foutu le camp.

On n'a pas la même situation, ni même une histoire identique, cependant, toi et moi, on est quand même pas bien gâté, hein ?

Mais tu t'en sortiras un jour, mon pote !

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