Chapitre 3

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PDV CAMDEN

Je me gare devant la maison qui me sert pour le moment de foyer dans lequel je dors, et mange, quand je ne suis pas dehors.

Je toque, et Isabelle vient m'ouvrir.

- Camden ?

Elle porte lentement ses doigts sur ma joue, qui doit sûrement être joliment décorée par un bleu.

- Il t'est encore arrivé quelque chose ?

- Rien.

- À en voir ton visage, ce n'est pas rien.

- Bordel, j'te dis que c'est rien.

J'écarte brutalement sa main de mon visage et je monte à l'étage de cette grande baraque pour m'enfermer dans la pièce qui me sert de chambre. Je ne m'y sens pas du tout à mon aise, les murs sont bleus, et plusieurs posters de foot ornent les murs. Le foot... C'est pas un truc qui me botte.

Je sais que ce couple fait tout pour que je me sente chez moi ici, comme les autres dans lesquels j'ai déjà été placé. Pourtant tous, ont refusés de me garder, sous prétexte que mon comportement ne leur convenait pas. À croire que je suis une marchandise achetée, mais qui, dès son acquisition, semble être défectueuse par défaut, et qui ne convient tout compte fait plus.

Seuls Isabelle et Christian ont bien voulu recueillir un mec comme moi. Ils ne peuvent pas avoir de gosse, ou un truc comme ça. Ils se sont donc dirigés vers le centre d'adoption pour jeunes en difficultés. Manque de bol, ils son tombés sur moi. Je ne fais rien de bien blessant envers eux. Néanmoins, je n'agis juste pas comme un fils. Je n'en ai jamais été un.

Je n'avais que quelques mois quand j'ai été placé dans le centre d'adoption. Et je ne me rappelle que très vaguement de ma première famille, j'avais quoi ? Sept ans, et je commençais déjà les conneries.

J'en suis conscient, j'suis pas con, je sais comment je suis, je sais aussi que ça ne doit pas être une partie de plaisir de m'avoir sous le même toit quotidiennement. Cependant, Isa et Chris, sont indulgents, ils me logent et me nourrissent. J'en suis reconnaissant, mais je ne le montre pas.

Quelqu'un frappe à la porte, coupant mes pensées.

- Um ?

Isabelle entre avec sa trousse de soins. Elle ne peut pas s'en empêcher.

- J'en ai pas besoin.

- Fait pas l'idiot, ta lèvre est dans un sale état, et ta joue, n'en parlons pas. Montrer-moi ça

- J'suis pas un gamin.

Elle lève les yeux au ciel et soupire.

- Je n'ai pas dit le contraire, je veux simplement éviter d'aller à l'hosto pour infection.

J'abandonne et la regarde sortir un coton et un espèce de produit qui pu la mort. Elle s'assoit à côté de moi, puis approche le coton de ma lèvre, en tapotant

Bordel. Je douille.

- Putain.

Isabelle marque une petite pause.

- Évite les injures Camden. Je te l'ai déjà dit.

Je grommelle :

- S'cuse.

Elle termine de soigner ma lèvre avant de s'attaquer à ma joue.

- Comment tu as fait ça ?

Je ne compte même plus les fois où l'on m'a posé cette question. Aucune de mes familles d'accueil a su que je voyais encore mon père.

- Des connards au bahut.

Je mens, pour ne pas que l'on découvre que je le fréquente encore.

Fréquenter est un grand mot.

- La violence ne résout rien.

- C'est ça.

Elle arrête soudain ses gestes de soins. Pour prendre un ton plus ferme :

- Je ne plaisante pas avec ça. J'en vois passer des types mal en point à cause d'un simple règlement de compte, et pourtant certains coups sont fatals Camden. En tant qu'infirmière, je sais de quoi je parle.

Je ne réponds rien. Elle soupire.

Christian se poste à l'entrée de la chambre.

- Alors ? Qu'a donc notre grand blessé ?

Je lève le regard vers lui, mais ne dis rien.

- Monsieur a décidé que la violence était une solution pour résoudre ses problèmes.

Chris pouffe de rire.

- C'est pas totalement faux.

Isabelle fait les gros yeux.

- Christian !

Celui-ci complète :

- Je dis seulement que parfois on n'a pas forcément le choix.

Isabelle me regarde.

- N'écoutes pas, il dit que des conneries.

Les voir tous les deux heureux, et chamailleurs, me rappelle que je ne vivrais certainement pas comme eux plus tard.

J'ai plus envie de me prendre la tête pour ce soir, et juste rester en paix.

Je déclare d'une voix monotone :

- J'suis fatigué.

- Oui bien sûr, on va te laisser.

Isabelle range tout son matériel professionnel, puis sort de la chambre, entraînant son mari avec elle.

Je me déshabille, pour finir en caleçon, puis je me couche sur le lit, les bras croisés derrière la tête. Je fixe le plafond.

En fin de compte, la vie est vraiment différente pour chacun d'entre nous. Certains, en ce moment, vivent merveilleusement bien, un toit sur la tête, une famille aimante, des amis. Jusque-là, on pourrait presque croire que je vis ma meilleure vie.
Pourtant, malgré ce couple qui m'a adopté, j'ai un père drogué, et une mère qui a foutu le camp. P't'-être même qu'elle croupit dans un cimetière. Qui sait...

Ce masque de pitre que j'enfile tous les jours m'aide plutôt pas mal en fin de compte. La seule personne qui me connaît et me comprend véritablement, c'est Ash.

C'est comme un frère que je n'ai jamais eu.
La famille que je n'ai jamais eu le droit d'avoir.

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