Chapitre 36

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PDV CAMDEN

Putain, qu'on m'explique pourquoi je suis sorti de ma putain de caisse ?

Planté devant Lou, je remets nerveusement mes cheveux sous ma casquette, tandis que ses yeux bruns me fixent.

Je décide de dire la première chose qui me traverse l'esprit :

- Pour toute à l'heure /

Avant que je ne puisse dire quoique ce soit, elle me devance :

- Te fatigues pas.

La sensation de ses iris froids fixant les miens est putain de flippant.

Elle continue :

- Il faut y aller, on va être en retard.

Elle passe à côté, comme quelques heures plus tôt. Je la retiens par le poignet.

- C'est quoi le problème ?

Pourquoi je pose la question, c'est pourtant clair.

Elle lâche un petit rire sarcastique :

- Sérieusement, tu poses la question ?

À l'aide de mon emprise sur son poignet, je la ramène devant moi.

- Ok, j'ai merdé avec le môme tout à l'heure, mais c'était pas mon problème.

Ses yeux se plissent, et j'ai l'impression de ressentir tout ce qu'elle dégage. En d'autres termes, elle est en rogne.

- Tu sais combien de temps, il a fallu pour essayer de trouver les bons mots une fois que tu t'es barré lâchement ?

Elle secoue la tête énervée. Elle ne fait aucune pause et continue :

- Ce que je ne comprends pas, c'est qu'avant de repartir avec sa tante tout à l'heure, il m'a chuchoté qu'il voulait que je te dise que tu restes son "copain", et qu'il voulait te revoir.

Je hausse un sourcil.

Je jure que ce gosse n'est pas net.

Elle ne s'arrête pas là :

- J'avoue que je ne l'ai pas compris sur le moment. Il aurait pu t'en vouloir, et ne jamais avoir envie de te revoir. Mais il est clair qu'il perçoit quelque chose en toi que personne ne comprend.

Je secoue la tête.

- Arrête tes conneries. C'est juste un gamin.

Son poignet toujours entre mon imposante main, elle le retire vivement :

- Ouais, mais en attendant ce "gamin" veut te revoir.

Je détourne le regard du sien, et fixe le sol, tout en haussant les épaules.

- Si c'est pour qu'il me saoule avec ses questions, c'est mort.

Je sens que sa haine grandit au fur et à mesure que j'ouvre ma gueule.

- Le pire, c'est qu'il est adorable, et tu ne le vois même pas. Noah est un petit garçon qui a beaucoup de difficulté à s'exprimer, surtout quand il ne connaît pas la personne en question, et tu veux que je te dise ? Il n'a pas hésité à venir te trouver la nuit dernière après avoir fait son cauchemar. Et au cas où tu ne l'aurais pas écouté tout à l'heure, il t'a sûrement parlé de sa mère qui est partie, et de son père qu'il n'a jamais vu.

Je ne l'interromps pas et l'écoute :

- En réalité, elle n'est pas juste partie. Quand Noah était un peu plus jeune, sa mère a dérivé dans l'alcool et la drogue lorsque ça devenait trop compliqué de gérer un petit garçon toute seule, suite au départ de son père à l'accouchement. Elle est en ce moment même dans un centre de désintoxication, et elle n'est pas encore prête à en sortir. Alors t'en prendre à lui tout à l'heure n'allait rien arranger, c'est évident.

Cette fois, je décide d'en placer une :

- Mais tu voulais que je dise quoi bordel ?

Elle se rapproche brutalement de moi.

- Ça ne t'ai pas venu à l'idée d'essayer de le rassurer ? Essayer d'aborder le sujet un peu plus calmement ?

Ma mâchoire se contacte.

- Je te repose la question, pour lui dire quoi ? Le rassurer, c'est bien beau, mais lui dire quoi ?

Sa voix s'élève un peu plus :

- Peut-être lui redonner espoir qu'un jour sa mère finira par revenir.

Je secoue la tête et plante méchamment mon regard sur elle.

- C'est complètement con, ils ne reviendront pas. Ni elle, ni lui.

Elle fronce les sourcils, et cette fois, elle éclate :

- Tu le fais exprès ? C'est ça que tu comptes dire à ce pauvre gamin ? Qu'il ne les reverra plus jamais ?

Mon rythme cardiaque s'accélère.

- Ouais ! Si c'est ce qu'il faut pour lui faire comprendre de ne pas se faire de faux espoirs, alors ouais, c'est ce que je lui dirais.

J'ai l'impression que me concernant, je ne parle plus que de Noah, mais également d'une partie de moi.

J'explose à mon tour :

- Pourquoi prétendre qu'ils vont revenir ? S'ils ne reviennent pas, le môme attendra toute sa putain de vie, pour se rendre compte que finalement ça ne sert à rien d'attendre. Sa mère sera restée toxico, et son père a foutu le camp.

C'est certain, cette fois, je ne parle plus que du gamin.

- Qui te dit qu'il ne va pas complètement déraper ? Les attendre, et après ? Il aura fait ça la majeure partie de son temps, il va finir par piger que personne ne reviendra pour lui. T'as pensé à ce que ça pourrait lui faire ?

Elle m'écoute, et elle semble moins agressive. Elle me sonde du regard, je ne me dégonfle pas ayant l'habitude maintenant de ses yeux analysants. Mes sourcils sont froncés, ma mâchoire tressaute, et mon expression est clairement ferme. J'ai l'impression qu'un éclair de compréhension passe à travers son regard. Je lui fais comprendre en secouant la tête que ce n'est pas la peine de le dire.

Elle a pigé, j'aurais dû fermer ma gueule

- Cam /

C'est pas bon, je sens que je vais partir en vrille.

- Ferme là.

Je recule d'un pas, mais elle avance légèrement de nouveau. Nous sommes tout de même moins proches que tout à l'heure.

- Camden, je /

Trop tard, mon agressivité prend le dessus.

Je m'approche de nouveau d'elle, plus j'avance plus elle est obligée de reculer, jusqu'à qu'elle soit stoppée par le crépi de sa baraque. Mon souffle agité s'abat sur ses pommettes, et mes yeux colériques lui renvoient toute la haine que j'essaie de contenir en moi.

D'une petite voix, elle essaie de calmer la tension qui règne entre nous :

- Camden, est-ce que tu /

J'abats mon poing sur le mur, à quelques centimètres de son visage. Elle ne sursaute même pas, elle ferme juste les yeux.

La douleur sur mes phalanges m'assaille, mais je ne montre rien, je me concentre simplement sur sa bouche qui va certainement prononcer ce que je ne veux plus entendre depuis des années. Sa bouche s'entrouvre :

- Tu sais ce que ressent Noah, n'est-ce pas ?

C'est ça que je déteste, cette voix douce que tout le monde a employé jusqu'ici pour me parler de ce sujet en particulier, je ne supporte pas.

Ma voix rauque, éprise de colère, s'oppose à la sienne.

- Tu ne comprends pas quoi dans le fait de ferme ta gueule putain !

Je m'écarte vivement de son corps pour ôter ma casquette et la jeter au sol avec violence. J'empoigne mes cheveux et lui tourne le dos.

Bordel, nan. C'était pas comme ça que ça devait se passer, seul Asher est au courant, pourquoi elle ? Pourquoi elle a réussi à rompre cette putain de que je m'étais imposée. Bordel pourquoi ? Putain de gosse, putain de darons, putain de passé, putain de vie à la con.

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