Année II, Chapitre 3 : Mycroft et les poissons rouges

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Il devait être trois heures du matin, mais Sherlock ne voulait pas dormir. Il se rendit donc dans le salon.

"Encore en train de voler dans le frigo." dit-il sans même voir Mycroft accroupi dans la cuisine, tenant dans la main un peau de pâte à tartiner et dans l'autre une cuillère pleine.

Mycroft cessa aussitôt et s'installa dans un fauteuil, en face de son cadet. Ils se fixèrent avec un air de défi, puis Mycroft dit :

"On avait dit plus de chien à la maison."

"Ne traite pas John de chien, sinon je dis à tout le monde pourquoi les toilettes sentent le vomi."

Sherlock avait touché là où ça faisait le plus mal. Mycroft ne renonça cependant pas :

"Ah, oui, pardon. Vu son qi, je dirais un poisson rouge."

"Toi aussi tu devrais te trouver un poisson rouge, soupira le cadet. Enfin, pas une fille qui s'abrutit avec son téléphone en ruminant un chewing-gum comme Anthéa ou une comme Elizabeth qui cherche à profiter de tes privilèges et de ton influence sur les professeurs."

"Et pourquoi diable irait-je m'encombrer d'un poisson rouge ?" s'exclama Mycroft.

"Parce que ça te changerait. Et puis au bout d'un moment, tu comprendrais que, toi aussi, tu es un poisson rouge."

Nullement touché, Mycroft passa à une conversation plus urgente :

"Regarde où ça t'a mené à traîner avec d'autres personnes : tu as embrassé ce... James Moriarty junior."

Sa voix exprimait un profond dégoût. Un garçon avec un autre garçon ? Son propre frère, qui plus est ? L'honneur de la famille était déjà assez bafoué comme ça !

"C'était un gage. En échange il m'a donné une information." se défendit le plus jeune avec sérieux.

"Tu ne dois plus le fréquenter. Ni retourner à l'école cette année, d'ailleurs. L'exécution des parents Moriarty va entraîner des événements ; et étant donné que tu ne rate pas une occasion de te fourrer dans des ennuis, je dois t'interdire d'y retourner."

"Parce que tu crois pouvoir m'en empêcher ? Tu n'as que quatorze ans. Ce sont encore Père et Mère qui décident."

Sherlock se leva, le visage neutre, bien qu'au fond de lui il tremblât d'excitation quant à l'idée d'un mystère que même son aîné craignait.

§

John put enfin profiter d'une douche chaude sans que son père ne lui beugle dessus pour qu'il se dépêche. Il éteignit à contrecœur le jet revigorant, se mit en pyjama et sortit de la salle de bain.

Mycroft se tenait devant la porte. Ses yeux l'examinèrent de haut en bas et John se sentit devenir rouge. Finalement l'aîné des Holmes ravala sa fierté à moitié et dit :

"Vous n'avez pas beaucoup de sous, n'est-ce pas ? Que diriez-vous que je vous fournisse une aide financière ?"

John réfléchit un instant : il se moquait de lui ? Peut-être pas, au fond ; il devait déjà être riche vu la fortune de sa famille.

"Pour quoi faire ?"

"Il faudrait que vous surveilliez Sherlock, que vous me teniez au courant de ses faits et gestes..."

"Non."

Mycroft ne cilla pas :

"Je m'inquiète pour lui."

"C'est non. Je ne veux pas l'espionner pour de l'argent."

"Pourquoi tant de loyauté envers quelqu'un d'aussi égoïste que lui ? On vous prendrait presque pour un Poufsouffle. Ce n'est pas parce qu'il vous a dit une fois qu'il était votre ami que c'est le cas. Vous lui servez de distraction, mais il finira par se lasser de vous. Il n'a aucun sentiment, aucune empathie."

John tenta de traiter l'information. Sherlock ne le considérait que comme un animal de cirque ? Un jouet qu'on jette quand on n'en veut plus ? Il lui avait menti ?

"Je ne vous crois pas, dit-il presque immédiatement. C'est vous qui êtes égoïste - il l'est aussi, mais vous bien plus. Donc je ref..."

Sherlock arriva. John se figea : avait-il entendu la conversation ?

"M'man, ! fit-il. Myke essaye de corrompre John."

"Mycroft !" tonna la femme depuis le salon.

"Je n'ai pas besoin de toi pour me surveiller, fit Sherlock à son aîné en se dirigeant vers John. John assure déjà mes arrières." Puis il ajouta à l'oreille de John : "Accepte son offre, on fera cinquante-cinquante."

Il partit les mains dans les poches.

Les chants de la Mort - Sherlock fanfictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant