Année V, Chapitre 2 : Sherlock déclare la guerre

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La première chose que remarqua John en entrant au 221b Baker Street, fut que, bien que tout soit identique à d'habitude, rien n'était comme avant.

Mme et Mr Holmes semblaient avoir moins d'entrain et l'appartement paraissait morne. Seul Mycroft était aussi déplaisant qu'à l'accoutumée. Mme Hudson s'inquiéta aussitôt de l'état de John, qui était trempé jusqu'aux os et dont les yeux étaient rouges - heureusement, elle crut qu'il s'agissait de la fatigue et non des bières qu'il avait bues. Elle lui somma d'aller prendre une douche bien chaude, aussitôt jointe par Mme Holmes dans ses arguments.

Quand John sortit de la salle de bain, après une douche revigorante, Mr Holmes lui indiqua une chambre d'ami où il pourrait s'installer.

"Reste autant de temps que tu le souhaites. Tu fais partie de la famille."

John lui adressa un "merci" timide. Il se demandait comment des personnes comme Mr et Mme Holmes, ou Mme Hudson, pouvaient exister. Ils lui offraient l'hospitalité et s'inquiétaient pour lui, alors qu'il n'était même plus ami avec leur fils et qu'ils n'avaient aucune raison d'être aussi adorables avec lui.

De plus, les parents Holmes n'avaient pas été épargnés, avec des enfants tels que Mycroft et Sherlock !

John regagna la cuisine pour le dîner - il était affamé et dû faire preuve de volonté pour ne pas se jeter sur les plats. Les discussions, autour de la table, étaient superficielles, dénuées de joie.

Mme Hudson, qui savait bien que Sherlock ne viendrait pas à table, apporta un plateau chargé d'une assiette pleine, d'un morceau de pain, d'un verre d'eau et d'une part de tarte aux fruits rouges à la chambre de Sherlock. Elle toqua à la porte et n'obtint aucune réponse. Elle s'en contenta - des fois elle obtenait des "la ferme !" furieux de la part de Sherlock - et posa le plateau devant la porte. Elle se risqua cependant à appeler :

"Sherlock ?"

Aucune réponse.

"Il n'a pas pris le plateau." informa-t-elle en retournant dans la cuisine.

§

Sherlock cracha un jet de fumée qui grimpa doucement et éclata au plafond. Il écrasa son mégot avant de se lever péniblement pour contempler les photos, articles de journaux et post-it accrochés sur les murs et qui avaient commencé à s'étendre sur le plafond.

Caressant distraitement son pendentif, il contempla la photographie d'un détraqueur, prise à Londres par un sorcier sans-abri avec qui Sherlock entretenait une correspondance.

"Un détraqueur qui quitte Azkaban et arpente librement les rues de Londres."

"Forcément un ordre du ministère de la Magie."

"Oui, John. Ils veulent ce que l'Ombre veut."

"Ils disent que c'est pour le bien, mais c'est faux."

"Ces idiots ne comprendraient pas ce qu'ils auraient alors en main. Ils succomberaient à l'appel de la puissance."

"Ils veulent m'arracher à toi, Sherlock."

"Je ne les laisserais pas faire, John."

Il posa ses lèvres sur le pendentif.

Alors que dans la cuisine, la famille Holmes et leur invité finissaient le repas, ils entendirent la complainte d'un violon résonner entre les murs. Cela redonna un peu de joie dans la maison, mais John se renferma sur lui-même, se sentant de plus en plus coupable.

Le violon joua une note désagréable - comme des ongles griffant un tableau noir - qui fit sursauter tout le monde. Inquiète, Mme Hudson jeta un œil dans le couloir. Sherlock jaillit de sa chambre et descendit dans un vacarme épouvantable les escaliers tout en enfilant son manteau et son écharpe (cadeau de Molly, lors de leur première année, que Sherlock gardait précieusement).

La porte d'entrée claqua derrière lui avant que qui que ce soit ne puisse réagir.

John, cependant, avait reconnu ce pas : c'était le pas surexcité de Sherlock lorsqu'il avait une affaire intéressante.

Une enveloppe fraîchement fermée dans la main, Sherlock arpenta les rues de Londres d'un air joyeux. Il s'engouffra dans une cabine téléphonique bleue, composa un numéro, et la cabine s'enfonça dans les sous-sols de la capitale comme un ascenseur.

Lorsqu'il pénétra dans le ministère, les employés, comme les visiteurs, s'étonnèrent de voir un jeune homme de quinze ans. Il ne remarqua même pas leurs airs surpris et déposa sa lettre dans une boîte prévue à cet effet avec une satisfaction infinie.

§

John ne cessait de remuer entre les couvertures.

Il s'en voulait. Il savait que tout n'était pas de la faute de Sherlock.

Il savait ce qu'il devait faire.

"Je dois lui parler franchement." se rassura-t-il alors qu'il rejoignait la porte d'entrée pour attendre Sherlock et lui faire part de sa décision.

Ignorer son ami pendant les mois qui avaient suivi leur mésaventure n'était pas très sympathique de sa part. Il fallait qu'il lui dise en face.

La porte s'ouvrit presque en suivant. A croire que John savait exactement à quel moment Sherlock rentrerait.

Quand il le remarqua, Sherlock resta immobile quelques secondes, puis reprit sa route.

"Ah, John, dit-il comme si le blond ne l'avait pas ignoré pendant près de six mois. Je suis passé au ministère de la magie. J'ai..."

"Il faut que je te parle."

Sherlock se stoppa net.

"Oui John ?"

"On peut parler... dans le salon ou..."

Ils se rendirent donc dans le salon. Sherlock sentait que quelque chose n'allait pas, et cela le rendait anxieux.

Le mutisme de John l'avait blessé, mais il s'était dit qu'après ce qu'ils avaient vécu... l'assassinat de Mary, leur enlèvement, et tout ça... il avait besoin de temps.

Six mois, c'était long. Six mois pour John, ce n'était rien.

Pourquoi était-il anxieux, dans ce cas ? John allait lui dire qu'il allait mieux, qu'il le pardonnait, et peut-être même qu'il était désolé...

"Je veux couper les ponts avec toi."

Sherlock aurait eu moins mal si on l'avait poignardé en plein cœur.

"Tu mènes une vie dangereuse, c'est dans ta nature, poursuivit John. Tu vis pour toi-même sans te soucier d'autrui. Peut-être que tu as raison ? Si tu es heureux comme ça, ça me va. Mais moi je ne peux plus te suivre."

Derrière son masque d'ego et d'indifférence, Sherlock se décomposa.

"Le mal est fait : tu n'as pas su tenir sa promesse de nous sortir, moi et Mary, vivants de cette maison infernale et solitaire sur Oakley Street ; Mary est morte. On ne peut plus rien faire hormis la pleurer."

Sherlock hurlait à l'intérieur de lui-même. Pourquoi est-ce qu'il disait ça ? Pourquoi ne voyait-il pas sa souffrance à lui aussi ?

"Ce n'est pas que de ta faute. C'est moi qui suis allé te parler, c'est moi qui t 'ai suivi dans tes aventures. C'est moi qui ai fait en sorte qu'on deviennent amis."

Disait-il qu'il regrettait qu'ils se soient rencontrés ?

Non ! Pourquoi ? Il fallait que Sherlock s'excuse, qu'il lui fasse entendre raison ! Il serait même prêt à le supplier de lui donner une chance ! D'essayer d'être normal ! De lui avouer qu'il l'aime ! Que ces mois sans entendre sa voix enjouée, sans lire sa si belle écriture, avaient été une torture pire encore que ce qu'il avait vécu dans cette maison !

"Très bien." dit Sherlock.

"Merci, Holmes."

John se leva, lui fit un signe timide de la main, et alla se coucher.

Sherlock ne bougea pas, ni quand le soleil se leva, ni quand Mme Hudson lui demanda s'il avait dormi, ni quand son père lui demanda où il était passé la veille, ni quand sa mère lui demanda pourquoi dans les gros titres, au journal, on lisait "Sherlock Holmes accuse le Ministère de la Magie".

Les chants de la Mort - Sherlock fanfictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant