Année V, Chapitre 6 : Rien qui n'en vaille la peine

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Un mois.

Cela faisait un mois que Mycroft avait quitté Poudlard. Que John et Sherlock ne s'étaient pas adressé la parole.

Et les choses empiraient.

John regardait le mur de la grande salle et scrutait un à un chacune des règles instaurées par Ombrage depuis son arrivée. Cent-trente-sept en tout, si on comptait celle que Rusard s'efforçait d'accrocher, perché sur une échelle bancale sous l'œil impassible de Miss Teigne.

"Les garçons et les filles doivent respecter une distance de sécurité de vingt centimètres.", "Toute association d'élèves est interdite.", "Tout commerce entre élèves est interdit."

On n'entendait plus de rires joyeux dans les couloirs, on ne courait plus jusqu'à la cabane de Hagrid après les cours, on n'assistait plus aux matchs de quidditch. Il était strictement interdit de parler en classe, on devait chuchoter dans les couloirs, les mauvais élèves étaient humiliés quand les bons étaient récompensés, on n'avait pratiquement plus le droit de sortir de l'établissement... Selon les rumeurs, bientôt, Ombrage interdirait aux élèves d'écrire à leurs parents pour éviter de les alerter sur ce qu'il se passait à Poudlard.

John avait l'impression que tout s'effondrait : Poudlard avait été son unique maison (hormis le 221b Baker Street qu'il avait désormais perdu) et à présent même l'école lui était hostile. Ses amis l'avaient abandonné : Greg et Molly lui en voulaient de ne pas avoir prit la défense de Sherlock et de s'être laissé soumettre par Ombrage si facilement. Il avait finit par envoyer balader Mike Stamford, qui n'avait de cesse de lancer des insultes sur Sherlock et qui trainait avec Anderson.

Et Sherlock... Il avait disparu on ne sait où et n'avait pas tenté de reprendre contact avec lui...

John l'avait-il définitivement éloigné, avec tous ces mots horribles qu'il lui avait dits ? Avait-il réussi à perdre son meilleur ami ?

Il se sentait, depuis, désespérément seul.

Il fut sorti de ses pensées par des pleurs et vit Archie, un première année. Il le rejoignit et vit les marques "Je dois être sage" sur ses mains.

"Ça fait mal !" gémit-il.

Il s'assit à côté de lui, promettant que tout irait mieux et que dans trois mois, pendant les vacances de Noël, il pourrait rentrer chez lui. Greg passa devant eux, et alla voir ce qu'il se passait.

"T'inquiète pas, dit-il à Archie. Moi aussi j'en ai des cicatrices : ça fait mal au début, puis on ne sent plus rien. Et ça fait comme un tatouage, ça plait aux filles."

"Tu en as eu aussi ?" s'étonna John.

Greg montra les siens, fier de lui : "Je ne dois pas manquer de respect à la Grande Inquisitrice.", "Je ne dois pas me battre."...

"Hors de question que je respecte ces foutus règles, proclama-t-il avec comme un ton de reproche. Même si seul, je ne peux pas me mutiner, je refuse de laisser cette face de crapaud me dicter ce que je dois faire. Bon, je vous laisse, je vais voir Sherlock. Je dois lui dire qu'Ombrage a fait détruire ses ruches... Il va se sentir mal..."

"Il est où, d'ailleurs, Sherlock ? Ça fait un moment que je ne l'ai pas vu se plaindre en cours."

"Euh... ça fait un mois qu'il est à l'infirmerie. Tu ne savais pas ?"

"Non..."

Sherlock était à l'infirmerie depuis un mois ? John n'était même pas allé prendre de ses nouvelles ! Sans plus attendre, il courut jusqu'à l'infirmerie et chercha Sherlock du regard. Il était enfoncé dans son oreiller, griffonnant dans un bloc-note. John s'assit sur une chaise, près du lit. Une barbe d'adolescent naissait doucement sur ses joues et ses cheveux étaient dans un état lamentable.

"Sherlock..." dit-il pour capter son attention.

Cependant le brun ne réagit pas. Il se contenta de dire bonjour à Greg, qui sentit immédiatement la tension entre les deux anciens amis. Il dit qu'il reviendrait plus tard et les laissa seuls.

"Sherlock, pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu étais à l'infirmerie ?"

"Je croyais que tu ne voulais plus rien savoir de moi."

Le ton du brun était sec, froid. John s'humecta les lèvres, blessé.

"T'avais raison, dit-il, à propos du Ministère. Ils prennent le contrôle de l'école."

"Je sais."

"Qu'est-ce que tu as aux mains ?"

Les mains de Sherlock étaient couvertes de bandages. Sherlock ne répondit rien, mais John prit sa main dans la sienne et regarda sous les pansements.

"Oh mon dieu."

Il examina chaque parcelle de sa peau meurtrie, ses doigts de violoniste d'ordinaire si agiles qui tremblaient entre les siens.

"Sherlock... Je suis désolé... Tellement désolé. De t'avoir abandonné comme ça, de t'avoir rejeté dessus la disparition de Mary et de tous les Morstan, de t'avoir ignoré alors que tu avais besoin de moi..."

Les yeux humides de larmes retenues, il releva la tête vers Sherlock. Ce dernier le fixait comme s'il venait de commettre un meurtre.

"Quoi ?" dit John après un silence interminable de la part du détective.

"Tu es... désolé ? Mais j'ai... causé la Mort de..."

Sans pouvoir se retenir, John le prit dans ses bras - peut-être pour cacher les larmes qui inondaient son visage. Il avait cru que Sherlock lui en voulait, et il n'avait pas osé reprendre contact de peur d'être rejeté, mais le brun s'était en fait cru coupable de tout ce qu'il s'était passé.

"C'est faux."

"C'est de ma faute si Marvin a été étranglé... et toi..."

"Je vais bien, assura John. J'avais juste peur, je t'ai dit toutes ces atrocités parce que Mary venait de mourir et... Je ne le pensais pas. Te rencontrer a sûrement été l'une des meilleures choses qui me soit arrivées. Mais toi ? tu vas bien ?"

"Oui. En fait je reste ici pour être tranquille. J'ai enfin réussi comprendre ce foutu bouquin."

Il désigna le livre sur le Reliques, que John avait aperçu dans sa chambre quelques années plus tôt, et Sherlock semblait toujours absorbé par l'étude de cet ouvrage. Il se souvenait que c'était un cadeau de Jim.

"Et qu'est-ce que tu as appris ?"

"Rien qui n'en vaille la peine."

Il sourit largement, mais John fronça les sourcils.

"Tu comprendras plus tard, peut-être."

"Je ne suis pas un gamin !"

Sherlock sourit, heureux qu'ils aient retrouvé un semblant de leur complicité.

Les chants de la Mort - Sherlock fanfictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant