Il est 17h30. J'étais en train d'écrire ma fic. J'ai relevé les yeux et j'ai regardé dehors. C'est parfois en regardant les nuages que l'inspiration me vient. Mais à 17h30, j'oubliais que j'avais un rendez-vous. Heureusement, ce rendez-vous ne m'oblige pas à sortir, ni à être muni·e d'un quelconque objet. Il me suffit de porter mon regard dehors, au-dessus du champs de noyers que je vois en face de chez moi, après le champ de foin. Il me suffit de lever les yeux vers le ciel, de regarder entre le clocher de l'église et les arbres qui bordent la rivière qui coule juste à côté de chez moi. Il me suffit de lever le nez, de rêvasser, et je les vois. Les oiseaux.
Je ne sais pas de quelle espèce il s'agit. Des moineaux ? Des rouges-gorges ? Des hirondelles ? Non, ces oiseaux sont loin de nous, l'hiver. Quoique, avec le dérèglement climatique, on se promène en short en plein mois de Février. Des merles ? Je ne sais pas de quelle espèce il s'agit, je sais juste que de là où je suis, ils ont l'air d'être noirs. Il me suffirait d'appeler ma sœur pour le savoir. Elle sortirait les jumelles que je lui aie offertes à Noël et elle me le dirait. Mais ça serait casser la magie du moment. Revenons à nos oiseaux.
Pour l'instant, ils ne sont pas plus d'une vingtaine, d'après mes estimations. Je ne suis pas sûr·e, je ne les ai pas comptés, et je ne m'y risquerais pas. Tiens. 5 oiseaux se joignent à eux. Pourquoi ? Pour voler, bien sur. Pour répéter ce ballet volant (non, pas un balai volant, un ballet. La danse) qui a lieu chaque soir, vers 17h30 en ce moment, en fonction de la luminosité, au-dessus du champ de noyers pas loin de l'église et de l'école, en face de chez moi. Ils sont toujours là. Moi, pas forcément. Ce qui est bien, c'est qu'ils ne m'en voudront pas, si je ne suis pas là. Ils ne savent pas que je les regarde.
Le vol des oiseaux, c'est un moment apaisant, pour moi. Tantôt compact, tantôt étiré, le groupe vole de telle manière que j'ai l'impression de regarder le flux et le reflux de la mer en plein ciel. Ils volent parfois si bas que les noyers les cachent. Ils sont parfois tellement à la verticale qu'ils en deviennent invisibles. Ils changent si vite de vitesse que j'ai l'impression de regarder un film en accéléré, puis au ralenti, sans jamais trouver une vitesse constante. Et c'est de là que vient toute la beauté de leur danse.
Pendant que je vous parlais (écrivais serait le mot juste), d'autres oiseaux se sont rajoutés. Ils sont maintenant une centaine, je pense. C'est assez peu, comparé à d'autre fois. Et, oui, j'arrive à écrire en même temps que regarder les oiseaux. Parfois, je pense que les oiseaux sont 200, au moins ! Je lève les yeux, et ils sont déjà nombreux ! Et puis, au fil de la danse, d'autres s'ajoutent, parfois par 2 ou 3, parfois 50 à la fois ! Je vous le dis, c'est comme un vrai ballet : certain·e·s danseur·euse·s rentrent sur scène, d'autres sortent. Pour les oiseaux, il y en a cependant très peu qui s'en vont pendant le spectacle.
Bien que j'ai dit plus haut qu'ils ne savent pas que je suis là, j'ai parfois l'égoïste impression que les oiseaux viennent pour moi. Qu'il pleuve ou qu'il vente, que j'aie été irascible avec ma famille ou non, ils sont là, l'air de me dire : "Tu fais peut-être des conneries, mais nous, on est là, pour toi. Pas comme les filles qui te servent de sœurs et qui t'aiment ou te font la gueule selon leurs petites humeurs". Au fil du temps, les oiseaux sont devenus mes soutiens, mes amis. Ils ne disent rien, ils ne savent pas que je suis là, mais c'est parfois ce dont j'ai besoin. Que les gens oublient mon existence ne serait-ce qu'un temps, arrêtent de me dire de sortir de ma chambre et d'arrêter d'écrire mes "histoires, là" (je cite, voyez comme mes Drarrys sont traités). Qu'on me laisse rêver et qu'on arrête ne serait-ce qu'une seconde de penser à mes notes. Je suis un être humain, merci. Pas une série de chiffres.
Ce qui me fascine dans le vol des oiseaux, c'est qu'ils restent là. Ils sont libres d'aller où ils veulent, de partir explorer cette Terre mais ils restent là, au-dessus du champ de noyers, pas loin de l'église et de l'école, en face de chez moi.
Les nuages ont bougé, il y a une trouée de ciel bleu.
Ça fait une minute que les oiseaux sont descendus en piqué. Ils ne sont pas remontés.
15 minutes se sont écoulées, mais ça aurait pu être une éternité.
Il est 17h45. Le spectacle est fini.
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818 mots
Écrit le Mercredi 10 Février 2021
Paru le Dimanche 2 Mai 2021
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Rantbook d'un·e anarchaqueer, fierx et révolutionnaire
RandomHello ! Quelle ironie quand on se dit que je n'entre pas dans les normes de la société mais que je suis à la mode : écrire un Rantbook ! Bref, si vous êtes ici, c'est que vous n'avez vraiment rien à faire sur Watty, mais rassurez-vous, vous n'allez...