Tropisme

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Iel était comme paralysé·e.

Iel était figé·e, immobile, tel·le une statue, et pourtant tremblant·e et vacillant·e sous le choc. C'était un état peu commun, compliqué à cerner, difficile à vivre.

Tantôt iel se figeait dans sa position, terrassé·e par le poids des sentiments qui l'assaillaient, tantôt iel repartait, désireux·se de fuir, de s'éloigner de la source de ses tourments.

Et cette indécision entre immobilité et mouvement l'amenait à une démarche saccadée, zigzagante, hésitant entre se rapprocher et s'éloigner de l'unique source de son état.

Il ne faisait pas chaud et pourtant, iel sentait une chaleur insupportable se répandre en ellui, à la fois exaltante et dévastatrice.

Iel ne savait plus où aller, que choisir, que faire ; son cœur tambourinait si fort dans sa poitrine qu'iel n'entendait plus que ça, comme un tambour inarrêtable et pressé. Iel percevait successivement ce qui l'entourait avec une acuité extrême, zoomant sur les fissures de la façade, les épines de la rose et les motifs du béton, puis tout devenait brumeux, flou, incertain et indéfinissable.

Iel ne savait pas où iel allait, où iel devait aller et où iel voulait aller, tout ce confondait dans son esprit, ses jambe de semblaient plus vouloir lae soutenir, son estomac semblait un instant léger, puis aussi lourd qu'une enclume. Iel sentait son point d'encrage en cette vie se modifier, disparaître et changer, jusqu'à lae laisser là, en équilibre précaire sur la surface du monde, sans attaches ni repères, puisque les premiers qu'il avait eu dans sa vie s'étaient détachés d'ellui pour lae laisser se raccrocher à d'autres dont iel se refusait de dépendre car nouveaux et effrayants.

Il lui semblait qu'iel venait de courir un marathon : ses jambes étaient tremblantes et lourdes, comme si ses muscles avaient disparu instantanément après un violent effort, ses joues étaient trop rouges, iel transpirait trop, son rythme cardiaque était trop élevé et son souffle était court.

C'était un sentiment dévastateur qui lui donnait envie de s'enfuit afin de ne plus avoir à le ressentir et être tranquille, mais qui lui donnait également sa dose d'adrénaline à laquelle iel était devenu·e accro et qui l'attirait inexorablement vers son déclencheur.

Ses chaussures s'abattaient trop fort sur le bitume, envoyant des ondes de choc à travers tout son corps et qui, additionnées aux forts battements de son cœur, lui coupaient le souffle.

Il lui semblait avoir la tête dans du coton, un voile devant les yeux et un bourdonnement perpétuel dans les oreilles qui amplifiait le bruit de son cœur, et malgré cette perte de ses sens, iel le voyait et l'entendait parfaitement, en face d'ellui, éblouissant et cause de son état extrême et misérable, seul objet du paysage qui l'entourait, lui semblait-il, car iel avait exclu de sa vision et de ses pensées tout ce qui n'était pas lui.

Et c'était toujours ainsi que cela se passait, tous les jours, ces derniers lui semblant avoir la lenteur des années et la fois la rapidité des secondes ; à cet endroit précis, qui pour ellui était spécial mais pour autrui était d'une banalité affligeante ; cet endroit qui pour ellui était le centre du monde et de sa vie mais qui pour d'autres n'était qu'un endroit parmi des milliers ; pendant ce même laps de temps, qui s'étiraient de plus en plus à chaque fois, comme dans un ralenti, pour ensuite revenir violemment, tel un élastique, lae ramenant à la réalité et ne faisant de son existence qu'une suite incompréhensible de fébrilité et de bonheur entremêlés pendant quelques secondes seulement.

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576 mots

Écrit le Vendredi 24 Septembre 2021

Rantbook d'un·e anarchaqueer, fierx et révolutionnaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant