Poésie Marchombre - Tome 2

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- Les hommes sont-ils capables de voler ? lui demanda-t-il en revanche, un sourire dans la voix.

Elle lui répondit par une grimace douloureuse qui ne parut pas l'émouvoir.

- Alors ? insista-t-il. Les hommes sont-ils selon toi capables de voler ?

Ellana jeta un coup d'œil vers le sol. Ses muscles criaient grâce, son souffle était court et une chute de cinquante mètres ne pardonnait pas. Jilano était-il aveugle à ce point qu'il ne s'en apercevait pas ?

- Je t'écoute, jeune apprentie.

- Je... je...

Elle saisit une prise infime, hésita, monta un pied à la hauteur de ses hanches, hésita encore, décala ses appuis...

- Je... Il y a... Il y a deux réponses à cette question. Comme... à toutes les questions. Celle... celle du poète et celle... du savant.

Quitte à tomber, ne pouvait-elle pas cesser de haleter de façon aussi lamentable ?

- J'aimerais entendre les deux, jeune apprentie. Les hommes sont-ils capables de voler.

Jilano ne paraissait pas éprouver la moindre inquiétude. Ellana serra les dents. Alors qu'elle pensait en être incapable, elle parvint à se hisser jusqu'à une fissure qui serpentait au-dessus d'elle.

- La réponse du... savant est...non, balbutia-t-elle.

- Et celle du poète ?

- Oui ?

- Comment ça, oui ?

- La réponse est oui. Oui, les hommes sont capables de voler.

Jilano sourit à la lune.

- Concision extrême mais je ne peux t'en tenir rigueur, l'endroit n'est pas idéal pour une conversation sur l'art du vol. Tu as fourni un bel effort et, en échange de tes réponses, je vais te confier un secret.

Il abandonna une seconde au silence avant de poursuivre :

- Tu ne tomberas pas.

Le pied gauche d'Ellana ripa sur le jade.

Elle se rattrapa d'extrême justesse et retrouva son équilibre par miracle.

Jilano n'avait pas bronché, pourtant, du coin de l'oeil, elle avait eu le temps de le voir se ramasser, prêt à bondir.

Prêt à bondir sur une surface plus que verticale aussi lisse que du verre.

Ce n'étaient pas de vains mots, il en était capable.

[...]

- Et comment ferais-je pour ne pas tomber lorsque vous ne serez plus là pour me rassurer ?

Jilano se passa la main dans les cheveux, sans paraître se rendre compte que ce geste, anodin au sol, était parfaitement incongru à cette hauteur et dans ces conditions.

- Pour reprendre l'expression favorite d'une personne qui m'est chère, il y a deux réponses à cette question, jeune apprentie, comme à toutes les questions. La réponse du poète et celle du savant.

- Celle su savant.

- Lorsque je ne serais plus là pour te rassurer, demoiselle, il n'y aura plus personne pour te pousser à des actes aussi stupide que l'ascension de cette tour. Tu n'auras donc aucune raison de tomber. Je tiens toutefois à te signaler que, ta formation se trouvant loin d'être achevée, je prévois d'être présent à tes côtés un bon moment encore.

Rantbook d'un·e anarchaqueer, fierx et révolutionnaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant