Poésie Marchombre - Tome 1

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- Maman, pourquoi les nuages vont dans un sens et nous dans l'autre ?
Isaya sourit, caressa la joue de sa fille du bout des doigts.
- Il y a deux réponses à ta question. Comme à toutes les questions, tu le sais bien. Laquelle veux-tu entendre ?
- Les deux.
-Laquelle en premier alors ?
La fillette plissa le nez.
- Celle du savant.
- Nous allons vers le nord parce que nous cherchons une terre où nous établir. Un endroit où construire une belle maison, élever des coureurs et cultiver des racines de niam. C'est notre rêve depuis des années et nous avons quitté Al-Far pour le vivre.
- Je n'aime pas les galettes de niam...
- Nous planterons aussi des fraises, promis. Les nuages, eux, n'ont pas le choix. Ils vont vers le sud parce que le vent les pousse et, comme ils sont très très légers, il sont incapables de lui résister.
- Et la réponse du poète ?
- Les hommes sont comme les nuages. Ils sont chassés en avant par un vent mystérieux et invisible face auquel ils sont impuissants. Ils croient maîtriser leur route et se moquent de la faiblesse des nuages, mais leur vent à eux est mille fois plus fort que celui qui souffle là-haut.
La fillette croisa les bras et parut se désintéresser de la conversation afin d'observer un vol de canards au plumage chatoyant qui se posaient sur la rivière proche. Indigo, émeraude ou vert pâle, ils se bousculaient dans une cacophonie qui la fit rire aux éclats.
Lorsque les chariots eurent dépassé les volatiles, elle se tourna vers sa mère.
- Cette fois, je préfère la réponse du savant.
- Pourquoi ? demande Isaya qui avait attendu sereinement la fin de ce qu'elle savait être une intense réflexion.
- J'aime pas qu'on me pousse en cachette.

Isaya et Ellana Caldin, discussion entre mère et fille.

- Tu reviendras quand ?
-  Il y a deux réponses à ta question. Comme à toutes les questions, tu le sais bien. Je commence par laquelle ?
À l'extérieur, un bruit terrifiant s'éleva. Le bruit des armes qui s'entrechoquent, fendent la chair, donnent la mort. La fillette tressaillit mais sa mère, en lui caressant la joue, réussit à l'enfermer dans l'univers de son regard.
- Laquelle ?
- Celle du savant.
- Je ne reviendrais peut être jamais, ma princesse.
- Elle est nulle cette réponse. Donne-moi celle du poète.
Isaya se pencha pour lui murmurer à l'oreille.
- Je serai toujours avec toi. Où que tu te trouves, quoi que tu fasses, je serai là. Toujours.
Elle avait placé la main sur sa poitrine. La petite la regarda avec attention.
- Dans mon cœur?
- Oui.
- D'accord.

Isaya et Ellana Caldin, discussion entre mère et fille.

- Que se passe-t-il ?

- Il se passe que depuis que ces fientes de Raïs d'Humains à la noix ont tenté de dérober Ilfasidrel, tu n'es plus la même. Tu passes ton temps à ruminer je ne sais quelles pensées d'automne, aussi triste qu'un framboisier sans framboises. Alors maintenant, ça suffit. Dis-moi ce qui ne va pas !

Ipiu lui renvoya un sourire amusé.

- Tu exagères un peu, non ?

- Non, pas du tout, et je ne bougerais pas d'ici tant que tu ne m'auras pas dit ce qui ne va pas.

Le sourire d'Ipiu s'estompa.

- Il y a deux réponses à ta question, comme à toutes les questions. Laquelle veux-tu en premier ?

Oukilip avait toujours eu du mal à supporter la manie d'Ipiu de couper les réponses en deux. Il comprit cependant qu'abordant un sujet délicat, il devait, pour une fois, faire preuve de diplomatie. Il joua le jeu.

- Celle du savant.

- Je ne la connais pas.

- C'est malin ! Celle du poète alors.

Rantbook d'un·e anarchaqueer, fierx et révolutionnaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant