Noah est un solitaire. Alex est seul.
On pourrait croire que c'est la même chose. Mais non.
Noah n'a qu'un seul ami, c'est Alban. Il n'en a qu'un seul, mais c'est très bien comme ça. C'est beaucoup moins compliqué, beaucoup moins casse-tête pour savoir avec qui il va manger au self, pour savoir qui va l'accompagner voir le match de basket où il a gagné 2 places, pour retenir les dates d'anniversaires, pour les cadeaux... C'est avec et pour Alban, point. La question ne se pose même pas. Et puis, ça fait moins de monde qui connaît ses secrets. C'est plus simple : si jamais on parle de lui (ce qui n'arrivera sans doutes jamais puisque même les profs ne semblent se souvenir de son existence qu'à l'approche des conseils de classe), il saura d'où vient la fuite. Il n'a pas à chercher midi à 14h, à se demander à qui il a dit telle ou telle chose, parce que la réponse est Alban.
Ses parents aimeraient qu'il ait plus d'ami·e·s, mais Noah est très bien avec Alban. Oh, bien sûr, il ne serait pas contre l'entrée du beau Nathan dans sa vie, mais ça serait prendre ses désirs pour des réalités. Bref, Noah a Alban, et c'est très bien comme ça. C'est pas bruyant, c'est pas chiant, c'est posé et calme. Des fois, ils restent juste côte à côte, sans se parler, et c'est très bien aussi. Noah ne veut pas plus d'ami·e·s proches parce que ça commencerait à devenir insupportable. Oh, certes, il parle à d'autres gens qu'à Alban, et il est toujours accompagné d'au moins une personne, mais c'est différent, parce que c'est occasionnel. Quand les 4 potes de son frère viennent à la maison, Noah se demande comment il pourrait supporter tout ces mouvements et ces bruits incessants. Ça l'épuise rien que d'y penser. Il est très bien avec Alban, ils ont leurs secrets, leurs rituels, leur routine, leurs rires et leurs délires, et c'est parfait.
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Alex a des ami·e·s. Iels sont 5, une belle bande de potes : Noélie, Simon, Nathan, Léa et lui. Il connaît d'autres gens, bien sûr, mais il leur parle plus rarement, comme Maxime, Ethan, Sarah, Charlie et Clément. Et puis il y a aussi Lucas, Caro, Cécile, Sam, Esteban, Manon, Ethan, Louis, Bastien, Martin, Léo, Anna, Léna... Bref, beaucoup de gens à qui il dit bonjour, qu'il salue, qu'il check, avec qui il rigole, et qu'il invite aux soirées qu'il organise pendant les vacances. Alex, il connaît plus de monde que tous ces gens-là, parce qu'il n'a pas compté tous ses contacts et ses ami·e·s des réseaux sociaux. Chez lui aussi, il est bien entouré : sa mère est souvent là, étant donné qu'elle travaille dans un collège, et son père travaille à mi-temps. Sans oublier ses deux petits frères, qui ont sûrement développé une passion à l'emmerder. Mais ils sont bien, ensemble, dans leur jolie maison.
Pourtant, quand Alex regarde dehors, le doigt en suspension au-dessus de son téléphone où il a ouvert Snapchat, il ne sait pas à qui parler parmi ses 77 ami·e·s. Le problème, c'est que même si Alex est très bien entouré, il se sent seul. Non, ce n'est pas qu'il se sent seul, c'est qu'il est seul. Alex est seul. Même lorsque ses ami·e·s sont physiquement avec lui. Des fois, les discussions de ses potes se transforment en langage codé qu'il ne comprend plus. Alors que ce n'est pas compliqué de comprendre quand Simon lui demande s'il veut un cookie ! Alex ne comprenait pas, dans ce genre de moments, pourquoi il se plaignait alors que tous·tes envient sa popularité (sauf peut-être Noah, lui, c'est un éternel solitaire). Et puis Alex a compris. Il se sent seul parce que ses ami·e·s ne le connaissent pas vraiment.
Iels ne savent pas qu'il adore lire, parce que ça fait depuis son entrée au lycée qu'Alex ne lit plus dans l'établissement. Iels ne savent pas qu'il adore les fanfics Harry Potter gays. Iels ne savent pas qu'il écrit des histoires. Iels ne se souviennent presque jamais de son anniversaire. Iels ne savent pas qu'il va en manif dès qu'il le peut, pour la planète et son futur. Iels ne savent pas qu'il a peint un drapeau arc-en-ciel derrière sa porte. Iels ne savent pas qu'il ne craque absolument pas pour Emma, mais plutôt pour Fabrice. Iels ne savent pas qu'il déteste profondément Jul et qu'il a juste envie d'éradiquer toutes ses musiques de la surface de l'Univers.
Iels ne savent pas. Iels ne savent pas parce qu'iels s'en fichent et sont aveugles quand Alex essaye de leur montrer tout ça. Et comme iels ne savent pas, Alex ne peut dire à personne combien il a trouvé le dernier livre de Rick Riordan qu'il a lu absolument génial, qu'il a passé la nuit à lire des fanfics Harry Potter où Harry et Drago s'envoient en l'air environ à chaque chapitre, qu'il a eu une nouvelle idée pour un nouvel OS, que ses parents lui ont offert hier un voyage à Paris pour l'anniversaire de ses 16 ans, qu'il a été en tête de manif, qu'il crush sur Fabrice depuis Novembre et qu'il a découvert de nouvelleaux artistes génialaux comme Pomme, Grands Corps Malade, Eddy de Pretto, NF, Noé Preszow et Kalune qui transmettent des messages bien plus intéressants et intelligents que l'autre mec qui fait du bruit juste pour la thune.
Arrive un moment où Alex se demande ce qu'il fait avec elleux. Parce qu'il n'est pas heureux, non, de devoir se taire quand Simon jette la moitié de son assiette au self alors qu'il a demandé au chef de le servir un peu plus, quand Noélie laisse traîner le papier de sa barre de céréales dans la cour, quand Léa le charrie à propos d'Emma ou quand Nathan lui demande son avis sur le nouveau son de Jul.
Maintenant, Alex parle de moins en moins avec les autres, il s'est renfermé sur lui-même, ses ami·e·s l'ont peu à peu quitté. Maintenant, non seulement il est seul mentalement, mais il est aussi seul physiquement. Même s'il essaye de se consoler en se disant qu'il n'a plus à faire semblant de trouver les blague sexistes et homophobes de Nathan ultra marrantes. Et que sa prise de conscience lui a permis de voir que Fabrice est un raciste profond. Maintenant, il est qui il est, mais seul. Pour lui qui avait l'habitude et qui aimait être entouré, ça fait mal. Mais au moins, il peut lire tranquille avec des chansons militantes dans les oreilles.
Mais Alex se sent encore mal, même au bout de 2 mois de solitude intense, alors qu'il pensait s'y faire, voire même retrouver des ami·e·s. Comment les solitaires comme Noah peuvent-iels apprécier ce silence constant, cette indifférence à votre passage, ce sentiment d'être la goutte d'eau qui remonte la vague au lieu de la descendre ?
Au loin, Noah et son ami Alban passent, l'air heureux, même si aucun des deux ne parle. Et lui, Alex, il reste assis, morose.
C'est ça, la différence.
L'un est heureux, l'autre pas.
L'un a choisi, et l'autre pas.
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1180 mots
Et voilà, encore un petit OS adressé à PhoenixInFire787 ! La consigne était d'écrire un OS sur la différence entre le fait d'être solitaire et le fait d'être seul ! J'espère que ça vous a plus et que j'ai pas dit de la merde !
Bisous,
Sacha
P.S. : Je remercie tous·tes celleux, notamment mes ami·e·s, qui m'ont patiemment fait par de leur définition des deux formes par sms, je pense qu'iels ne voudront plus jamais répondre à mes questions parce qu'elles font trop mal à la tête...
P.P.S. : C'est drôle, parce que j'ai lu cet OS à ma sœur et elle m'a dit "Mais en fait, tu parles de toi et moi" ! Ah, euh...bah oui, effectivement, j'avais même pas remarqué (bon, j'avoue que j'ai remarqué que je cite des chanteur·euse·s que moi-même j'écoute, mais ça s'était arrêté là dans mon cerveau).
Écrit le Lundi 21 Juin 2021
Lu et approuvé par ma sœur
Publié le Vendredi 20 Août 2021
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Rantbook d'un·e anarchaqueer, fierx et révolutionnaire
RandomHello ! Quelle ironie quand on se dit que je n'entre pas dans les normes de la société mais que je suis à la mode : écrire un Rantbook ! Bref, si vous êtes ici, c'est que vous n'avez vraiment rien à faire sur Watty, mais rassurez-vous, vous n'allez...