Chapitre 22.2

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Derrière un tas de caisses, je tombais sur la victime, ou tout d'abord, sur un morceau de celle-ci. Des pieds dépassaient. Je stoppais mon avancée, déglutissant avec peine. Cette fois, j'y étais, je ne pouvais plus faire demi-tour. Je devais voir qui se trouvait là et je priais de toutes mes forces pour que cela ne soit pas lui. Un pas, puis un autre. Continuer, ne pas reculer, affronter la réalité. Encore un pas et il serait là devant moi. Je tentais de me préparer du mieux que je pouvais à la vision qui s'offrirait à moi. Au rouge qui ne manquerait pas de colorer la scène. Je me lançais.

Un corps, recroquevillé sur le sol. Un tableau maculé de pourpre, traînée de sang laissée dans son sillage. Ma main tremblante vint couvrir ma bouche. A première vue, impossible de l'identifier, la capuche rabattue sur la tête empêchait toute identification. Je devais m'approcher et vérifier. Respirait-il encore? Difficile de le savoir. Je me glissais jusqu'à sa tête, réprimant les hauts le cœur soulevant mon estomac. L'odeur du sang faillit me faire tourner la tête, envahissant mes narines. J'en percevais la saveur métallique et âcre. Je tendis mon bras par-dessus la masse inerte et entreprit de découvrir son visage. J'avais l'horrible impression de faire du voyeurisme sur un mort. Mes doigts accrochèrent le tissu et remontèrent lentement. Puis se tétanisèrent, inertes. Je voulais effacer l'image qui venait d'apparaître, rembobiner, faire un retour dans le temps, repartir hors de ce lieu sinistre où flottait la mort. Je ne m'en rendis pas compte avant de les voir s'écraser sur le visage que je venais de dévoiler. Les larmes avaient jailli comme si mon corps avait réalisé avant mon esprit, qui lui s'obstinait à réfuter la réalité. Ma main se posa sur sa joue lisse, glissant vers ses cheveux auburn emmêlés.

— Ethan, murmurais-je d'une voix brisée.

Je lui tapotais la joue, espérant qu'il ne soit pas mort. Doucement, puis un peu plus vivement. Je finis par m'agripper à lui, répétant son nom en sanglotant. J'avais du mal à respirer.

— Eh! Ayl. Vas-y mollo, grogna faiblement le corps que je malmenais.

Je m'arrêtais brusquement, n'en croyant pas mes oreilles. M'essuyant vigoureusement les yeux, je les fixais sur lui.

— Je ne suis pas encore mort, même si je n'en suis pas loin.

— Qu'est-ce qui t'est arrivé? Tu es blessé. C'est grave?

— Oh là. Respires Mi-louve.

Lui en tout cas semblait avoir du mal à respirer. Un mauvais sifflement sortait de sa poitrine et à voir son teint blafard, la douleur devait être terrible. Pourtant, il faisait tout pour que je ne panique pas.
— Laisse-moi voir ta blessure. Il faut arrêter l'hémorragie.

Il secoua la tête avec fatalité, un sourire désabusé aux lèvres.

— J'ai déjà perdu trop de sang. Je le sais. J'en ai plus pour longtemps. Eh! Ne pleure pas, tu sais que j'ai horreur des filles qui pleurent.

— Tais-toi imbécile. Tu crois que je vais te laisser partir comme ça?

Je m'activais sur lui, remontant son tee-shirt pour trouver le point d'impact, prête à tout pour lui faire gagner du temps avant l'arrivée de Doc. Je me figeais en découvrant l'état de son flanc.
— Pas beau à voir, hein? Je t'avais prévenu. J'aurais préféré que tu gardes une meilleure image de moi.
J'étais incapable de lui répondre, incapable de détacher mes yeux du spectacle de sa chair arrachée, de la plaie béante qui nécessitait bien plus qu'un simple point de pression.

— Pourquoi n'es-tu pas resté au complexe? On aurait pu trouver un moyen de te soigner et... et tout serait redevenu comme avant...

Je débitais ces paroles avec précipitation, détournant ma colère contre lui. Il glissa sa main sur mon bras, geste qui lui coûta à en juger par la grimace de douleur qu'il ne put retenir.

— Arrêtes. Je n'étais plus moi-même. Je n'avais qu'une idée, c'était fuir, être libre...

Il se tut quelques instants pour reprendre souffle. Parler lui était désormais difficile. Il eut un pauvre sourire.
— J'ai laissé un ordi planqué à mon ancien repère...Tu te souviens ?... C'est pour Yorsha...

Ses yeux se fermèrent alors que sa respiration devenait quasi erratique. Mes doigts tremblants vinrent se poser sur son front, l'effleurant doucement.

— Ethan ? Ethan...Je suis là... Je... Suis désolée pour tout.

Mes larmes affluèrent, inondant mon visage alors que je le sentais partir.

Protège-moi  - T.2: L'Alpha [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant