Chapitre 6.1

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Il se leva lentement pour venir à ma rencontre. Faisant attention de ne pas lui faire mal, je l'enlaçais, indifférente à l'état de ses habits. Il referma son étreinte sur moi. Je pus enfin respirer normalement. Il était de nouveau lui-même et il allait bien. En tout cas, il était revenu entier. Un coup d'œil à son frère m'apprit à quel point le ramener lui en avait coûté. Le cou d'Antonh portait des traces de morsures et de profondes entailles à son avant-bras. Suivant mon regard, Arenht se crispa. Je resserrais mon étreinte.

— Je suis désolé, murmura-t-il douloureusement. Je n'aurais pas dû perdre ainsi le contrôle.

— Il t'a provoqué, tu n'es pas le seul fautif. Le principal c'est que tout le monde aille bien, tentais-je de le rassurer.

Le connaissant, je savais que sa culpabilité ne partirait pas aussi facilement. Il avait mis en danger les deux personnes auxquelles il tenait le plus. Ses yeux trahissaient le tourment dans lequel il se trouvait. Je caressais doucement sa joue. J'aurais tant voulu effacer sa peine. Il me sourit faiblement avant de remarquer le pull que je portais. Son nez se fronça imperceptiblement.

— Arenht, ça va ? m'inquiétais-je en l'observant.

Un léger grondement roula dans sa gorge alors qu'il s'écartait de moi avec réticence. Son frère apparut à nos côtés dès qu'il l'entendit.

— Que se passe-t-il, Antonh ?

— Il est encore faible, la bête peut reprendre le dessus à tout moment. Je pense qu'il a senti l'odeur de Sohren sur toi.

— Mais comment... ?

Le pull. C'était sûrement un des siens qu'il m'avait donné. Le loup avait flairé le parfum d'un autre mâle sur moi. Quelle idiote j'étais ! Réagissant plus vite que moi, Antonh me tendit sa veste.

— Dépêche-toi d'enfiler ça avant qu'il ne soit trop tard. 

M'emparant de celle-ci, je filais en direction de la salle de bain. J'enlevais mon haut avec rage, avant de la revêtir. Je retroussais les manches et redescendis, anxieuse de l'état d'Arenht. Une fois en bas, les deux frères s'étaient volatilisés. Seul Sohren était resté, m'attendant visiblement. Il laissa son regard dérivé sur la veste que je portais. Je me demandais confusément s'il avait prévu ce qui se passerait avec son sweat. J'espérais qu'il n'était pas aussi mesquin.

— Où sont-ils partis ?

— Ils sont retournés au Complexe.

— Sans moi ?

— Ton copain ne pouvait pas rester plus longtemps ici sans rechuter. En fait, tu aurais pu garder mon pull.

— J'aurais dû surtout penser à ne pas le mettre, rétorquais-je vivement.

Je m'en voulus aussitôt de la dureté de mes paroles. Il n'avait fait que me rendre service.

— Désolée, m'empressais-je d'ajouter. C'est juste que je déteste le voir aussi mal.

Les yeux baissés, il hocha lentement la tête. Lui souffrait également. Me mordillant nerveusement les lèvres, je restais debout, indécise.

— Je vais y aller. Je t'ai apporté assez d'ennuis aujourd'hui.

— Non, attends.

Il se releva prestement pour me retenir.

— Tu me blesserais si tu t'enfuyais maintenant. Mon intention n'était pas te mettre mal à l'aise. Antonh va envoyer une voiture te chercher, précisa-t-il pour me convaincre. J'ai bien proposé de te ramener moi-même, mais il m'a fait comprendre de ne pas pousser trop loin.

— Tu veux boire quelque chose en attendant ton carrosse ?

— Du thé si tu as.

Il partit en direction d'une autre pièce.

Quand il revint, ses bras tenaient un plateau lourdement chargé. Il installa le tout sur la table basse qu'entouraient les fauteuils. Je saisis la tasse qu'il me tendait et en savourais une gorgée brûlante.

— J'avoue que tu m'étonnes.

Il arqua un sourcil, surpris.

— Dans quel sens ?

— Je m'attendais à ce que tu sonnes quelqu'un pour qu'on apporte ta commande.

— Tu me prends pour un gars plein aux as qui ne s'abaisserait pas à préparer un simple thé ?

Sa stupéfaction me fit regretter d'avoir dit ça tout haut.

— Je pensais juste que... oh et puis zut ! Tu ne peux pas me le reprocher vu le manoir dans lequel tu habites et le repas auquel on a eu droit tout à l'heure.

— Je t'accorde que mon paternel aime profiter des avantages de son rang, mais je ne suis pas lui.

Une fois la tasse bue, un majordome nous apprit que j'étais attendue. Sohren me raccompagna jusqu'à la voiture.

— Je n'en parlerai pas à mon père, déclara-t-il tout en ouvrant la portière. J'en ai averti tes deux amis déjà.

Ses yeux bleus acier me transpercèrent alors que je le dévisageais. Sur le coup, je n'avais pas pensé aux conséquences du geste d'Arenht. Se battre contre le fils du chef de meute sur son propre territoire aurait pu conduire à la fin des bonnes relations entre Declan et Lucius. Je me rendais compte du désastre qui nous avait effleurés et me félicitais d'avoir appelé Antonh à la rescousse.

Je m'engouffrais à l'intérieur du véhicule après lui avoir déposé un rapide baiser sur la joue. Il demeura un moment saisi par mon geste.

— Merci, lui lançais-je avant qu'il ne referme la portière.

Il inclina la tête, les yeux brillants de cette lueur indéfinissable. Oserais-je un jour lui demander ce qu'elle signifiait ? La voiture démarra, me ramenant au Complexe. Le jeune homme ne me quitta pas du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse de ma vue. Je demeurais troublée par l'expression de son visage. Il semblait en lutte contre lui-même.

Protège-moi  - T.2: L'Alpha [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant