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Le trajet jusqu'à Callander raviva le souvenir de leur absence, comme si je grattais une cicatrice à peine fermée. La main d'Arenht ne quitta pas ma cuisse, m'offrant un point d'ancrage. Il respecta mon silence durant toute la route. Une fois sur place, je m'immobilisais devant la maison. Les sentiments que j'avais difficilement refoulés au plus profond de moi refaisaient surface, aussi douloureux qu'au premier jour. Des larmes roulèrent le long de mes joues. Telle que dans mon souvenir, ses volets colorés en bleu myosotis attirèrent mon regard, même si la peinture s'écaillait par endroit. Je n'avais pas remis les pieds ici depuis une éternité. Je desserrais les doigts, ouvrant ma paume dans laquelle reposait la clef. Le temps du deuil était venu, celui de laisser partir cet endroit. J'étais reconnaissante à Declan d'avoir pris les dispositions pour le garder. Arenht m'embrassa doucement avant de s'éloigner vers le centre-ville, me rappelant de ne pas hésiter à le faire revenir en cas de problème. Ce pèlerinage, je devais le réaliser seule et il le comprenait.

Je me décidais à avancer et à y entrer. À l'intérieur, une atmosphère de renfermé m'accueillit. L'odeur familière de mon ancien foyer avait cédé la place à l'âcre présence de la poussière. Allumant la fonction lampe de poche de mon portable, je me dirigeais vers l'étage. Dans ma chambre, je sortis la valise de l'armoire et entrepris d'y enfourner les derniers vestiges de mon passé. Avec hésitation, je franchis le seuil de leur espace, mal à l'aise de m'immiscer dans leur intimité. Pourtant, bientôt, des étrangers fouleraient ce lieu. À moi d'emmener ce que je ne voulais pas voir disparaître. Dans un coin de ma tête, j'espérais dénicher quelque chose les rattachant à ma famille biologique, n'importe quoi reliant ces deux pans de mon histoire. Avec méthode, j'entrepris d'examiner la pièce. Lorsque mes doigts rencontrèrent une pochette sous la pile de pulls de ma mère, tout en bas de l'armoire, je sus que je l'avais trouvé. Le cœur battant, je la scrutais un instant avant de l'enfouir dans ma valise, gardant ces révélations pour plus tard. Je terminais d'emporter les choses les plus précieuses, puis sortis.

Une silhouette se découpa à l'angle de la rue. Elle me semblait vaguement familière, mais ce n'était pas Arenht. Plissant les yeux pour distinguer ses traits malgré les rayons du soleil en contre-jour, mon cœur rata un battement. S'il y avait bien quelqu'un que j'espérais ne jamais recroiser dans ce quartier, c'était bien lui. Je faillis rentrer m'engouffrer à l'intérieur en laissant ma valise sur place, prendre la fuite pour ne pas avoir à l'affronter. Mais il venait déjà dans ma direction. Mes mains devinrent moites alors que j'appréhendais la rencontre.

Julian, un voisin que je côtoyais à la fac. Il n'avait pas réellement changé depuis l'époque du lycée : les mêmes yeux bleu intense, les cheveux châtains clairs très courts, la même assurance. Je cessais de le détailler pour baisser la tête, m'abîmant dans la contemplation des feuilles sur le sol. Je n'avais eu qu'une seule interaction avec ce garçon, et pas la meilleure. Comme un flash, la scène me percuta de plein fouet, se rejouant avec exactitude dans mon esprit. J'en étais à sentir le parfum douceâtre et javellisé des toilettes comme si je m'y trouvais. Je refoulais un haut-le-cœur, essayant de faire barrage à ce souvenir. Sa silhouette que je surprenais par miroir interposé, ma frayeur quand je découvrais ses mains qui malmenaient une fille de ma classe. Mon cri à moitié étranglé quand je comprenais la scène dans son ensemble. Ses yeux qui me fusillaient, la rage tordant ses traits, sa poigne qui me maintenait contre le mur carrelé, les menaces résonnant encore à mes oreilles. Cette peur tapie dans mon ventre chaque jour après cet instant, ces fragments de panique chaque fois que je le croisais ensuite. 

Protège-moi  - T.2: L'Alpha [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant