Chapitre 24.3

61 5 0
                                    


Les deux hommes se battaient violemment. Les coups de poings fusaient, le sang giclait sur le sol de béton, y laissant des traînées pourpres artistiquement étalées telles de l'art abstrait. Montant les derniers barreaux de l'échelle, mes mains se dirigèrent d'elles-mêmes vers mes lames, en caressant distraitement l'acier familier. De là où je me trouvais et vu leurs mouvements rapides, les conditions n'étaient pas idéales pour abattre la cible. Le risque de blesser Argaëhl était trop grand. Je devais trouver un meilleur angle de tir ou attendre une ouverture durant leur combat au corps à corps. Son adversaire semblait du même niveau que lui à en juger par leur état respectif. Chaque fois que mon semblable encaissait les coups violents de son vis à vis, je tressaillais comme si je les recevais moi-même. Il avait beau avoir une force supérieure à un humain, Argaëhl n'était pas imbattable surtout contre un homme super entraîné. Essuyant la transpiration qui me dégoulinait sur le front, j'affermis la prise sur mes armes, sortant de l'accès au toit. Ils se battaient de plus en plus près du bord, faisant battre rapidement mon cœur de peur. Il veut le faire basculer songeais-je en voyant rouge.

« Attention Argaëhl! ».

Mon message télépathique fut bien reçu. Il inversa sa position avec celle de l'ennemi, l'acculant à son tour vers le vide. Les traits de celui-ci se tordirent de colère en voyant ses intentions percées à jour. Il commençait à s'essouffler. Ma louve bondit à l'intérieur quand elle vit un éclair argenté apparaître dans la main de l'opposant. Pas le temps de le prévenir, mon bras fut le plus rapide. En un geste réflexe, il avait donnait l'impulsion à la lame d'acier que mes doigt enserraient. L'instant d'après, elle se fichait dans la poitrine de l'ennemi. Il lâcha le couteau qu'il allait planter dans Argaëhl. Je relâchais l'air que je retenais dans mes poumons, mais mon soulagement fut trop rapide. Le regard mauvais, l'homme de main venait brusquement de pousser mon ami dans le vide, profitant qu'il s'était tourné vers moi pour me sourire. Le grand corps du loup garou, déséquilibré, bascula par-dessus le bord, s'accrochant au rebord in extremis. De rage, j'expédiais mon autre lame dans la tête du coupable, sans remord. Il s'affala telle une poupée de chiffons. J'entendais les grognements d'Argaëhl alors qu'il luttait pour ne pas lâcher prise. Pourquoi étais-je si loin de lui? Alors que j'accourrais vers lui, prête à le rattraper, je sus instinctivement que j'arriverais trop tard. L'impression écœurante d'avancer au ralenti, comme dans un mauvais rêve.

— Tiens bon, j'arrive!

Horrifiée je vis sa main se détacher du rebord, l'attraction du vide étant la plus forte. Les yeux exorbités, j'étais statufiée sur place. Je ne pouvais pas regarder en contrebas, c'était au-dessus de mes forces. Tombant à genoux, un gémissement sortit de mes lèvres, ma poitrine se comprimant jusqu'à ce que j'aie l'impression d'étouffer. Trenan arriva juste à ce moment-là. M'apercevant, il se figea à son tour, conscient du drame qui venait de se dérouler. Me dépassant, il alla jusqu'au rebord du toit, enjambant sans y prêter plus d'attention l'homme étendu non loin de là. Après une brusque inspiration, il baissa résolument les yeux, cherchant le corps.

— Je ne le vois pas.

Sa voix mit un certain temps avant de traverser le brouillard engourdissant mes sens.

— Aucune trace de corps, insista-t-il.

— Aucune...Quoi? m'exclamais-je en sortant de ma torpeur. Qu'est-ce que tu racontes? Il a basculé et... Ce n'est pas possible.

J'étais perdue.
— Viens voir de tes propres yeux.

Je me relevais et approchais d'un pas mal assuré jusqu'au rebord, redoutant de regarder le trottoir plusieurs mètres plus bas. Malgré la nausée qui me soulevait les entrailles, je fouillais les trottoirs en bas. Rien. Pas de corps désarticulé. Aucune trace de sang. Le contrecoup du choc étant passé, je me rendis compte qu'il n'y avait eu aucun bruit d'impact, aucun cri de passants affolés ou épouvantés. C'était à n'y rien comprendre. En tout le cadavre de son adversaire était tout ce qu'il y avait de plus réel, mes lames encore profondément ancrées dans son torse et sa tête. Beurk. Le spectacle n'était pas vraiment joli à voir. Je détournais vivement mon attention du visage défiguré après avoir récupéré mes lames. J'en essuyais la surface sur ma manche tout en me repassant la scène où Argaëhl basculait. La question était de savoir où il était passé.

— Les étages inférieurs, m'exclamais-je soudain. Ils ont des balcons.

Je venais de percuter. La seule explication logique était qu'il ait réussi à agripper une de ses avancées en pierre pour ne pas finir écrasé plus bas. Je m'engouffrais dans l'escalier de service, Trenan sur mes talons.

Protège-moi  - T.2: L'Alpha [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant