Chapitre 22.3

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C'était la seconde fois que quelqu'un mourrait juste devant moi et cette fois-ci la douleur était d'autant plus cruelle qu'il s'agissait de mon ami. Mon cœur se brisa en milliers de morceaux qui s'éparpillèrent à l'intérieur de moi, ricochant pour mieux me transpercer la poitrine. Sa tête posée sur mes genoux, je le berçai doucement, au rythme de mon chagrin.

Des heures passèrent, combien je n'aurais pu le dire. Un silence lugubre s'étirait autour de moi, s'accordant avec l'atmosphère funèbre de ce que je vivais. Ils me découvrirent ainsi, les mains maculées de son sang, prostrée dans ma peine. Ils me parlèrent mais leurs voix ne m'atteignaient pas. J'étais comme enfermée dans une bulle de douleur. Ils s'employèrent à détacher lentement mes doigts crispés à lui. La tache leur fut d'autant plus difficile que j'y avais mis toute ma force, me raccrochant à lui, sauf qu'il ne restait que son corps froid, sans vie, exsangue. Quand ils voulurent me soulever, je me débattis. Je ne voulais pas le laisser seul dans ce lieu sombre et désert. Mais ils étaient plus forts que moi. Ils me transportèrent jusqu'à la voiture dans un état second.

— Aylyn. Eh! Ayl !

Le timbre m'était confusément familier. L'appel reprit, insistant, dérangeant. Qu'on me laisse au fond de mon désespoir, pensais-je. Pourtant, la personne en avait décidé autrement, se mettant à me secouer à présent.

— Reprends-toi Ayl, ne te laisse pas aller, m'intima la voix.

Une main se glissa dans mes cheveux en une caresse elle aussi familière, m'envoyant une petite bouffée de chaleur. Mon cœur vibra délicatement, comme si on l'avait effleuré. Un gémissement sortit de mes lèvres sèches. Des bras m'entourèrent avec force, me tirant de ma torpeur. Mes paupières s'ouvrirent. Un visage penché au-dessus du mien emplit mon champ de vision.

— Arenht...

— Oui je suis là. Je suis désolé ma belle.

Alors c'était vrai. Tout cela n'était pas qu'un horrible cauchemar.

— Il ... Où l'a-t-on...

— Nous l'avons ramené avec nous. Doc s'occupe personnellement de lui.

Je fermais les yeux pour encaisser la douleur qui me traversait par vagues. Accepter sa mort allait être une épreuve que je n'étais pas certaine de pouvoir endurer.

La procession se dirigea à pas lent vers la clairière, l'atmosphère silencieuse emplie d'un douloureux recueillement. Mes doigts serraient la tige de la rose blanche, regrettant presque l'absence d'épine. Une douleur pour remplacer celle-ci. Ne pas flancher. Les larmes s'étaient de toute façon taries. J'avançais comme dans un brouillard, tel un mauvais rêve où j'évoluais sans y croire vraiment. Ils l'avaient enveloppé dans un linceul d'une blancheur éclatante, bordé d'un liseré d'or, frappé d'une pleine lune traversée de trois vagues bleues, l'insigne du clan. Pour nous il faisait partie de la meute.

Je me penchais au-dessus de lui, Mes yeux fixèrent son visage, si lisse, si calme. Endormi il le paraissait. Au moins il ne souffrait plus. Mes doigts se portèrent vers son front, dégageant tendrement ses mèches auburn. Je me mordis la lèvre pour ne pas craquer en songeant que jamais plus je ne verrais ses doux yeux d'un vert tendre. Je n'arrivais pas à détacher mon regard de sa figure. Je sentis que l'on me tirait doucement en arrière. J'allais devoir le quitter une fois de plus.

— Il faut maintenant le laisser partir, murmura Arenht à mon oreille.

Je hochais la tête, détachais mes doigts de mon ami et refermais le drap sur sa tête.

Alors qu'on le descendait en terre, je ravalais mes larmes, puis laisser tomber la rose vers lui. Une fois la stèle posée au-dessus du caveau, tous les membres de la meute se transformèrent, moi y compris. Dans le crépuscule naissant, nos hurlements s'unirent, s'élevant pour un dernier hommage à Ethan.

Les nuits qui suivirent, les cauchemars vinrent quotidiennement écourter mes nuits et celles de mon partenaire qui ne voulait en aucun cas me laisser seule après cet épisode traumatisant. Je ne cessais de revivre la découverte du corps ensanglanté d'Ethan, et parfois même celui-ci prenait les traits d'Arenht me laissant encore plus affolée à mon réveil. Malgré la présence rassurante de mon homme dès que je sortais de mes cauchemars, je ne pouvais faire disparaître les images sanglantes imprimées dans mon esprit. J'en arrivais à un point où je redoutais de fermer les yeux et repousser avec force le sommeil. Fatalement, la journée je subissais le contre coup de la fatigue s'accumulant. Les entraînements laissaient à désirer, mes muscles perdant de leur efficacité. Les gars ne me firent aucune remarque dans les premiers temps. Ils avaient été eux aussi secoués par la perte de celui qu'ils considéraient comme un membre de notre meute. Pourtant, une semaine plus tard, ils commencèrent à essayer de me faire sortir de ma léthargie, me secouant. Et leurs efforts finirent par porter leurs fruits.

Protège-moi  - T.2: L'Alpha [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant