Chapitre cinquante huit : Astrid
Passant à toute allure à travers les nuages, je profitais de ma solitude pour m'amuser à faire des loopings.
Alors que je sortais tout juste d'un amas de gaz, la scène se déroulant sous mes yeux fit redescendre mon niveau de joie à son seuil minimum.
Sous moi, et à côté de moi aussi, la bataille continuait de faire rage. Combats. Giclées de sang. Morts. Sur terre. Dans le ciel. On se serait cru à une apocalypse.
Cherchant parmi les combattants à apercevoir mon mentor, c'était tellement le chaos que je ne pouvais identifier personne. Admettant en mon fort intérieur qu'il était peu probable qu'il arrive malheur à une dragonne centenaire telle que Sacha, qui en plus était protégée par Orion, je me re concentrais sur mes missions principales. Tuer Magnus et sauver Aeden.
Me remettant en route, je continuais mon vol pour me diriger vers la vitre de la tour par laquelle Magnus m'avait expédié.
Arrivé devant la fenêtre explosé, je rabattis mes ailes dans mon dos pour atterrir sur le sol de la pièce en douceur. Les yeux rivés au sol pour éviter le verre, ce ne fut qu'après que la scène m'apparut.
Elle me figea nette.
Allongés sur le parquet, inconscients, les sous fifres de Magnus n'étaient pas près de se relever. Dans la salle, des traces d'impacts, des marques de brûlures, des trous et des débris décorés les murs et le sol, ravageant la salle du trône qui, à notre arrivée, était somptueuse.
Pourtant, ce ne fut pas toute cette destruction qui attira mon attention.
Toujours ligoté à sa chaise par des menottes qu'il ne paraissait pas pouvoir briser, Aeden venait de tourner de l'œil à la suite d'une gifle magistrale infligée par l'autre sorcier.
Devant ce spectacle, un froid glaciale m'envahît.
Plus tôt, j'avais pensé que rien comme sentiment n'était plus dévastateur et passionnel que l'amour. J'avais tord. La rage était une émotion bien plus puissante. La rage froide et meurtrière. Celle qui annihilait tous les autres sentiments pour ne laisser qu'une colère et une froideur aveugles.
Quand je m'avançais vers mon ennemi, mon visage ne devait refléter aucune émotion, pour la simple et bonne raison que je n'en ressentais plus. La rage, ce n'était plus quelque chose en moi, mais juste moi. Je n'étais que vengeance. Une vengeance glaciale, presque calme, mais qui ne laissait plus rien sur son passage.
Cet état d'esprit, je l'avais déjà atteint auparavant. Une seule fois. Quand j'avais vu le meurtrier de ma mère. Ça avait mal fini pour lui comme pour moi.
Ne réfléchissant même plus à mes gestes, je m'emparais de mon épée tout en me dirigeant d'un pas calme vers le dos de Magnus. Silencieusement, j'arrivais à sa hauteur et levais ma lame, l'abattant sur ses cervicales.
Comme je m'y attendais, il para mon coup avec sa propre arme, cette épée qui me fascinait tant.
Quand ses yeux rencontrèrent les miens, la folie qui l'habitait m'apparut clairement.
Il avait beau ressemblait à un enfant, Magnus était vieux. Trop vieux peut être même. L'éternité était longue. L'invincibilité était un fardeau.
Soudain, comme une révélation, je sus.
Venant des tréfonds de mon âme, il s'imposa à moi comme une évidence. Mon pouvoir. Le Souffle du Dragon.
C'était comme ci il avait toujours était là. Comme une partie de moi.
Je n'avais aucune idée de ce qui avait pu déclencher cette prise de conscience. La pitié ? La rage ? La compréhension ? Mais au fond, est ce que ça avait vraiment de l'importance ?
Devant moi, mon adversaire baissa sa lame tandis que je gardais la mienne levée. Ses yeux étaient embués de larmes, ses joues recouvertes d'eau salée. Il tremblait de tous ses membres, comme pris de convulsions. Ses cheveux étaient emmêlés, ses habits chiffonnés. Il perdait le contrôle de ses pouvoirs, provoquant éclairs et pluie.
La vérité s'imposa à moi. Magnus était une personne brisée. Profondément. Irrémédiablement.
Quand ses iris harponnèrent les miennes, sa voix chevrotante et brisée parvint à mes oreilles, malgré le bruit qu'il provoquait.
- Donnes le moi s'il te plaît.
Voyant que je n'avais aucune réaction, il continua.
- Le Trésor des Dragons.
Je secouais doucement la tête de gauche à droite.
- Je ne sais pas ce que c'est.
Ma voix était calme, douce, posée. J'avais sincèrement pitié pour cette pauvre âme qui errait sans jamais trouver le repos.
- Le Trésor aux pouvoirs immenses. Celui qui est capable de ramener les morts à la vie.
Relevant ma tête vers mon interlocuteur, je me mis à le regarder avec tristesse, avec pitié. Pourtant, quand je lui répondis, ma voix ne flancha pas, elle resta monotone.
- Un tel trésor n'existe pas, même dans ces mondes de magie et de surnaturel.
Si un tel trésor existait, Sacha l'aurait utilisé pour faire revenir mon père biologique. Si un tel trésor existait, les mondes se déchireraient pour l'obtenir. Si un tel trésor existait, les contreparties pour l'utiliser devaient être irréalisables ou immorales. Ramener les morts à la vie. J'avais vu assez de films et lu assez de livres sur le sujet pour savoir que ce n'était pas une bonne idée. Les âmes des défunts devaient restées où elles étaient, qu'importe ce qu'était cet endroit. Jouer les nécromanciers n'étaient jamais une chose à faire. Si une seule loi dans ces mondes étaient encore applicable, c'était assurément celle ci.
Devant moi, je pouvais voir le visage du sorcier se décomposer. Je pouvais presque apercevoir ses rêves et ses illusions se briser sous mes yeux. Ce n'était pas par plaisir que je lui disais ça, mais il méritait de connaître la vérité. En plus, sa folie à la recherche d'une chimère devait cesser. Je devais y mettre un terme.
Sa réaction, je m'y attendais. La rage apparut sur ses traits et dans tout son corps. À présent, il n'avait plus aucun but, plus rien à perdre. Il était passé de fou furieux à désespéré. Il était devenu bien plus dangereux.
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Les Ombres des Mondes : la reine dragonne et le mercenaire noir
Paranormal« Mais dans quelle merde je m'étais encore fourrée ? ». Lorsque Astrid Vasilikos voit débarquer dans le cabinet vétérinaire glauque dans lequel elle travaille de nuit Auxanne Archigos, couvert de sang et de blessures, elle pense que son heure de mou...