Chapitre quarante

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Chapitre quarante : Aeden




Sa lame entailla légèrement ma joue, passant à quelques centimètres à peine de mon œil gauche. En moi, la rage que j'essayais tant bien de contenir depuis près de sept jours refit surface, dévastatrice.

- Sérieusement, une arme en argent! Je crois que ce ne sont pas les sbires de Magnus qui vont te tuer mais moi.

Cette folle! J'essayais de l'aider et elle me balançait un couteau en pleine gueule sans même un mouvement révélateur. J'en avais eu des copines complètement tarées mais alors elle, elle battait des records avec sa bipolarité. Une fois elle tentait de m'embrasser, l'autre coup de me tuer. Devant moi, Astrid afficha un sourire cruel à la limite du sadisme tandis que ses yeux me balançaient des éclairs.

- Tu es tarée! Complètement et irrémédiablement folle! Tu crois que je te suis comme un petit chien et que je t'offre gratuitement mes précieux conseils par plaisir ? Eh bah figures toi que non sale gamine mal élevée! J'essaye juste de t'éviter de mourir bêtement car si tu clames, non seulement ton aliénée de mentor dragonne centenaire va vouloir m'écharper, mais aussi toute une partie du peuple d'Ouranos qui te considèrent comme leur souveraine légitime. Alors même si tu me supportes pas, tu vas écouter et appliquer mes instructions car durant la bataille, elles te sauveront probablement la vie!

Malgré la tirade que je venais de hurler, mon niveau de colère ne redescendait pas. J'étais à bout de souffle lorsque je vis le visage d'Astrid virer au rouge pivoine, signe qu'elle encaissait une émotion forte.

- Ce ne sont pas tes « fabuleuses » recommandations que je refuse d'entendre et qui me déplaisent, mais plutôt le ton sarcastique et condescendant avec lequel tu me les donnes! Tu es quelqu'un de lunatique et je commence à en avoir marre de ne jamais savoir sur quel pied danser avec toi!

Mais elle se foutait de ma gueule cette cinglée.

- Moi je suis lunatique! Et en quoi ma chère ? Non mais vas y éclaire ma lanterne!

Devant moi, elle commençait à taper du pied et à faire de grands gestes avec ses bras tout en continuant de hurler.

- D'abord tu m'aides à m'échapper du manoir et tu me sauves plusieurs fois la vie, tu me réconfortes mais ensuite, tu tentes de tuer des enfants et tu te montres cruel et fermé d'esprit! Je sais pas si concrètement, tu es un type bien ou un gros déséquilibré et enfaite, je crois que j'ai pas envie de le savoir! La seule chose que je souhaite maintenant, c'est en finir avec cette histoire de prime sur ma tête pour éviter que d'autres chasseurs de primes surnaturels essayent de me buter pour ensuite repartir sur Terre et reprendre ma vie en main!

Après nos gueulantes respectives, un silence de quelques minutes plana entre nous, seulement rompu par nos respirations saccadées. Étrangement, contre toute vraisemblance, je me sentais plutôt ... bien. Apaisé même. Levant mes yeux vers la dragonne, je remarquais la même satisfaction sur son visage.

- Ça va mieux ?

Enfin, elle leva ses yeux bleus ciel vers moi tandis qu'un sourire resplendissant orna ses lèvres.

- Carrément!

Comme quoi, hurler à plein poumon était la meilleure thérapie des mondes.

- Tu voulais me dire quoi au faite sur mes lancées de couteaux ?

Je secouais légèrement la tête pour reprendre mes esprits. La sensation de bien être que je ressentais était réellement grisante. Mieux que la drogue encore.

- Tu devrais rester en mouvement, apprends à tirer en te déplaçant. Les ennemis ne vont pas attendre que tu les dégommes pour essayer de te tuer. Apprends aussi à tirer depuis des points situés en hauteur. Des arbres, des toits de maisons ... utilises aussi tes ailes si tu arrives à les maîtriser.

La petite dragonne hocha la tête et parut réellement prendre en compte mes conseils cette fois ci. Elle commença d'abord par marcher doucement tout en lançant son couteau sur une cible immobile et proche. Malheureusement pour elle, la lame atterrit à seulement quelques mètres d'elle, plantée dans le sol et très loin de sa cible.

Prenant un autre de ses couteaux, elle recommença son exercice. Encore, et encore. La nuit était déjà bien entamée lorsque, à bout de souffle, elle laissa enfin tomber ses lames. Grâce à sa persévérance, et à quelques unes de mes indications, Astrid réussissait à présent une fois sur dix ses tirs en mouvements lents sur cibles immobiles et proches.

En nage et en sueur, elle avait posé ses mains sur ses genoux et était pliée en deux. Elle avait tellement de mal à respirer que je la pris en pitié.

- Vas te coucher Princesse, sinon tu risques de faire un malaise.

Je ne sais pas vraiment à quelle réaction je m'attendais vu l'imprévisibilité de cette fille mais sûrement pas à celle ci. Elle fronça légèrement ses sourcils tout en relevant son menton dans une sorte de défi implicite. Ses yeux étaient remplies d'une lueur volontaire et rebelle et sa bouche se plissa en une moue sarcastique et pendant quelques instants, j'envisageais d'embrasser ses lèvres tentatrices pour les mordre de façon à laisser mon empreinte sur son corps.

- J'ai encore mon entraînement aux pouvoirs draconiens Aeden. Si je veux pouvoir battre Magnus et m'en tirer sans une égratignure, il faut que je mette toutes les chances de mon côté.

Cette fille était vraiment une personne à part. Pratiquement dépourvue de pouvoirs magiques et de talents au combat, elle défiait tout de même l'une des plus puissante Ombre de tous les temps tout en envisageant de sortir de son combat indemne. J'ignorais si c'était de la folie ou juste de l'ambition démesurée, quoi qui en soit, sa détermination et son courage m'éblouirent pendant quelques secondes et me t'échauffèrent bizarrement mon cœur pourtant froid et dur. Alors, quand elle se dirigea vers une partie de la forêt aménagée exprès pour ses entraînements draconiens, je la suivis sans réfléchir.

Après plusieurs heures et de nombreuses tentatives qui s'étaient presque tous conclu par des échecs, Astrid alla enfin se coucher. On aurait pu penser que ses nombreux ratés l'auraient découragé mais c'était tout l'inverse qui s'était produit. Elle était encore plus déterminée qu'avant. Alors, quand le lendemain, elle entama sa routine de style militaire, je la talonnais, l'observais et la conseillais. Les jours suivant aussi d'ailleurs. Et ainsi, sans que je ne m'en rende compte, ce petit bout de femme bipolaire, sarcastique et accro au chocolat commença à se frayer un passage dans mon cœur pour siéger là où résidait toutes les personnes pour qui j'avais une réelle admiration.

Les Ombres des Mondes : la reine dragonne et le mercenaire noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant