Chapitre soixante trois

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Chapitre soixante trois : Aeden



Assis sur l'un fauteuil du manoir de mon frère, je me contentais de regarder à travers la fenêtre le paysage sous mes yeux tout en berçant Astrid qui s'était réfugiée dans mes bras.

Un bout de son visage enfouie dans mon cou, elle ne pleurait plus, mais son corps était encore secoué de spasmes.

La mort de Sacha, il y avait une semaine de cela, avait été dure à avaler pour tout le monde dans la meute, mais les plus affectés restaient encore Astrid et Orion.

Ce dernier ne rentrait d'ailleurs quasiment plus à la maison depuis, vadrouillant dans la forêt sous forme lupine ou bipède. Il n'était revenu que deux ou trois fois au manoir et rien qu'à ses cernes, je pouvais affirmer qu'il n'arrivait pas à dormir beaucoup.

Avec les autres membres de la meute, on avait décidé de lui laisser le temps de digérer le décès de la dragonne. Enfin, plutôt de s'adapter au fait qu'il ne la reverrait probablement jamais dans cette vie. Malgré tout, on continuait de lui montrer qu'on était là pour lui, au cas où il aurait besoin de se confier ou d'autre chose. On lui laissait des assiettes de nourriture sur le porche, on continuait de nettoyer sa chambre, on lui laissait des livres dehors ... ce genre de trucs.

Le deuil était vécu différemment selon chaque personne. Orion avait décidé de rester seul tandis qu'Astrid s'était muré dans un silence tout en refusant de parler de sa mentor. Les condoléances, les phrases toutes faites du style « je suis sûre qu'elle est bien là où elle est » et « elle a eu une belle vie, longue et prospère » la mettaient hors d'elle.

Alors, on avait arrêté d'essayer de la réconforter de cette manière. A la place, on avait juste évoqué les souvenirs qu'on avait chacun avec la dragonne et cela avait paru l'aider. Certaines anecdotes lui avaient même arrachés des petits rires discrets.

Maintenant, une semaine s'était écoulée. Les révolutionnaires étaient restés au château pour organiser un nouveau gouvernement provisoire. Les dragons étaient repartis chacun de leur côté en voyant l'état instable de leur reine. Les mercenaires avaient eux aussi foutu le camp, car, sans Magnus pour délivrer la récompense, la prime sur la tête d'Astrid devenait caduque et l'ordre de bataille était tout simplement annulé. Les mercenaires ne se battaient pas pour rien, ils leurs fallaient ou de l'argent, ou une bonne motivation, et là, il n'y avait ni l'un ni l'autre.

Sans demander l'avis de personne, j'avais décidé de ramener ma copine chez moi.

Quand mon esprit avait refait surface ce jour là, quand j'avais enfin repris conscience, Astrid était agenouillée au sol, le visage baigné de larmes et le corps secoué de sanglots. Devant elle, le corps de Sacha avait été déposé, inerte et vide de vie.

Mon loup m'avait expliqué en quelques mots la situation, affirmant que le sorcier Magnus était mort, que Sacha avait péri durant la bataille et que la tour avait été partiellement détruite.

Maintenant, on était là, chez mon alpha, attendant au calme le jour du couronnement, qui avait été fixé dans quelques jours.

Après mûre réflexion, Astrid avait décidé de provisoirement prendre la tête du royaume, jusqu'à ce que quelqu'un d'assez digne se présente pour qu'elle puisse abdiquer. Elle avait dit ces mots devant la tombe de Sacha, arguant qu'elle ne voulait pas que la lutte de la révolutionnaire conduise à l'ascension au pouvoir d'un nouveau tyran.

J'en étais là dans mes réflexions lorsque un mouvement de ma dragonne me ramena dans la réalité.

Se redressant sur mes genoux, elle fixa ses deux yeux arctique dans les miens.

- On sait qui était la femme que Magnus voulait ressusciter ?

Sa voix était cassé à force d'avoir trop pleurée.

- Elle s'appelait Lousha. C'était une louve. Elle est morte à cause d'une malediction particulièrement horrible lancée par une bonne femme particulièrement amère.

Une chance pour nous, les sous fifres de Magnus avaient pu être capturé malgré le fait que la tour leur soit tombée sur la gueule. En plus, ils étaient encore en vie, et, après quelques petites séances de tortures, étonnamment bavard. Ils avaient vite fait de nous raconter tout ce qu'ils savaient.

- Et cette histoire des treize clés démoniaques ?

Je poussais un profond soupir tout en serrant plus fermement contre moi ma petite reine.

- Les Ombres à la solde de Magnus n'ont pas pu nous renseigner, mais cela expliquerait beaucoup de choses, notamment d'où Magnus tenait ses inépuisables pouvoirs.

Fronçant légèrement ses sourcils, Astrid se pinça les lèvres en me dévisageant, intriguée.

- En quoi cela pourrait expliquer ses pouvoirs ?

Je pris une profonde inspiration avant de commencer à développer mon hypothèse.

- À mon avis, ces treize personnes censées retenir cet être maléfique ont tous reçu la bénédiction d'un dieu. Sinon, je ne vois pas comment, pendant plusieurs siècles, ils auraient pu transférer leurs pouvoirs pour maintenir la cage.

- La benediction d'un dieu ?

- C'est quand un dieu prête une infime partie de ses pouvoirs à l'une des creatures dont il est à l'origine. Cela rend l'être vraiment, vraiment très puissant.

- Voir immortel ?

- Non, ça, je pense que c'est en rapport avec le fait de maintenir la prison. Une sorte de contrepartie en quelque sorte.

Regardant la future reine des dragons dans les yeux, je vis que celle ci les avait fermé et hochait doucement la tête de haut en bas.

J'allais la laisser dans ses pensées, me ré adossant à mon fauteuil, lorsqu'elle ouvrit soudain ses paupières en m'attrapant par le poignet, affolée.

- Attends! Si Magnus avait reçu la bénédiction d'un dieu, et que nous on a tué Magnus, ça veut dire qu'on s'est mis un dieu à dos ?

Souriant légèrement en la ramenant près de moi, je me contentais de secouer ma tête de gauche à droite en rigolant.

- Si un dieu était en colère après nous, crois moi on serait les premiers au courant. Les dieux savent très bien faire savoir qu'ils sont en rogne!

Elle me sourit avec complicité.

- Les pluies de sang ?

- Pas seulement. Pluie de grenouilles, serpent dans les rivières, assèchement des mers et océans ... C'est pas les moyens qui leur manque.

Avec un petit rire, elle déposa sa tête dans le creux de mon épaule, logeant son nez dans mon cou, me chatouillant de sa respiration.

- Alors quoi ? Son dieu ne nous en veut pas ?

Détendant tout mes muscles, je profitais de l'instant tout en passant ma main dans les doux cheveux de ma dragonne.

- La dieu qui l'a béni est sûrement un dieu mort. Un dieu en qui tout le monde a arrêté de croire et qui a finalement cessé d'exister.

À la fin de mon explication, un long silence s'instaura dans la pièce, apaisant et remplie de réflexions.

Finalement après plusieurs minutes, Astrid et moi finîmes par nous endormir devant la fenêtre, récupérant tant bien que mal de la dernière bataille et des pertes qu'elle avait causé.

Les Ombres des Mondes : la reine dragonne et le mercenaire noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant