Chapitre quarante et un : Astrid
- Allez-y, sautez.
Devant moi, un gouffre de près de mille mètres s'étendait, si profond que je ne voyais même pas le sol. Me tournant vers mon mentor, je la regardais avec des yeux exorbités. Avec un sourire confiant et satisfait, elle pointa avec son menton le bord de la falaise. M'approchant un peu plus du rebord, quelques cailloux s'en détachèrent pour tomber dans le vide. M'éloignant vite du trou, je me positionnais derrière Sacha, les bras croisés sous ma poitrine et le regard sévère.
- Je vais pas sauter. Désolé mais c'est non!
Sous mes yeux, le visage de la dragonne revêtit une expression de profonde tristesse et d'incompréhension.
- Mais pourquoi ?
- Parce qu'elle a la trouille! Pas vrai Princesse ?
Dans mon dos, comme sorti de mon ombre, Aeden s'avança vers moi en arborant un sourire arrogant et victorieux qui me donna envie de lui arracher le visage.
- Tu préfères passer devant ?
Face à son silence, je me retournais vers le gouffre qui paraissait sans fond. Hier, après la discussion que j'avais eu avec Aeden, j'avais cogité toute la nuit si bien que ce matin, durant mes entraînements à l'épée et au corps à corps, j'étais encore plus nulle qu'à l'accoutumée. Résultat des courses, j'avais encore plus mangé la poussière que d'habitude et j'avais de plus gros bleus. Hier soir, j'avais affiché une détermination sans borne devant le loup et cela m'avait fait croire que je pouvais accomplir des miracles. Ses conseils avisés sur mes lancées de couteaux m'avaient conduite à demander à Sacha de m'apprendre à voler comme une vraie dragonne. Ça aurait pu passer pour une idée de génie si la dragonne centenaire ne voulait pas que je plonge du haut d'une montagne. « Pour apprendre à voler, rien de mieux que de sauter dans le vide pour expérimenter la sensation de mort imminente » voilà ce qu'elle m'avait sorti en me conduisant devant la falaise ce matin. Son raisonnement s'apparentait à jeter un bébé dans l'océan pour lui apprendre à nager. Une idée carrément suicidaire et débile!
- Non mais tu sais quoi Sacha, je crois que je préfère rentrer. Après tout, ça fait vingt cinq ans que je me débrouille très bien sans ailes, elles ne sont vraiment pas une nécessité pour moi je t'assure.
Avec mes mains, je faisais de grands gestes tout en marchant à reculons. En temps normal, j'aurais fait demi tour pour rejoindre le manoir d'Auxanne, sauf que le problème, c'était que c'était Sacha qui nous avait amené ici grâce à son portail, du coup, je devais m'en remettre à son bon vouloir pour pouvoir rentrer et vu son expression, elle n'en avait pas très envie. Ses jolies cheveux noirs étaient ramenés en une haute queue de cheval d'où aucune mèche rebelle ne s'échappait, ses iris rouges paraissaient s'illuminer et s'enflammer à la moindre émotion qu'elle ressentait et son masque d'écailles autour de ses yeux et descendant sur ses joues se colorait de différentes teintes selon l'éclairage qui s'y reflétait. Décidant de tourner le dos à cette beauté surnaturelle, ne pouvant supporter plus longtemps son regard implorant de chien battu de peur que je ne craque à ses caprices, je percutais un corps qui ne bougea même pas d'un pouce malgré le choc. Alors que j'allais baller en arrière, des mains puissantes s'abattirent sur mes épaules et me maintinrent en place.
Prenant quelques secondes pour retrouver mon équilibre, je levais mes yeux vers Aeden. J'allais me dégager de ses mains lorsque son expression m'interpella. Ses iris grises pétillaient d'une lueur d'amusement tandis que son sourire était arrogant et mesquin. Ses joues étaient un peu rosies et ressortaient sur son teint blanc tandis que son nez était légèrement retroussé. Ses cils longs et noirs n'arrêtaient pas de papillonner et son sourire ajouté à sa dentition d'un blanc éclatant d'où deux crocs aiguisés s'apercevaient me filèrent des frissons dans le dos. Pendant quelques secondes, sa beauté m'éblouit, si bien que j'en oubliais de respirer. Cependant, ses iris teintés de gaietés me ramenèrent sur terre. Il préparait un mauvais coup, j'en étais sûr. À force de vivre presque l'un sur l'autre, je pouvais déchiffrer le language de ce loup à la perfection. C'était presque comme ci j'étais connecté en direct à ses pensées. Sauf que là, on était au bord d'un gouffre et connaissant l'énergumène et ses idées tordues, ça puait la merde pour moi!
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Les Ombres des Mondes : la reine dragonne et le mercenaire noir
Paranormal« Mais dans quelle merde je m'étais encore fourrée ? ». Lorsque Astrid Vasilikos voit débarquer dans le cabinet vétérinaire glauque dans lequel elle travaille de nuit Auxanne Archigos, couvert de sang et de blessures, elle pense que son heure de mou...