18 | Qu'il en soit ainsi.

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Ses doigts resserrés autour du volant, il a fixé son attention sur l'asphalte après m'avoir brièvement dévisagée. Moi, j'ai jubilé. Avais-je réussi à prendre le nouveau petit frère du diable par surprise ? À le contrarier ? Le déstabiliser ? Ne vous y trompez pas, il n'a rien laissé filtrer me permettant de répondre à cette interrogation. Néanmoins, ce sentiment était tellement plaisant que j'ai gardé une esquisse de sourire impertinent jusqu'à la fin du trajet, laissant mon pouce tracer des cercles lascifs sur le haut de ma cuisse. Le scrutant avec une intensité indécente, le pouls inexplicablement déréglé. Si vous voulez mon avis, c'est scandaleux d'avoir des traits à ce point parfaits.

Voilà qui contrebalance avec sa détestable personnalité, Charlie !

On peut voir les choses ainsi, effectivement.

Rappelle-toi comment tu t'es sentie la seule fois où vous avez partagé un moment sans vous battre.

Inutile de revenir sur cet embarrassant souvenir, merci.

Une fois garés sans que nos yeux ne s'accrochent à nouveau, l'idée de mettre mes baskets dans ce repaire de mafieux m'a rattrapée, donc je me suis crispée. Je n'y suis jamais allée – évidemment – et les sous-fifres présents à l'intérieur ignorent mon identité. Alors je suis sortie du véhicule en forçant une lente inspiration pendant que Luke déployait un parapluie au-dessus de ma tête, prenant visiblement son rôle cauteleux au sérieux. Cette fois, c'est un regard hésitant qui a rencontré la neutralité du sien. Froideur, même. J'ai glissé mes doigts au creux du coude qu'il m'a présentée en silence, quelque part rassurée par l'intensité de sa présence. Mon souffle m'a échappée lorsqu'il a posé les siens sur la poignée, mais heureusement, sa suffisance est sur le point de me permettre de me ressaisir.

***

— Monsieur Cooper ! s'exclame un homme d'âge moyen, nous voyant entrer. Quelle bonne surprise !

C'est marrant, personnellement je me dis à chaque fois l'inverse !

Me voici à scruter une pièce – ressemblant à un bar sinistre – enfumée – odeur comprise – pendant que l'attention de chaque homme présent converge dans notre direction. Et tandis que celui à mes côtés leur inspire le respect...

— En charmante compagnie ! ajoute celui que j'identifie comme étant probablement le gérant.

Voilà. C'est sans suspense d'aucune sorte que la concupiscence est de mise, me donnant immédiatement envie de tirer sur ma robe. Vomir. Sortir. Fuir.

Pu-naise.

— Alors ? chuchote Luke avec toute son arrogance. Qu'en est-il de cette culotte ?

Hum.

C'est précisément cette attitude qui me pousse à poursuivre ma comédie, j'imagine que vous l'avez compris. Raison pour laquelle je me détache du gradé pour tendre la main à son soldat, arborant un sourire irrésistible ainsi qu'une moue aguicheuse.

— Noa, annoncé-je mielleusement lorsqu'il la porte à ses lèvres.

Beurk.

— Ignacio, se présente-t-il sans dissimuler son intérêt. C'est moi qui fait tourner cet endroit.

Bingo !

Malsain, l'intérêt. Puisque j'ai un prénom à trois lettres, rappelez-vous ce que cela signifie. Il m'attire aussitôt en direction du bar – me détaillant sans vergogne – et honnêtement, j'oscille entre nausée intense et satisfaction, un coup d'œil par-dessus mon épaule m'indiquant que j'ai encore déjoué les prédictions de Luke quant à mon comportement. Enfin, je suppose, vu ses poings sont serrés ou son regard sévère.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant