31 | Amertume non contenue

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Admettons.

Quoi donc, dites-vous ? Que c'est peut-être le moment de reconnaître à quel point rien n'est sous contrôle. Le mien, en tout cas. Et je ne parle même pas de moi me déhanchant – en culotte et débardeur – au bord de la piscine de ma chambre d'hôtel – à cinq heures du matin – non non. Car pendant que, victime du décalage horaire – entre autre – je me défoule langoureusement sur « Pleased to meet you » – d'Alexz Johnson – je pense. Aux deux jours incroyables que je viens de passer au milieu de ce paysage à couper le souffle, accompagnée par cet homme à...

Hum.

Préfères-tu éviter de le dire, Charlie ?

Précisément !

C'est. L'horreur. Mon casque Marshall vissé sur les oreilles, un verre de jus de fruits frais entre mes doigts crispés, je ressasse chacun de ses sourires depuis notre arrivée. Rumine. Fulmine. J'imagine qu'il se sent obligé d'être agréable étant donné que ce sont mes premières vacances à l'étranger, sauf qu'en réalité c'est insupportable. Parce que j'ai l'impression d'étouffer sans cesse, voyez-vous. Quand il m'a entraînée dans un marché aux mille couleurs au cœur de Malé, par exemple. Attrapant ma main avec ce naturel déconcertant, arguant qu'autrement j'allais inévitablement me perdre parmi les ruelles tant j'étais émerveillée par les étals, les produits, les gens. Ok, il avait certainement raison. Mais quand même !

Pu-naise.

Saviez-vous que j'ai vu des dauphins il y a tout juste quelques heures ? Des. Dauphins ! En liberté au large ! Puisque Luke sait aussi conduire un bateau – évidemment – et qu'il a eu l'adorable idée de me proposer une excursion. J'ai failli lui demander s'il y a quelque chose qu'il ne sait pas faire, réussissant toutefois à garder mes lèvres scellées. Heureusement. Je n'ose imaginer la mine arrogante qu'il aurait arboré si je n'avais su me réfréner. Nous n'étions que tous les deux, bien entendu. Lui, moi, nos maillots de bain et cette eau transparente à perte de vue. Y a-t-il quelqu'un pour m'expliquer comment garder la tête froide dans des conditions si paradisiaques ? Parce que je cherche en vain ! Et là, je ne parle plus uniquement du paysage. Sauf si on considère qu'il en fait partie...

Oh. Mon. Dieu.

Quand notre cœur bat trop fort, les autres peuvent-ils l'entendre ? Le soleil suffit-il à justifier la rougeur de mes joues ? Le grand chapeau que je portais est-il parvenu à cacher un peu de mon trouble ? Quel prétexte puis-je avancer afin d'expliquer l'hésitation de mon souffle ? Somme toute, je suis la ridicule gamine en pâmoison devant cet homme indifférent jouant le guide charmant dans le but de me faire oublier qu'il n'est que le geôlier désigné par le diable me laissant goûter à un semblant d'indépendance. Cette réalité a comme un arrière-goût de syndrome de Stockholm, au fond. Cependant...

Ça pourrait être pire !

Puisque cela peut toujours l'être, que lui n'a rien demandé non plus et qu'heureusement, je suis consciente de l'absurdité de cette situation. Peut-être devrais-je accepter cette sortie snorkeling proposée par Oliver. Histoire de pouvoir respirer un peu. Façon de parler évidemment, puisqu'il est question d'aller sous l'eau à la rencontre des tortues.

Pour ce faire peut-être faudrait-il commencer par dormir, Charlie !

Exact.

Terminant mon jus dans un dernier mouvement de hanches, je pivote pour reprendre la direction de la suite.

Nom d'une pipe !

Luke est définitivement voué à me faire sursauter, dites-vous. Ainsi que lâcher ce que j'ai à la main, à priori. Puisqu'il est là – depuis je ne sais combien de temps – appuyé contre une poutre en bois, visiblement occupé à m'observer. C'est ainsi que mon verre m'échappe dans un hoquet surpris, partant se briser sur le sol avec un petit air de déjà vu.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant