41 | Épais brouillard

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C'est donc là que j'étais lorsqu'ils sont arrivés. Au bar. Bien enfermée dans une pièce sans fenêtres – sous la surveillance du second de mon oncle – pourtant. Hélas cela n'aura rien empêché. Ayant demandé à Mia de se joindre à moi et afin de laisser mon amertume s'exprimer, nous jouions « Dream of dreams » – de Brian Crain – avec application. Noah était adossé à l'instrument, me scrutant avec attention, conscient de mon désarroi si flagrant. J'avais pleinement notion d'à quel point mon attitude était ridicule, Luke n'ayant cure de mes stupides états d'âme. Néanmoins, je persistais. Dos à lui, je pouvais toujours imaginer qu'il m'observait – ne l'avait-il pas fait par le passé ? – et que je pourrais l'atteindre quelque peu.

Pourquoi faire, Charlie ?

Ne pas être la seule en difficulté face à l'autre.

Hum.

J'ignore qui ils ont tué pour arriver jusqu'à nous – préférant éviter d'y penser – mais des silencieux vissés sur leurs armes, ils sont entrés dans l'antre de Lucifer comme les nouveaux propriétaires des lieux, ne laissant guère le temps de réagir aux quelques sous-fifres du parrain présents. S'organiser. Riposter.

Pu-naise.

Le benjamin de la fratrie Riviero, je l'ai reconnu sans peine. Grand basané aux cheveux noirs plaqués vers l'arrière, il est le portrait de son aîné. Alors que ses hommes nous ont tous mis en joue pendant que je me levais – expulsant une expiration nerveuse – il a pris le temps de nous détailler longuement – Mia ainsi que moi – laissant un sourire écœurant se dessiner sur ses lèvres en déviant son attention vers le nouveau petit frère de Lucifer. Ce dernier avait le visage plus fermé que jamais – l'air davantage effrayant qu'effrayé – ne prenant nullement la peine de bouger de son tabouret près du comptoir. Le regard sombre, il jaugeait la scène d'un calme impassible. Ses yeux croisant finalement les miens, c'est là que j'ai cru lire un soupçon de peur ayant aussitôt disparu.

— Excuse-moi de t'interrompre, mon ami ! s'est exclamé Javier d'une insupportable voix dégoulinante d'arrogance. Je cherche à savoir si Charlie est une légende ou s'il existe vraiment ! Auquel cas, je voudrais lui parler !

Oh. Mon. Dieu.

Au moins avions-nous la preuve que Luis n'avait pas révélé ma véritable identité à sa famille. À cette idée la jolie blonde a attrapé ma main pour la serrer et j'ai tenté de m'empêcher de vaciller, consciente d'à quel point Noah évitait délibérément de regarder dans ma direction. Prenant une lente inspiration, Luke s'est levé sans laisser filtrer l'ombre d'un sentiment, se plantant devant l'indésirable invité en croisant ses bras sur son torse.

— Ça faisait longtemps, a-t-il placidement rétorqué. Et si vous baissiez vos armes pendant que nous allons discuter de ce sujet dans mon bureau ?

— Je suis un homme d'honneur, a déclaré mon bourreau. Tu sais que je préfère éviter de faire couler du sang inutilement.

Ah. Je vois. Un mafieux au grand cœur, donc ?

Le bras droit de Satan a lentement récupéré son arme de la ceinture de son jeans puis l'a déposée sur le bar, démontrant sa volonté de régler ce conflit dans le calme. Sauf qu'au moment où son homologue s'apprêtait à en faire de même, il s'est ravisé, l'appuyant sur sa carotide d'un geste vif.

Non !

Mia retenant son souffle, j'ai plaqué ma paume sur ma bouche pour étouffanrer un cri d'effroi, Noah se plaçant instinctivement de façon à me masquer la scène. Me protéger. Moi. Car je suis la nièce du parrain. Leur princesse. La. Cible.

— Fais-la sortir d'ici, a fermement commandé Luke sans laisser filtrer une bribe d'émotion.

Quoi ?!

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant