Après la pluie

22 | Faire semblant.

Coude négligemment appuyé sur l'élégant comptoir en bois, joue plaquée à l'une de mes paumes, je sirote un énième cocktail aux fruits, affichant une moue résolument blasée.

Et bien bravo !

Je ne souhaitais guère passer ma soirée au club, sauf que Mia a terriblement insisté, arguant que j'allais – en prime – bénéficier de temps avec Noah, très occupé actuellement. J'ai donc fait l'effort d'enfiler une blouse en dentelle blanche et un jeans moulant dans l'idée de profiter – en dépit de mon chaos intérieur – d'un bon moment en leur compagnie. Résultat ? Ils ne sont là ni l'un ni l'autre. Elle a dû s'absenter pour travailler – épargnez-moi de vous faire un dessin, s'il vous plaît – et le blond semble être missionné quelque part. Ailleurs qu'ici, en tout cas. Je le déplore, mais nous n'avons que peu l'occasion de nous voir depuis quelques jours. Bref, vous aurez compris que je suis seule. Par choix, cependant. Puisque je ne veux personne d'autre – en dehors de Lys et Yun évidemment – qu'eux. Le bar est à deux doigts d'ouvrir au public, moi à autant de m'en aller rejoindre le confort de ma couette accompagnée d'un livre. Aspirant le fond de mon verre, j'hésite malgré tout.

— Klaus ? soupiré-je finalement à l'attention du barman.

— Oui mademoiselle Alvarez ? répond-t-il, me rejoignant aussitôt.

Charlie. C. H. A. R. L. I. E. Pourquoi ces lettres peinent-elles à s'imprimer dans ton cerveau ?

On ne fait pas attendre la princesse, voyez-vous. La nièce de Lucifer. Peu importe l'heure ou le nombre de personnes, je serai toujours prioritaire à ses yeux. Vous saurez que je n'en abuse d'aucune façon, traînant relativement rarement mes baskets dans le coin. Cependant...

— Ce mélange que tu fais est définitivement le meilleur truc au monde. Peux-tu m'en préparer un dernier s'il te plaît ?

Après, je file !

— Ça vient immé...

— Elle va plutôt prendre un verre d'eau, le coupe sèchement Luke depuis mon dos.

Devrais-je être habituée ? Cesser de sursauter ?

À priori non, Charlie !

Hélas !

Après avoir tressailli sans une once de subtilité, je pivote en direction de l'indésirable s'étant incrusté au milieu de ma délicieuse dégustation, lui adressant un regard mauvais.

Toi !

— Puis-je savoir de quoi tu te mêles ? grondé-je, incapable de m'embarrasser d'un détour.

Parce que là, vraiment, je m'efforce vainement de comprendre !

— Voilà un moment que je t'observe, assise là, déclare-t-il nonchalamment, me scrutant avec sévérité.

Ah. C'est effrayant, le sais-tu ?

— Qu'ai-je donc fait pour susciter tant d'intérêt ? marmonné-je, le nez froncé, suspicieuse.

Le pouls affolé aussi, n'ayant rien remarqué. Et pendant qu'il s'installe sur le tabouret à droite du mien, je m'éloigne au maximum. Une judicieuse manifestation de mon instinct de survie, je présume.

Reste loin, Luke. Ce que je ressens quand tu es près est inopportun.

— Tu es très jolie, pourquoi m'en priver ? me raille-t-il, haussant un sourcil en esquissant un agaçant – séduisant – rictus.

Mais. Bien. Sûr ! Ta crédibilité est à revoir, mon cher !

— J'imagine que c'est cette même raison qui t'as poussée à m'ignorer tout à l'heure ! répliqué-je d'un ton acerbe, me rappelant son comportement lorsqu'il a quitté cette pièce plus tôt dans la journée.