Peut-être est-ce la folie qui a fait qu'il m'a menée jusque là. N'est-il pas avéré que nous pouvons devenir insensés lorsque la douleur ressentie est trop forte ?
Si, Charlie. Mais te concernant tu es seulement en état de choc.
Que tu crois !
Toujours est-il que je contemple le lac Michigan d'un regard totalement hagard. Car c'est ce que je suis. Vide. Habitée par le néant. Chaque parcelle de mon être ayant été dévorée par la culpabilité, cette inéluctable souffrance rythmant mon pouls autant que mes pleurs. Ce deuil que j'ignore de quelle façon débuter ou même si je le veux. Pourquoi ? Quand ? Comment ?
Sûrement pas sur un bateau, Luke !
Je suis restée un temps indéfini assise sous le jet glacial de ma douche. Mon tee-shirt collé à ma peau transie par le froid, le dos appuyé contre la paroi de verre, mes larmes se perdant parmi le flot continuel que je ne ressentais nullement. Parce que j'étais ailleurs, voyez-vous. Installée en tailleur face à moi, Mia me contemplait de sa moue désolée. Empathique. Fidèle à elle-même.
Je suis celle devant être navrée, tu sais !
Si j'avais tendu le bras, j'aurais presque pu la toucher, niant de toutes mes forces qu'il s'agissait d'autre chose que la réalité.
Pourquoi n'es-tu pas en colère ?
La scrutant sans cesser de lui parler dans un murmure aussi inaudible qu'incohérent, j'ai cherché une trace de ressentiment dans la douceur de ses traits. En vain. Il n'y avait que sa lumière toutefois incapable de m'atteindre tant j'étais murée dans mes ténèbres.
M'as-tu déjà pardonnée ?
Il n'y a rien à pardonner, Charlie.
Un instant, j'ai même cru entendre sa voix prononçant ces mots au creux de mon oreille. Hélas à la seconde suivante le charme était rompu, mon amie disparaissant au profit d'un homme semblant particulièrement fébrile.
Comment es-tu entré, Luke ? J'avais fermé à clé.
Incapable de réagir, je l'ai laissé m'enrouler dans une serviette, appelant Jane afin qu'elle me prenne en charge, lui ordonnant de me réchauffer puis m'habiller chaudement puisque nous allions sortir.
Laisse-moi tranquille, je ne veux aller nulle part en ta compagnie.
J'étais cependant amorphe et la gouvernante disciplinée, donc elle m'a séchée avec diligence avant de me faire enfiler legging et sweat-shirt épais, satisfaisant les désirs du petit frère de Lucifer.
Oubliez-moi s'il vous plaît !
Un bonnet sur le crâne et ma paire de Converse aux pieds quelques minutes plus tard, j'ai été contrainte de passer mon manteau, me retrouvant sur le siège passager de l'Audi blindée, indifférente à tout. Je me suis instinctivement recroquevillée, il m'a longuement jaugée avant de démarrer, prenant la route alors que mon seul souhait était de me terrer dans un coin sombre jusqu'à la fin des temps. La mienne, tout du moins. Le trajet n'ayant pas été très long, voilà comment je me suis retrouvée sur une vedette avançant à grande vitesse sur l'étendue calme du lac, ignorant pour quelle obscure raison.
Que me veux-tu, cette fois ? J'en ai fini de lutter, Luke. Si tu veux m'écraser pour de bon tu ne rencontreras plus de résistance, fais-toi plaisir.
***
Le soleil terminera bientôt sa course, toutefois même la beauté crépusculaire est incapable de m'atteindre. Ses couleurs m'ont toujours chamboulée par le passé, pourtant, faisant partie de ces bonheurs simples pour lesquels je vibrais irrémédiablement. Rêvais. Parfois c'était insuffisant pour m'apaiser, néanmoins il se passait quand même quelque chose. Pas cette fois.
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Après la pluie
Lãng mạnAyant vécu une enfance teintée de galères, Charlie n'a nullement ménagé ses efforts afin de mettre sa vie sur les rails de la sérénité. Aspirant à un futur fait de bonheurs simples, elle voit son rêve voler en éclats d'un seul coup de téléphone. « D...