Après la pluie

25 | Ma seule demande.

J'ai esquivé sa main rejoignant mon coude lorsqu'il a argué que ce n'était nullement le lieu pour avoir cette conversation, m'engouffrant dans sa voiture entourée de mes bras, en état de choc. D'où sortait cette improbable décision que je ne travaillerai plus avec Noah ? Nous faisons régulièrement équipe depuis ma première mission et cela a toujours fonctionné à merveille ! J'ai d'ailleurs ordonné qu'il soit désormais mon unique binôme mais personne n'a bronché ! Même Lucifer s'est contenté de m'observer, ce qui vaut acceptation de sa part !

Alors pour quelle bonne raison ?!

Pourquoi modifier quelque chose menant à la réussite tout en me permettant de rester sereine ?! J'attire la cible, puis il me récupère pendant que quelqu'un la cueille. Tout. Simplement. Vite fait, bien fait. Ainsi Peter s'épargne une effusion de sang superflue autant que le nettoyage s'ensuivant. Les détails à régler avec les autorités, aussi. Et surtout, il n'intervient plus au milieu des gens vivant leur vie nocturne sans être conscients de ce qu'il se passe réellement aux alentours. Que la mafia n'est en rien une légende urbaine. Que le trafic de drogue, d'armes ou le proxénétisme sont partout. Un homme peut-il être à la fois le diable et bon ? Je n'irai pas jusque là. Néanmoins sa nouvelle méthode m'apparaît charitable vis-à-vis de toutes ses personnes qui ressortiraient traumatisées – ou pire – d'être prises au milieu d'une fusillade de règlement de comptes. En ce qui me concerne, il affirme que ma participation contribue au règlement de la dette de son frère. Pourtant, je me demande si ce n'est pas plutôt sa manière de m'immerger progressivement dans son univers, m'attirant dans ses ténèbres un pas après l'autre. Lentement. Sûrement. Lors de mon arrivée je n'étais jamais conviée aux réunions, par exemple. Désormais je le suis et depuis peu il commence à me demander mon opinion – uniquement au sujet de ses affaires légales dans l'immobilier – avant de signer un nouveau contrat. Le jeudi, je l'accompagne – sous une fausse identité – au bureau et il me forme comme s'il me voyait prendre les rênes à sa suite. C'est intéressant – je le reconnais – puisque j'ai toujours été avide de connaissances, mais le grand banditisme est-il génétique ? Apparemment non, étant donné que je veux juste rentrer chez moi, retrouver le fil de ma vie perdue en même temps que l'espoir de voir mon père revenir à la maison.

Puis-je espérer revoir le soleil puisque tu n'es plus là ?

Pour l'heure, je suis droite – raide – assise sur le siège en cuir de la voiture de Luke. Mes poings sont serrés, ma mâchoire contractée et mon regard dardé sur les phares arrières du véhicule arrêté devant nous. Ma respiration est aussi sporadique que mon pouls, bien que je m'applique à garder – reprendre – le contrôle des deux. Fidèle à lui même, bébé Satan est stoïque, silencieux.

Cela ne peut plus durer.

— Explique-toi, craché-je abruptement, me tournant pour le dévisager.

Sois convaincant s'il te plaît !

Je me heurte à son profil indifférent, car il ne prend même pas la peine de m'accorder le moindre regard.

— Nous parlerons en arrivant, rétorque-t-il impassiblement.

Je ne crois pas, non !

— Nous allons en parler maintenant, grondé-je, me hérissant davantage. Tu as contré mon ordre, j'exige une réponse !

Cette fois il hausse un sourcil, me lançant une œillade condescendante.

— Comment comptes-tu t'y prendre pour me convaincre, princesse ? ricane-t-il avec dédain. Vas-tu grimper sur mes genoux pour m'amadouer en jouant au mignon petit koala ?

Nodocéphale !

Évite de le dire à voix haute, Charlie ! Nous savons déjà qu'il va seulement rire plus fort !